Un homme de lard

La lecture du Satyricon nous renseigne sur la vie décadente des Romains. On y partage notamment le festin de Trimalcion. Esclave affranchi par son maître et ayant hérité de sa fortune, il est assez vulgaire. Il mène grand train et aime s’entourer d’une cour d’esclaves affranchis comme lui, qui rit et applaudit à toutes ses frasques. Ainsi, au cours de ce fameux banquet, après avoir servi moult plats, il demande à Gaius, son cuisinier, de préparer au plus vite un cochon. En quelques minutes, le porc est sur la table :

La compagnie aussitôt de se récrier sur la diligence du cuisinier ; chacun jurait qu’il aurait fallu plus de temps à un autre pour cuire un poulet ; et ce qui augmentait encore notre surprise, c’est que ce cochon nous paraissait beaucoup plus gros que le sanglier qu’on nous avait servi un peu auparavant. Cependant, Trimalcion l’examinant avec une attention toujours croissante :

– Que vois-je ? dit-il ; ce porc n’est pas vidé ! Non, certes, il ne l’est pas. Courez, et faites-moi venir ici le cuisinier.

Le pauvre diable s’approche de la table, et, en tremblant, confesse qu’il l’a oublié.

– Comment, oublié ! s’écrie Trimalcion en fureur. Ne dirait-on pas, à l’entendre, qu’il a seulement négligé de l’assaisonner de poivre et de cumin ? Allons, drôle, habit bas !

Aussitôt le coupable est dépouillé de ses vêtements et placé entre deux bourreaux. Sa mine triste et piteuse attendrit l’assemblée, et chacun s’empresse d’implorer sa grâce :
– Ce n’est pas, disait-on, la première fois que pareille chose arrive ; veuillez, nous vous en prions, lui pardonner pour aujourd’hui ; mais, si jamais il y retombe, personne de nous n’intercédera en sa faveur.

Trimalcion se dérida tout à coup :
– Eh bien ! lui dit-il en riant, puisque tu as si peu de mémoire, vide à l’instant ce porc devant nous.

Le cuisinier remet sa tunique, se saisit d’un couteau, et, d’une main tremblante, ouvre en plusieurs endroits le ventre de l’animal. Soudain, entraînés par leur propre poids, des monceaux de boudins et de saucisses se font jour à travers ces ouvertures qu’ils élargissent en sortant.
À la vue de ce prodige inattendu, tous les esclaves d’applaudir et de s’écrier : Vive Gaius ! Le cuisinier eut l’honneur de boire en notre présence ; de plus, il reçut une couronne d’argent.

Bon Mona, çà donne faim et soif. J’ai choisi un vin de Rully. Cécile et Vincent Dureuil ont réussi un grand vin avec ce 1er cru 2009. Un fruit magnifique et une trame d’une finesse à rendre jaloux une fille lors d’un défilé de mode…

4 pensées sur “Un homme de lard”

  1. Bonjour, de mémoire la photo d’une femme enveloppée de viande et emballée dans du cellophane que vous avez utilisée pour votre montage était sur la pochette d’un disque d’un groupe de rock irlandais des année 80 (et bien avant Lady Gaga !)… si c’est bien le cas, pouvez vous me remettre en mémoire le nom du groupe (par mail svp). Je crois que j’aimais bien … à part ça, bravo pour vos détournements. L’art de la reprise et de la déformation est un grand art trop méconnu et trop méprisé. Cordialement.

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