Centon

stylo-plumeNon, en écrivant « centon », je n’ai pas fait de fautes d’orthographe. Ayant le privilège d’être au service de Lépicurien depuis plusieurs années, je me suis toujours fait un point d’honneur d’éviter les fautes grossières. Non, bien sûr, je ne veux pas parler de ces petits bonhommes d’argiles qui habitent les crèches de Provence. Mais je reprends un vieux mot d’origine grecque que l’on pourrait traduire par un mot anglais « patchwork »[1].

Le « centon » est un jeu littéraire qui consiste à créer un poème original à partir de vers empruntés à d’autres auteurs. Je vous propose deux exemples :

LA LUNE AUX OLIVIERS

Ô cité douloureuse! Ô cité quasi morte !                                 1
La nuit s’épaississait ainsi qu’une cloison.                             2
Ému par ce superbe et tranquille horizon,                               3
Le déluge fermait ses invisibles portes.                                  4
L’étendue enivra mon esprit et mes yeux.                               5
Les arbres regonflés et recouverts d’écailles                         6
Flottaient comme un tissu très fin dans l’or des pailles ;        7
L’univers étourdi penchait sur ses essieux.                             8
Le soleil dans les flots avait noyé ses flammes.                     9
Savions-nous, quand mourait le feu dont nous brûlâmes    10
Tout ce qui doit mourir, tout ce qui doit cesser ?                  11
La bonne flèche aiguë, et sa fraîcheur qui dure ?                12
Ô famille ! Ô mystère ! Ô cœur de la nature !                       13
J’étais seul, l’autre soir, au Théâtre-Français.                      14

Il est construit grâce à la collaboration involontaire desolitude

1. Arthur Rimbaud (Paris se repeuple). 2. Charles Baudelaire (Le Balcon). 3. Victor Hugo (À Villequier). 4. Victor Hugo (La sortie de l’ombre). 5. Maurice de Guérin (Les Retrouvailles). 6. Paul Valéry (La jeune Parque). 5. Maurice de Guérin (Les Retrouvailles). 7. Paul Verlaine (Amour). 8. Gérard de Nerval (Le Christ aux oliviers). 9. Lecomte de Lisle (Les Hurleurs). 10. Henry de Régnier (La Lune jaune). 11. Anna de Noailles (Les Regrets). 12. Paul Verlaine (Sagesse). 13. Alphonse de Lamartine (La vigne et la maison). 14. Alfred de Musset (Une soirée perdue).

LES BEAUX ÉTÉS SANS TOI

Regarde! Je viens seul m’asseoir sur cette pierre            1
Où jadis, pour m’attendre, elle aimait à s’asseoir.             2
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir,         3
L’air est parfois si doux qu’on ferme la paupière.              4
Il est d’étranges soirs où les fleurs ont une âme                 5
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur,                    6
La cendre du soleil nage sur l’herbe en fleur.                     7
Nous sommes tous les deux voisins du ciel, Madame!    8
Aux regards d’un mourant, le soleil est si beau.                9
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau !    10
Que ne m’est-il permis d’errer parmi les ombres!           11
Maintenant, ô mon Dieu, que j’ai ce calme sombre,       12
Il n’est rien de commun entre la terre et moi.                    13
Hélas! en te perdant, j’ai perdu plus que toi.                    14

Sont intervenus à leur insu :solitude1

1. Lamartine (Le Lac) – 2. Victor Hugo (Tristesse d’Olympio) – 3. Baudelaire (Harmonie du soir) – 4. Arthur Rimbaud (Roman)- 5. Albert Samain (Il est d’étranges soirs) 6. Ronsard (Amours de Marie II) – 7. Leconte de Lisle (Le Sommeil de Leilah)- 8. Victor Hugo (Ave Dea, mortiturus te salutat) – 9. Marceline Desbordes-Valmore (Les Séparés) – 10. Lamartine (L’Automne) – 11. La Fontaine (Adonis)  – 12. Lamartine (L’Isolement) – 13. Victor Hugo (A Villequier) -14. Boileau (A Iris).

Mona soiffée de vers…


[1] Habit fait de divers éléments disparates. Patch venant de l’anglo-normand : « pieche » qui vient de pièces

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *