L’appeau long ou l’appeau lisse ?

Aujourd’hui, je réponds à une demande de Sabine Duitre qui a été profondément choquée par les propos de son employeur. Au cours d’une réunion, Sabine a la main (a la parole, si vous préférez) et présente un projet de développement pour l’entreprise. Son patron refuse la proposition de Sabine pour des raisons de coût. Mais il emploie un langage peu châtié qui heurta la sensibilité de Sabine. En effet, il lança :

Mais çà va me coûter la peau des c..illes votre truc. Ah, Sabine, c’est bien un remède de bonne femme.

Outre, le coté déplacé et grossier d’un tel langage qui eût pu justifier la sortie de Sabine (si j’ose dire), je dois dire, ma chère enfant, qu’il n’était pas opportun de mettre les deux expressions bout à bout.

En effet, si la peau des c… exprime bien un coût important, voire exorbitant,  le remède de bonne femme est un médicament populaire souvent méprisé par la médecine. Or, pourquoi employer cette expression pour refuser un projet ?

Mais Sabine, vous me donnez l’occasion de cultiver nos lecteurs si avides de connaissances qu’ils dévorent mes textes comme les souris grignotent le papier de la presse quotidienne. Aussi, comme le prévoit le contrat moral que j’ai avec vous, je vais vous donner quelques explications.

Sur le net, circule régulièrement, une jolie histoire sur la peau des c…. Je vous la fais courte, si j’ose dire. Un duc passionné de chasse mais dont le territoire était peu giboyeux se vit proposer un sifflet qui attirait tous les animaux des alentours. Le duc acheta l’objet à prix d’or. Et comme le fournisseur s’appelait Ecouille, il dit :
Ben, çà coûte l’appeau d’Ecouille.

Et d’ailleurs ce n’est pas plus sérieux que ceux qui prétendent que «coûter la peau des fesses» vient d’un appeau de cette bonne ville d’Ephèse. Si votre patron, Sabine, avait plutôt employé cette partie charnue de notre anatomie pour imager son propos, vous vous seriez sentie concernée et égale à vos collègues. Encore une discrimination machiste sur un lieu de travail.

En ce qui concerne le remède de bonne femme, il faut remonter dans le passé. Au départ, femme s’écrivait fame qui vient du latin fama[1]. Donc un remède de bonne femme, c’et un médicament de bonne renommée et donc recommandable. Comme souvent au fil du temps, un glissement phonétique s’est opéré et on est passé de fame à femme. Alors mes petites louloutes, notez bien çà et quand un mec vous dira avec un air suffisant et méprisant : c’est encore un de tes remèdes de bonne femme, servez lui donc cette explication.
Non seulement çà vous valorisera à ses yeux mais encore çà lui fermera son clapet.

Voilà, le cours est fini. Vous pouvez ranger vos cahiers et crayons.

Mona pas de fierté et pourtant elle pourrait…


[1] Renommée

2 pensées sur “L’appeau long ou l’appeau lisse ?”

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