Comment çà va Clémentine ? oh, au poil

Des chercheurs chinois viennent enfin d’expliquer que « l’hypertrichose[1] universelle congénitale terminale », dont souffrent certaines femmes est due à un dérèglement hormonal caractérisé par un développement anormalement important des poils sur le corps et une éventuelle déformation du visage et des gencives.

A notre époque où le moindre poil est traqué par les femmes, on peut parler de souffrance lorsque leur système pileux est fortement développé. Mais il y a un peu plus d’un siècle, une Vosgienne ne semble pas avoir de tels complexes.

Clémentine Delait tient le bistrot de Thaon-les-Vosges qu’elle a créé à la suite de son mariage avec le boulanger du lieu. Femme charpentée[2], elle est connue pour son verbe haut et son coup de poing destructeur. En 1900, elle se rend à la foire de Nancy et visite la baraque de la femme à barbe. Le lendemain, au bar, elle raconte sa déception. L’attraction n’est pas à la hauteur… la pilosité n’est pas assez abondante. En un mot, elle est déçue d’avoir dépensé 15 sous pour si peu. Les clients qui eux ont été ébahis par le phénomène, rigolent, blaguent sur le sujet jusqu’à ce que Clémentine stoppe toute conversation :

« Bande de c…, si je me laissais pousser la barbe, vous verriez ce que c’est qu’une vraie barbe. »

Là çà fait son effet. Les piliers de bar se taisent. L’un d’eux rompt le silence :

« Si t’as une barbe dans 15 jours, je te verse 15 louis. »
« Pari tenu, tope la »
« Tournée générale. »
Bien sûr, on avait remarqué que la patronne avait le menton plutôt noir, mais on ne savait pas que depuis des années, elle allait chaque matin chez le barbier qui avait su garder le secret.

Et bien entendu, le poil pousse et elle arbore une barbe si fournie que Charlemagne en aurait eu des complexes… Si le parieur ne versera jamais la somme prévue, sa vie va être  définitivement bouleversée. Le café est rebaptisé « le Café de la Femme à Barbe » et le chiffre d’affaires du commerce augmente fortement. Elle vend des cartes postales que les visiteurs s’arrachent. Le cirque Barnum  lui fait un pont d’or qu’elle refuse pour rester aux cotés de son mari malade. Une femme au poil, en un mot.

Pour le soigner, elle accepte de vendre son célèbre estaminet et déménage à Plombières où elle ouvre un magasin de… (Devinez quoi, je vous le mets Emile)… lingerie. Un magasin pour se mettre à poil ?

C’est après le décès de son boulanger, qu’elle accepte un contrat qui la fera voyager dans toute l’Europe et deviendra la Femme à Barbe.
Elle repose au petit cimetière de Thaon-les-Vosges et, à sa demande, est inscrit sur la pierre tombale :


Mona pas de poil du tout, et vous ?



[1] Du grec hyper, en excès, et thrix, poils
[2] 90 bons kilos sur la bascule

Faut pas baver sur l’antenne…

Escargot sympathique prêt à l'emploi

Le 25 octobre 1850, le quotidien, La Presse publie une communication annonçant la découverte d’un nouveau système de communication : la boussole pasilalinique[i] sympathique[ii].  Cette invention doit permettre de transmettre des messages instantanément et ce, quelque soit la distance.

Le texte paru dans le journal est de la main de Jules Allix, un excentrique connu comme une sorte de géo-trouve-tout.

Mais la création de cette machine n’est pas de lui. En grossissant le texte de l’article, vous verrez notamment le nom de Jacques Toussaint Benoit, de l’Hérault. Cet inventeur de génie a mis au point cette méthode de télégraphie basée sur la capacité des escargots à maintenir un contact sympathique avec leur partenaire après l’acte sexuel. Autrement dit, selon Toussaint Benoit, un escargot est capable de transmettre à toutes distances, par le biais d’un fluide identifié à une forme de magnétisme animal propagé par le sol, son état d’excitation au congénère avec qui il a « sympathisé », c’est la « commotion escargotique ».

Pour mener à bien ses travaux, il demande l’aide d’un autre Héraultais fort connu sous le second Empire : Antoine-Hyppolite Triat. A la tête d’un gymnase où se pressent la bourgeoisie parisienne et où même Napoléon III aurait bénéficié de ses cours de gymnastique, l’homme est suffisamment argenté pour développer les machines qui doivent révolutionner le monde.

Après un an de travaux, deux machines sont prêtes.

On va pouvoir tester : chaque boîte est chargée de piles et de câbles et dans des auges, repérées par les diverses lettres de l ‘alphabet, se pavanent des escargots « sympathiques ». En clair pour la lettre A, deux escargots ayant eu un rapport sont séparés et placés chacun dans une des boîtes. Dès que l’escargot A de la boîte 1 reçoit une légère décharge (si j’ose dire) électrique, l’escargot A de la boîte 2 doit aussitôt sortir ces cornes et permettre ainsi de lire le mot envoyé… Enfantin, quoi !

Les boîtes sont éloignées de quelques mètres et Allix envoie des mots. L’expérience est concluante. Le récepteur a trouvé le mot… Plus fort, Toussaint Benoit indique à son mécène qu’un Américain du nom de Biat-Chrétien a fabriqué une boîte similaire et qu’un échange transatlantique sera réalisé. C’est encore un succès…

Antoine-Hyppolite Triat a des doutes. Il a constaté que lors de l’expérience, Toussaint Benoit avait beaucoup navigué d’une boîte à l’autre…. Quant à l’expérience internationale, impossible de vérifier. Aussi il demande à l’inventeur de génie de disposer ces boîtes dans deux lieux de la capitale. Mais il ne le reverra jamais…

Toussaint Benoit finira plus ou moins clochard et mourra deux ans plus tard. Jules Allix continuera à inventer des choses extravagantes avant de finir interné à Charenton.

Quant aux escargots, leurs antennes ne cessent de brouiller l’écoute…

Allez Mona, vite deux verres, que nous fassions péter un bouchon à leur mémoire. Ce sera le Triple Zéro du Domaine de la Taille aux Loups. Jacky Blot nous livre un joli effervescent frais, vif, rafraîchissant, minéral… Que du plaisir !




[i] Parole universelle

[ii] Qui est en relation