Pendentif sur pare-chocs

Le 14 février, les amoureux ont fêté Saint Valentin. Je vous ai déjà dit que je n’ai pas de jaloux qui ait pris un bail à long terme dans mon plumard. Aussi je ne me suis pas sentie concernée par cette journée. Mon dernier gigolo était bijoutier. Mais quand il m’a offert le pendentif kitch avec la fameuse phrase qui fait fondre les cœurs des midinettes (+ qu’hier, – que demain) en me demandant ma main et tout le reste, je suis partie en courant. Et en plus, Alain Solant, joaillier, n’avait pas du user ses culottes à l’école. Je vous laisse juge en jetant la photo de ce bijou devant vos yeux effarés .


Mais je ne suis pas là pour étaler ma vie.

Revenons donc à la culture. N’oublions pas que ce blog lui est entièrement dédié. Oserai-je ajouter que ma vie même lui est consacrée. Et tout çà pour vous, mes petits chéris. Si, si !!!
C’est en pensant à vous, assoiffés de savoir, que je me suis posé la question : cette phrase qui trône sur tant de tétonnières affriolantes, signe de l’amour indestructible qui les unit à leur Jules, qui l’a écrite ?

C’est une poétesse oubliée.
Louise-Rose-Étiennette Gérard, dite Rosemonde Gérard (1866-1953) fut la femme d’Edmond Rostand. Pour son mari, elle accepte d’être dans l’ombre. Pourtant, on murmure que c’est elle qui lui donna la trame de Cyrano de Bergerac. Et puis, ses poèmes enchantèrent son époque.

Aussi, j’ai le grand plaisir de vous livrer in extenso le poème «L’éternelle chanson» dans lequel est glissée la phrase qui est couchée sur tant de paires de glandes mammaires de toutes tailles et de toutes formes.

Allez , sortez vos mouchoirs et régalez-vous

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer,
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant toujours par un baiser.
Combien de fois jadis j’ai pu dire « Je t’aime » ?
Alors avec grand soin nous le recompterons.
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d’une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. 

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur,
Retenir s’il se peut l’impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d’une richesse rare
J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J’aurai tout conservé dans le fond de mon cœur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs, 
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille, 
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants. 
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête, 
Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan, 
Et je te sourirai tout en branlant la tête 
Et tu me parleras d’amour en chevrotant. 
Nous nous regarderons, assis sous notre treille, 
Avec de petits yeux attendris et brillants, 
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs. 

Mona pleuré à chaudes larmes. Pas vous ?

Ma fille, tricotez en priant

André Dussolier a lu un texte fort amusant d’un certain Léon Vilbert. Je dois vous avouer que je ne connaissais pas cet homme du début du XX° siècle avant d’entendre cette poésie. Si l’un ou l’une d’entre vous a quelques informations, je prends…

En attendant, régalez-vous avec les vers qui suivent :  

LA PÉNITENCE EST DOUCE

Rosette, agenouillée au confessionnal,
Murmure: «Mon bon père, à vous, je m’en accuse:
J’ai trompé mon mari – Ma fille, c’est très mal,
Dit le prêtre … Et … combien de fois?» Rose, confuse,

Se trouble, balbutie, hésite … enfin répond:
«Neuf fois! – Hum! Depuis quand? fait le prêtre. Alors Rose:
«Depuis hier soir!  Et, sous le nuage blond,
De ses cheveux d’or fin, Rose devient plus rose.

«Neuf fois depuis hier!» reprend le bon curé …
Je ne puis, d’un péché de pareille importance,
Vous absoudre aujourd’hui, sans avoir référé
A l’évêché qui fixera la pénitence!

Revenez dans huit jours.» L’évêché décréta
Qu’ayant fauté neuf fois, Rose aurait, pour sa peine,
A dire cinq Ave. Rose s’en acquitta
Et fut absoute … Mais au bout d’une semaine,

Au sacré tribunal, avec un air marri,
La voici qui revient s’accuser d’inconstance,
Disant: «Sept fois, encor, j’ai trompé mon mari:
Mon père, indiquez-moi quelle est ma pénitence.»

Et lui, sur le tarif de l’absolution
Dernière, s’efforçant de se baser, calcule:
«Pour neuf fois, cinq Ave … D’une proportion,
Je dois donc, pour sept fois, établir la formule:

Cinq est à neuf comme X à sept… D’où je conclus
Qu’il faut … Ah! C’est vraiment trop compliqué, ma chère …
Faites votre mari cocu deux fois de plus.
Et dites cinq Ave comme la fois dernière.»

Un régal. Tout comme ce vin, ma Chère Mona. Je verse dans nos verres le Château Pibarnon.2006. Un très bon Bandol qui accompagnera un repas de viande ou de gibier.

Posthume et soutane…

Ne croyez pas que je fasse une quelconque fixation sur un auteur oublié depuis fort longtemps. Mais, l’une d’entre vous, Line Usable, m’a adressé un texte qui m’a émue. Dans une Encyclopédie de 1791, les auteurs se souviennent de cet abbé récemment décédé.

L’abbé de Lattaignant fut un de ces aimables oisifs qui font les délices d’un repas et l’amusement des sociétés, par leur facilité à composer des couplets plus ou moins agréables, mais toujours charmants pour les personnes qui en sont l’occasion ou le sujet. La littérature, dont il ne prit que la fleur, fut pour lui un amusement plutôt qu’une occupation. II eût pu se placer entre Panard et Chapelle, s’il eût plus corrigé, s’il eût moins cédé à fa facilité ; en un mot, s’il eût travaillé pour le public, juge sévère et difficile, qui ne compte pour rien les succès de coterie.[…] 
Après avoir scrupuleusement feuilleté le recueil de ses poésies posthumes, on n’a trouvé qu’une seule pièce à conserver : au reste, elle est charmante, et peut-être n’a-t-il rien fait de mieux dans sa vie. Elle courut dans le temps manuscrite ; mais beaucoup de gens, qui ne l’ont pas ou qui l’ont oubliée, la reverront avec plaisir.

Adieux au monde,

J’aurai bientôt quatre-vingts ans,
Je crois qu’à cet âge il est temps
De dédaigner la vie.
Aussi je la perds sans regret,
Et je fais gaîment mon paquet:
Bonsoir la compagnie.

Lorsque l’on prétend tout savoir.
Depuis le matin jusqu’au soir,
On lit, on étudie.
On n’en devient pas plus savant;
On n’en meurt pas moins ignorant:
Bonsoir la compagnie.

Lorsque d’ici je partirai,
Je ne fais pas trop où j’irai;
Mais en Dieu je me fie ;
II ne peut que mener à bien;
Aussi je n’appréhende rien:
Bonsoir la compagnie.

J’ai goûté de tous les plaisirs;
J’ai perdu jusques aux désirs:
A présent je m’ennuie.
Lorsque l’on n’est plus propre à rien,
On se retire, et l’on fait bien:
Bonsoir la compagnie.

Dieu nous fit sans nous consulter:
Rien ne saurait lui résister.
Ma carrière est remplie.
A force de devenir vieux,
Peut on se flatter d’être mieux?
Bonsoir la compagnie.
Nul mortel n’est ressuscite
Pour nous dire la vérité
Des biens de l’autre vie.
Une profonde obscurité
Est le sort de l’humanité.
Bonsoir la compagnie.

Rien ne périt entièrement,
Et la mort n’est qu’un changement,
Dit la philosophie.
Que ce système est consolant!
Je chante, en adoptant ce plan
Bonsoir la compagnie.

Mona rien à ajouter… Bonsoir.