Cà agur rien de bon !

Comme souvent, Mona ne retient que des anecdotes romantiques et oublie de vous parler de l’essentiel. Comme, elle l’a souligné le Roquefort est un fromage hors-norme par son ancienneté et son goût.

Dès le VIIIe siècle, le Roquefort est cité dans de nombreux actes, donations, rentes, et autres concernant le Rouergue.

En 1411, une Charte de Charles VI reconnaît la nécessité vitale de défendre le Roquefort « en un pays où ne pousse ni pied de vigne, ni grain de blé », et en 1666, un arrêt du Parlement de Toulouse concède aux habitants de Roquefort « le monopole de l’affinage du fromage tel qu’il est pratiqué de temps immémorial dans les grottes dudit village ». Malgré la Révolution, les privilèges accordés à Roquefort sont maintenus par la Convention qui décide que « ne sera Roquefort que ce qui sortira des caves de Roquefort ».

Le 26 juillet 1926, c’est le premier fromage à obtenir l’Appellation d’Origine Contrôlée. Il est le seul à être préparé avec du lait de brebis cru, entier. La collecte du lait était limitée aux Causses environnants et puis la production s’est étendue aux autres régions du Rouergue puis aux régions limitrophes …
On chuchote même qu’il en serait venu de Corse, mais tout le monde le nie avec des cris d’orfraies.

Les années passant, le Roquefort se banalise, les sirènes de la productivité de la grande distribution ne laissent pas insensibles les producteurs. Les bleus débarquent dans les linéaires et chez les crémiers. Fabriqués au lait de vache, ils sont moins chers que le Roquefort.

En 1988, c’est l’attaque des industriels qui veulent leur part du gâteau. Le Saint-Agur, sans histoire, sans Charles VI, sans terroir et sans légende, ce Saint-Agur ressemble à du Roquefort sans en être. Les ventes s’envolent car on a flatté le goût peu assuré du consommateur, élevé avec des petits pots trop sucrés, et dévoreurs de «hamburgés» produits bien éloignés du caractère et de la force du Roquefort.

Ma petite Mona, continuons cette dure lutte. La malbouffe ne passera pas dans ce bureau. Pour accompagner un Roquefort, rien ne vaut un vin de Sauternes. J’ai retenu à votre intention le Château de Malle 2001. Grand millésime, Grand Cru Classé : un mariage de folie avec ce fromage de l’Aveyron.

En after-chèvre ?

Du Roquefort d’abord, du Roquefort d’accord !

C’est le premier de la grande famille, le plus ancien. Au 1er siècle de l’ère chrétienne, Pline l’ancien le connaissait déjà.

Les histoires et légendes sur sa création, sont nombreuses, mais la plus jolie est la plus connue.

Il était une fois, un jeune berger qui abandonne dans une fente d’une grotte une musette contenant son casse-croûte, composé de pain de seigle et de fromage frais de brebis. Il entend être beau et souhaite surtout avoir les mains libres car il court rejoindre la jolie pastourelle qui lui fait chavirer le cœur et qui sait si bien développer sa personnalité.

Ayant une santé de fer, sans manger, sans boire, leurs ébats durent 40 jours. Personnellement, çà me laisse rêveur ! Vidé, épuisé, il se dit que son casse-croûte sera le bienvenu. Il revient à la grotte toute proche et constate que son pain et son caillé sont couverts de moisissures.

Bien sûr, mon gars, 40 jours c’est long. Si toi, t’as tenu le choc en milieu humide, le fromage lui, il ne résiste pas au fond de la grotte dans ces conditions.  

Malgré le coté ragoutant de sa maigre pitance, il mange et il savoure ce casse-dalle. Ce jeune pâtre est le premier à s’être régalé avec du Roquefort après avoir piqué l’ail dans le gigot durant quarante jours. Chapeau l’artiste !

Mona du caillé et du seigle. Je suis libre jusqu’à fin février… Et vous ? 

Je boa à votre santé !

Le boa n'est pas toujours triste au fond du corps

Maurice Donnay (1859-1945) est un auteur de pièces de boulevard qui remporta un immense succès.  Il fut reçu à l’Académie Française en 1901. Et pourtant à ses débuts, il fut chansonnier et composa avec Alphonse Allais des chansons pleines d’humour qui ravirent le public du célèbre cabaret Le Chat Noir. La plus célèbre fut :

 Le Serpent et le Cor de Chasse

Un jour, un grand serpent, trouvant un cor de chasse,
Pénétra dans le pavillon ;
Et comme il n’avait pas beaucoup de place,
Dans l’instrument le reptile se tasse.
Mais terrible punition !
Quand il voulut revoir le grand air et l’espace
Et la vierge forêt au magique décor,
Il eut beau tenter maint effort,
Il ne pouvait sortir du cor,
Le pauvre boa constrictor ;
Et, pâle, il attendit la mort.

Moralité
Dieu ! Comme le boa est triste au fond du cor !

Dans la vie, il aimait à lancer quelques bons mots :

  • Il trompait tellement sa maîtresse qu’on pouvait penser qu’elle était sa femme légitime.
  • Il y a tant de femmes qui le lendemain de leur mariage, sont veuves du mari qu’elles avaient imaginé.
  • Si les femmes entraient à l’Académie, le dictionnaire lui-même ne saurait plus placer un mot.

Sacré Maurice, à force de rire, il m’a donné soif. Pas vous ma p’tite Mona ?
A la bonne heure, nous allons déguster un vin explosif : Le Muscat du Domaine Kurubis, « Soltane » 2008. Un vin tunisien riche, fruité et qui laisse une bouche fraîche. Que du bonheur !

Bouche de goût

Nous avons eu l’occasion de vous parler dans ces lignes de Napoléon qui n’aimait pas rester à table. Il avait chargé Talleyrand des réceptions. On ne peut oublier qu’il avait demandé la même chose à Cambacérès. Les deux hommes se divisèrent les dîners officiels. Pour ce faire, Talleyrand s’appuyait sur un cuisinier hors-pair du nom de Carême.

La tombe du Marquis ?

Cambacérès, lui, faisait confiance à son officier de bouche, Monsieur d’Aigrefeuille. Ce dernier accompagnait partout son maître et de plus faisait office de «goûteur». Non que le Consul eût peur d’être empoisonné, mais il demandait à Aigrefeuille son avis sur un nouveau mets avant d’en manger. Célèbre gourmand, Monsieur d’Aigrefeuille était connu pour ses dons de bouche extraordinaires. Son art de découpeur était si consommé qu’il réussissait à cacher dans un coin du plat, sous les autres tranches, le morceau de son choix, pour le retrouver quand venait le moment pour lui de se servir.

Son aura était telle que Grimod de la Reynière, le célèbre amphitryon, lui dédia le premier exemplaire de son «Almanach des Gourmands». Il reçut également le titre très envié de «Roi des Gourmands».

Dans ses mémoires[1], la Baronne de Saint Estève, née de Vacharde peint le personnage :
«Le marquis d’Aigrefeuille, Chevalier de Malte, ancien procureur à la cour des aides de Montpellier, un gros homme de petite taille, vient de se faire faire une épée de prestige. Suspendue à son énorme ventre, celle-ci ressemble en fait à une broche !».

En 1814, juste avant la chute de l’Empire, le Marquis d’Arfeuille, fut congédié par Cambacérès. Il s’était aperçu que son protégé était un espion de Fouché, ministre de la police de l’Empereur. L’officier de bouche se retrouva rapidement sans ressources suffisantes pour continuer à faire bombance. Sa chute lui valut le couplet d’une chanson de rue :

 «  D’Aigrefeuille, de Monseigneur
Ne pouvant plus piquer l’assiette,
Pour en témoigner sa douleur
A mis un crêpe à sa fourchette »

 Mona, quand je lis des trucs comme çà, j’ai soif. J’ai les amygdales qui sèchent. Vite, ouvrez donc ce flacon qui va nous faire vibrer. Pour une libation, direction le Liban : Château Musar 2002 est un vin extraordinaire. Après un passage obligatoire en carafe, ce breuvage vous mènera vers un univers de plaisir.


[1] Bruits de Cour et Potins Mondains 1805 -1809

Des lèvres et des dents

Monsieur, gardez vos parasites et bactéries...

Depuis le début de cette année, le record du baiser amoureux le plus long est détenu par un couple de Thaïlandais. Ils ont tenu 32 heures 7 minutes et 14 secondes. Sachant que deux personnes en contact labial échangent par baiser en moyenne 40.000 parasites, 250 types de bactéries, 9mg d’eau, 0,7g d’albumine, 0,45mg de sel et 0,71mg de graisse, combien ont-ils troqué de sel et de graisse en 32 heures ?

Envoyez vos réponses à mona-mour@c’est.toi.

Une question complémentaire pour départager les ex-æquo : combien le couple ayant battu le record aura cramé de calories ? Je vous donne un indice : à chaque minute, un baiser fait perdre 4 calories aux bécoteurs. 

C’est pas avec un baiser que je vais perdre le surplus de calories accumulé durant les fêtes. Faudra aller plus loin…

Mona tendu la perche ?

Cà, c’est un plan, ma mère…

Nous sommes 25% en France à vouloir être incinérés. Les motivations sont diverses ; personnellement l’idée de prendre une dernière bonne cuite est assez séduisante… et je préfère cela à ingurgiter plusieurs petits verres !

Chez nous, à la suite de quelques abus, l’entreposition des urnes ou la dispersion des cendres sont maintenant réglementées. Décence, dignité et respect sont dus aux restes du défunt.

Aux States, pays de tous les paradoxes, une veuve encore en larmes a profité de l’assurance décès de son mari pour effectuer un ravalement de façade et une refonte totale de sa structure. Elle s’est présentée à la clinique avec l’urne «de son cujus[1]» et à demandé à ce que les cendres du «cher» disparu soient placées dans ses implants mammaires.

Devant l’étonnement du chirurgien, elle se confia : «Vous savez, Doc, il aimait tant s’y blottir avant de s’endormir, le pauvre. Après avoir été dessus, il sera dedans !»…

Dommage que je ne connaisse pas ce malheureux trépassé. J’aurais eu plaisir à demander à sa veuve de venir fréquemment me recueillir auprès (je dirais même tout près et tout prêt) de ses cendres et pourquoi pas «pratiquer des dévotions qui sont bien de chez-nous[2]» !

Mona, j’ai un plan (rires de la rédaction). On va faire péter un bouchon et goûter le Domaine du Chaillot 2008. Châteaumeillant est une appellation qui mérite d’être découverte. Le Gamay y donne des vins qui se plaisent avec la cuisine simple de nos campagnes.


[1] «De cujus» sont les premiers mots d’une locution latine qui signifie «celui de la succession duquel on débat » ou « celui dont la succession duquel il s’agit». 
[2] Tiré de Georges Brassens : Misogynie à part 

Ausculte Médecin

Un médecin vient de finir d’examiner sa patiente et il lui dit :

– Je ne suis pas certain de l’origine de votre mal,aussi je vous prescris des analyses de sang. Ce n’est que lorsque vous aurez les résultats que je pourrai confirmer mon diagnostic. Mais je dois être franc avec vous, je pense que c’est dû à un excès d’alcool….

La patiente répond :

– Oh, mais ce n’est pas grave, Docteur, je reviendrai quand vous serez dégrisé…

Mona rien bu. Elle peut vous ausculter.

Un homme de lard

La lecture du Satyricon nous renseigne sur la vie décadente des Romains. On y partage notamment le festin de Trimalcion. Esclave affranchi par son maître et ayant hérité de sa fortune, il est assez vulgaire. Il mène grand train et aime s’entourer d’une cour d’esclaves affranchis comme lui, qui rit et applaudit à toutes ses frasques. Ainsi, au cours de ce fameux banquet, après avoir servi moult plats, il demande à Gaius, son cuisinier, de préparer au plus vite un cochon. En quelques minutes, le porc est sur la table :

La compagnie aussitôt de se récrier sur la diligence du cuisinier ; chacun jurait qu’il aurait fallu plus de temps à un autre pour cuire un poulet ; et ce qui augmentait encore notre surprise, c’est que ce cochon nous paraissait beaucoup plus gros que le sanglier qu’on nous avait servi un peu auparavant. Cependant, Trimalcion l’examinant avec une attention toujours croissante :

– Que vois-je ? dit-il ; ce porc n’est pas vidé ! Non, certes, il ne l’est pas. Courez, et faites-moi venir ici le cuisinier.

Le pauvre diable s’approche de la table, et, en tremblant, confesse qu’il l’a oublié.

– Comment, oublié ! s’écrie Trimalcion en fureur. Ne dirait-on pas, à l’entendre, qu’il a seulement négligé de l’assaisonner de poivre et de cumin ? Allons, drôle, habit bas !

Aussitôt le coupable est dépouillé de ses vêtements et placé entre deux bourreaux. Sa mine triste et piteuse attendrit l’assemblée, et chacun s’empresse d’implorer sa grâce :
– Ce n’est pas, disait-on, la première fois que pareille chose arrive ; veuillez, nous vous en prions, lui pardonner pour aujourd’hui ; mais, si jamais il y retombe, personne de nous n’intercédera en sa faveur.

Trimalcion se dérida tout à coup :
– Eh bien ! lui dit-il en riant, puisque tu as si peu de mémoire, vide à l’instant ce porc devant nous.

Le cuisinier remet sa tunique, se saisit d’un couteau, et, d’une main tremblante, ouvre en plusieurs endroits le ventre de l’animal. Soudain, entraînés par leur propre poids, des monceaux de boudins et de saucisses se font jour à travers ces ouvertures qu’ils élargissent en sortant.
À la vue de ce prodige inattendu, tous les esclaves d’applaudir et de s’écrier : Vive Gaius ! Le cuisinier eut l’honneur de boire en notre présence ; de plus, il reçut une couronne d’argent.

Bon Mona, çà donne faim et soif. J’ai choisi un vin de Rully. Cécile et Vincent Dureuil ont réussi un grand vin avec ce 1er cru 2009. Un fruit magnifique et une trame d’une finesse à rendre jaloux une fille lors d’un défilé de mode…

Très à la douzaine

Pourquoi notre journée est divisée en 24 heures ? …
J’ai reçu cette question d’un de mes admirateurs, Alain Proviste. Ebloui par ma culture qu’il estime aussi large qu’un champ de maïs de l’Illinois, il attend de moi une réponse concise comme une maxime de La Rochefoucauld mais précise comme une montre suisse.

Alors, mon petit Alain, tout débute il y a cinq à six mille ans, quand les Sumériens puis les Babyloniens inventent les systèmes de numérotation. Grâce au pouce, mis en opposition avec les trois phalanges des quatre autres doigts, on peut compter jusqu’à 12 d’une seule main. Et ce nombre devient vite important et sacré. Et d’ailleurs, cette numérotation perdure : les œufs continuent à se vendre à la douzaine ; régulièrement, les midinettes consultent dans Closer leur horoscope concernant l’un des douze signes du zodiaque…

Les Mésopotamiens, pour découper la journée, avaient retenu douze parties, égales entre elles mais de durée variable, car la durée du jour solaire varie selon les saisons. Les Egyptiens révolutionnèrent les choses en donnant une même durée à la nuit et au jour.

En France, cette division de la journée en 24 heures est légale depuis la loi du 9 mars 1914 : jusqu’alors, on avait gardé 2 fois 12 h !

Mona pas une seule montre … mais une douzaine. Et vous ?

Un pas trop de fromages

Le célèbre gastronome Jean Anthelme Brillat-Savarin avait rendu un hommage appuyé aux fromages en 1825, dans sa Physiologie du goût. Il déclarait :

«Un repas sans fromage, c’est comme une belle à qui il manque un œil.»

Eugène Sue, dans sa série des Sept Péchés Capitaux, consacre un volume à la Gourmandise. On peut y trouver le superbe repas du chanoine Dom Diego. J’ai retenu ce passage sur le fromage :

Fromage de Brie de la ferme d’Estouville, près Meaux. Cette maison a eu, pendant quarante ans, l’honneur de servir la bouche de Monsieur le Prince de Talleyrand, qui proclamait le fromage de Brie le roi des fromages (seule royauté à laquelle ce grand diplomate soit resté fidèle jusqu’à sa mort). Boire un verre ou deux de Porto tiré d’une barrique retrouvée sous les décombres du grand tremblement de terre de Lisbonne. Bénir la providence de ce miraculeux sauvetage et vider pieusement son verre.

Et pour la bonne bouche, permettez-moi de rendre hommage à un poète oublié. Fort attaché à sa Normandie natale, Georges Laisnez nous laisse ce poème[1] en 1933 :

Ballade (si j’ose dire)
Des bons fromages de chez nous

 Monselet — ah ! le friand bec
Et combien j’aime son langage ! —
N’eût pas donné même un kopeck
Du plus fin repas sans fromage…
Au fromage, je rends hommage,
Mais je prétends que, pour mon goût,
Il n’est — Ils règnent sans partage —
Bons fromages que de chez nous !

Arrosé d’un «beire[2]» un peu sec,
Le Camembert séduit le sage,
Mais la Trappe de Bricquebec,
L’ Isigny ont tous les suffrages,
Et toi qu’on salue au passage,
Livarot odorant et roux !
Mais peut-on voir, où qu’on voyage,
Bons fromages que de chez nous ?

Fromages turcs, auvergnats, grecs
Hollandais, au joufflu visage,
Bondon, Pommel vous font échec,
Le Petit Cœur vous porte ombrage !
Bondart, Pont-l’Evêque (j’enrage
De ne pouvoir les nommer tous)
Il n’est, clamons-le sans ambages,
Bons fromages que de chez nous !

                      ENVOI

Prince, en dirai-je davantage ?
Jure ici – mais jure à genoux —
Qu’on ne voit (gloire à nos herbages !)
Bons fromages que de chez nous !

Ma chère Mona, je suis heureux de voir que ce bon Georges a choisi un cidre pour honorer son camembert. L’accord est tellement évident que l’on se demande comment nos contemporains s’escriment à faire mourir leurs meilleures bouteilles en compagnie de cette pâte fleurie. Allez Mona, sortez donc deux verres, j’ai déjà ôté le muselet de ce Sydre exceptionnel produit par Eric Bordelet. Une telle perfection que les pommes rêvent toutes de finir comme çà !


[1] Poèmes couleur de temps perdu
[2] Mot de langue normande désignant le cidre