Aveyron rien du tout

Bessuéjouls est une petite commune de l’Aveyron. C’est un cadre de verdure sur la route de Compostelle qui abrite une église romane de grès rose et un monastère de religieuses. Si aujourd‘hui, le bâtiment est devenu une maison d’hôtes, autrefois des religieuses y accueillaient les pèlerins. On raconte que leur médecin venait de la commune voisine, Espalion. Il fut appelé par les bonnes sœurs car l’une d’entre elles souffrait d’une forte constipation. A la suite de la consultation, il informa la Mère supérieure qu’il reviendrait le lendemain avec le matériel nécessaire à un lavement. A peine avait-il quitté le couvent que la Supérieure convoqua les religieuses et leur annonça la nouvelle. Emoi et panique s’emparent de la communauté. Comment faire pour accepter ce remède sans déroger à la pudeur ?
Après une nuit de prière, elles eurent une idée… Lorsque le médecin revint, il trouva la religieuse et la Supérieure dans une pièce. Il demanda à la nonne de lui présenter son postérieur. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir la partie charnue de sa patiente entièrement recouverte d’images pieuses. Leur nombre était tel qu’il était impossible de voir un centimètre de chair, ni l’endroit où glisser la canule. Se tournant vers la Mère, il dit énervé: «Comment voulez-vous que je lui administre le traitement dans ces conditions».
«Soulevez Saint Antoine et vous trouverez le trou, Docteur», lui répondit-elle calmement.
Mona rien sur son derrière pour le laver… et vous ?

Comme Popeye, je tire ma force des pinards…

Le Sieur Audiger fut le chef d’office[1] de la comtesse de Soissons, nièce du Cardinal Mazarin, puis de Jean-Baptiste Colbert, le grand ministre de Louis XIV. Au retour d’un voyage en Italie, il ramena des petits pois dont le Roi raffola. Il fit également découvrir à la Cour les eaux glacées et crèmes glacées parfumées[2] avec divers fruits ou plantes.
Il a écrit en 1692 « La maison réglée« , dans lequel il décrit la composition de la Maison d’un grand seigneur.

Mais revenons au vin. A cette époque, Monsieur Evin n’avait pas encore sévi dans le beau royaume de France et Audiger pouvait, sans craindre les sarcasmes des ligues antialcooliques, décrire par le menu l’activité d’un chef sommelier. Aussi, j’ai plaisir à vous livrer le chapitre portant sur les garçons de cabaret. 

Le devoir et fonction d’un Garçon de Cabaret, qu’on appelle premier Garçon, est de savoir bien gouverner une cave, connaitre la qualité de tous les vins, les différents prix d’iceux et  les indiquer aux autres garçons, afin que quand ils sont plusieurs qui vont à la cave, quoique ce soit lui qui en ait le gouvernement, ils ne se trompent point, et ne donnent pas celui d’un prix pour un autre. Il faut aussi qu’il sache bien préparer toutes choses pour éclaircir les vins ; qu’il perce toujours et fasse débiter les plus prompts à boire, que sa cave, ses futailles soient toujours bien propres et bien nettoyées, cela fait que les vins s’en portent beaucoup mieux et se conservent bien plus longtemps. Il doit encore savoir bien compter, mettre toute son application à ne rien oublier de la dépense qui se fait chez son Maître, être doux, civil et honnête à tout le monde, tâcher toujours de les contenter autant que faire se peut, les servir promptement et agréablement ; prendre garde que l’eau destinée pour boire soit toujours bien propre et bien nette, les verres bien rincés, et ne pas oublier à retirer les serviettes, cuillères, fourchettes et couteaux d’argent lorsqu’il va compter à des tables où l’on en a donné, et de tout rendre bon compte à son Maître ou à sa Maitresse. Il doit encore s’appliquer à bien mesurer le vin lorsqu’il est au comptoir, et avoir soin qu’il y en ait toujours suivant les prix que l’on y en débite ordinairement. Il doit aussi desservir ou faire desservir promptement, et bien faire nettoyer les tables par les servantes ou les autres garçons, sitôt que les compagnies en sont sorties, leur bien faire ranger les chambres, bien nettoyer et laver les baquets à pisser, balayer l’escalier, la cour, la boutique, le devant de la porte et autres endroits dépendants de la maison afin que les buveurs y étant proprement installés, cela les attire à revenir une autre fois. Voilà à peu prés le devoir d’un bon Garçon de Cabaret. Quant au reste, il faut qu’il soit sage, fidele et point ivrogne, s’il y a moyen. Que les jours où l’on ne donne point à boire et qu’il a le temps de s’aller promener, qu’il ne fasse point comme beaucoup d’autres garçons qui ont des chambres en ville où ils font leurs rendez-vous, et où ils portent toujours nombre de bouteilles du meilleur vin du Maître, car c’est un commerce qui ne se peut souffrir, et auquel il ne doit point condescendre, puisqu’autant lui en peut arriver quand il pourra parvenir à la maitrise et avoir un cabaret et des garçons à lui.

Ben, vous voyez ma chère Mona, cette lecture m’a donné soif. Auriez-vous l’extrême obligeance de sortir deux verres. Goûtons donc ce Château Calon-Ségur 2007. Ce Saint-Estèphe appartint aux Ségur. Le Marquis était tellement attaché à cette propriété qu’il aimait dire: « Je fais mon vin à Lafite et Latour, mais mon cœur est à Calon ». Sur la bouteille, un cœur enveloppe le château… Un vin bien équilibré bien qu’un peu austère.


[1] Également appelé sommelier, l’office étant aussi la sommellerie (Dictionnaire de l’Académie française de 1694)
[2] Ancêtre des glaces

Mets aux potes, amie

Les gars, aujourd’hui, je vais vous faire un plongeon dans le temps. Vous connaissez le gars Hammourabi ? Non, il n’habite pas le 9-3. Tout faux, il était Babylonien. Et c’était pas un gigolo puisqu’il fut roi de la Mésopotamie de 1792 à 1750 avant JC. Autant dire que çà date (facile, je sais). Si vous allez au Louvre, vous verrez une stèle de 2.25m de haut érigée en son honneur. Vous dire la renommée du mec ! Si vous lisez couramment la langue akkadienne, vous pigerez que c’est du pur juridique, ta mère !

Mona au Louvre

Hammurabi a laissé son nom dans l’histoire grâce à son «Code» de lois qui doit régir toute la société. Avec les châtiments de l’époque, je crois que la récidive devait être rare…

Si un homme a volé un bœuf, mouton, âne, porc ou une barque, si c’est au dieu ou au palais, il rendra au trentuple; si c’est à un noble, il compensera au décuple. Si le voleur n’a pas de quoi rendre, il est passible de mort.

Si un homme a fait sortir des portes un esclave ou une esclave du palais, un esclave ou une esclave d’un noble, il est passible de mort.

Si un homme veut répudier son épouse qui ne lui a pas donné d’enfants, il lui donnera tout l’argent de sa tirhatou[1], et lui restituera intégralement la cheriqtou[2] qu’elle a apportée de chez son père, et il la répudiera.

Si elle n’est pas ménagère, mais coureuse, si elle dilapide la maison, néglige son mari, on jettera cette femme à l’eau.

Si un homme a épousé une femme, et si cette femme a donné à son mari une esclave qui a procréé des enfants, si cet homme se dispose à prendre une concubine, on n’autorisera pas cet homme, et il ne prendra pas une concubine.

Si un homme a pris une épouse, et si celle-ci a donné à son mari une esclave qui lui procrée des enfants ; si ensuite cette esclave rivalise avec sa maîtresse, parce qu’elle a donné des enfants, sa maîtresse ne peut plus la vendre ; elle lui fera une marque et la comptera parmi les esclaves. Si elle n’a pas enfanté d’enfants, sa maîtresse peut la vendre.

Si un esclave dit à son maître : tu n’es pas mon maître, il le convaincra en justice comme étant son esclave, et son maître lui coupera l’oreille.

Si un homme a frappé une fille d’homme libre et a fait tomber son intérieur[3], il payera, pour son fruit, dix sicles d’argent. Si cette femme meurt, on tuera la fille de l’agresseur.

Si un homme a donné son enfant à une nourrice, et si cet enfant est mort entre les mains de cette nourrice, si la nourrice nourrit un autre enfant, sans la permission de ses père et mère, on la fera comparaître, et pour avoir nourri un autre enfant, sans la permission de ses père et mère, on lui coupera les seins.

Mona du lait écrémé. Vous en vou-lait ?


[1] Somme remise par la famille de l’époux
[2] Dot remise par la famille de l’épouse
[3] Avorter

Y’en a marc…

Encore un article qui va faire bondir Monsieur Evin et la clique des ligues anti-alcool qui règnent sur la France. Et pour cause, je vais vous parler des bienfaits que nos anciens attribuaient aux eaux-de-vie. On trouve des textes dès le XIII° siècle qui vantent les mérites de l’eau-de-vie, appelée aussi eau d’or, eau de vin, eau ardente, eau éternelle.

Arnauld de Villeneuve, tout à la fois médecin, chimiste et astrologue, célèbre cette admirable liqueur qui guérit la paralysie, la fièvre quarte[1], l’épilepsie, les taies de l’œil[2] et le cancer de la bouche. L’eau de vie était à l’époque un médicament et non un poison…

Mais attention, il y a des faux qui se vendent et Ambroise Paré, au XVI° siècle, rappelle que pour reconnaître la bonne eau-de-vie, il faut la verser sur une cuiller et «allumée, elle se consume du tout, ne laissant aucune marque d’humidité au fond de la cuiller». Et il confirme les bienfaits qu’Arnaud de Villeneuve lui avait attribués. Pour le grand chirurgien, ses vertus sont infinies ; elle aide «aux épilepsies et apoplexies, stoppe la douleur des dents, est utile aux défaillances de cœur et syncopes, gangrènes et pourritures».

Rien que çà ! Ma chère Mona, je vais nous soigner à titre préventif. Aussi, je sors un flacon exceptionnel : un Marc d’Alsace Gewurztraminer issu de vendanges tardives 1990. Yves Lehmann nous offre avec ce flacon un marc aux arômes chocolatés. Bouleversant !


[1] Forme de fièvre intermittente dont les accès se produisent tous les 4 jours
[2] Tache blanche et opaque qui se forme sur l’œil.

Vous parlez l’engrais ?

En Juillet 2010, la loi Grenelle, dite Grenelle Environnement, interdisait la pulvérisation de produits phytosanitaires depuis un avion o un hélicoptère. Cette mesure avait comme but de préserver notre environnement et éviter les troubles pour les hommes vivant à proximité des terres ainsi traitées. Certes quelques exceptions étaient autorisées notamment en cas d’urgence face à un danger. Une circulaire du ministère de l’Agriculture datée du 5 mars 2012 renforce tellement les exceptions que l’épandage aérien risque de repartir de plus belle. Il faut dire que les gros exploitants faisaient du forcing et  pèsent encore trop lourd par rapport aux agriculteurs bio et aux apiculteurs.
Cette circulaire autoriserait l’épandage de sept produits (fongicides, herbicides, insecticides…). A ce jour, six sont classés comme dangereux tant pour l’homme que pour la nature.
Encore une fois, les intérêts à court terme de quelques gros l’ont emporté sur notre avenir.
Mona pas envie de laisser faire.

Ne pas parler en vin

Sacré Albert ! Je veux parler de celui qui fut Président de la République de 1932 à 1940 : Albert Lebrun.
En 1935, il se rendit dans le Médoc. A l’époque, l’espérance de vie était de 55 ans pour les hommes et 60 pour les femmes. Autant dire que les couples fêtaient rarement leurs noces d’or. Mais, lors de sa venue en terre girondine, le Président rendit hommage à 407 couples médocains qui fêtaient leurs 50 ans de mariage. Il s’adressa à eux :

Vous êtes la preuve vivante et éclatante de l’excellence du vin pour la santé de l’homme. J’en appelle aux prohibitionnistes et aux abstentionnistes.

J’imagine la tronche de tous ces pisse-froid qui animent (si le mot est adapté) toutes ces associations antialcooliques et qui choisissent systématiquement des buveurs de vins pour illustrer leurs campagnes…

Nous Mona, on s’en fout ! On sait que depuis des lustres, le vin est une des bases de la civilisation méditerranéenne à laquelle, qu’ils le veuillent ou non, nous appartenons. Bon, çà s’arrose. Bien qu’il soit encore bien jeune et qu’il saura se faire attendre de longues années, je ne résiste pas au plaisir de vous servir le Château Larruau 2009. Ce Margaux que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter, est une bombe dans ce millésime.

Bain dites donc

Actuellement, chacun peut prendre sa douche journellement. Mais ce luxe est récent. Et durant plusieurs siècles, le bain était réservé à quelques uns. Par contre, il était de bon ton de recevoir ses amis pendant son bain. A partir du XVII° siècle, la pudeur fit prendre certaines précautions avant de les laisser entrer. On versait une pinte de lait pour troubler l’eau et cacher ce qui ne devait être vu. Mais si on ne se montrait pas nu devant ses invités, on ne faisait pas attention avec ses gens.  Ainsi Sébastien Longchamp qui fut valet dans de grandes maisons a écrit dans ses mémoires que :

Les grandes dames ne regardaient leurs laquais que comme des automates. Je suis convaincu que ma maîtresse dans son bain, en m’ordonnant de la servir, ne voyait pas même en cela une ombre d’indécence, et que mon individu n’était alors à ses yeux ni plus ni moins que la bouilloire que j’avais à la main.

Longchamp fait référence à ses débuts chez Madame du Chatelet, la sublime Emilie, mathématicienne et physicienne et surtout connue comme la maîtresse de Voltaire. Laissons le jeune homme nous partager son émoi :

Cependant quelques jours après, au moment où elle était dans son bain, elle sonna ; je m’empressai d’accourir dans sa chambre, ma sœur, occupée ailleurs, ne s’y trouvait point alors. Madame du Châtelet me dit de prendre une bouilloire qui était devant le feu, et de lui verser de l’eau dans son bain, parce qu’il se refroidissait.
En m’approchant, je vis qu’elle était nue, et qu’on n’avait point mis d’essence dans le bain, car l’eau en était parfaitement claire et limpide.
Madame écartait les jambes, afin que je versasse plus commodément et sans lui faire mal l’eau bouillante que j’apportais. En commençant cette besogne, ma vue tomba sur ce que je ne cherchais pas à voir ; honteux et détournant la tête autant qu’il m’était possible, ma main vacillait et versait l’eau au hasard : Prenez donc garde, me dit-elle brusquement, d’une voix forte, vous allez me brûler. Force me fut d’avoir l’œil à mon ouvrage, et de l’y tenir, malgré moi, plus longtemps que je ne voulais. Je n’étais pas encore familiarisé avec une telle aisance de la part des maîtresses que je servais.

Mona, quand vous sortirez de votre bain, si vous voulez sortir deux verres. Je vous propose le Bourgogne rouge 2007 de Frédéric Magnien. Un style moderne mais un vin fort plaisant. En renverser une pinte dans votre baignoire serait du gâchis !

Il faut que Genèse se passe…

La Genèse est le premier livre de la Bible. Il raconte la Création et la vie des premiers humains. Au chapitre 2, on peut lire :

Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant.
Yahvé Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait modelé.
Yahvé Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie. […]
Alors Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place.
Puis, de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l’amena à l’homme.
Alors celui-ci s’écria : Pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair ! Celle-ci sera appelée femme, car elle fut tirée de l’homme, celle-ci !
C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair.
Or tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, et ils n’avaient pas honte l’un devant l’autre.

Adam entreprend de faire la cour à Eve :
Mademoiselle, vous a-t-on dit que vous êtes vachement jolie ?

Ce à quoi elle répondit :
Ah, les hommes, vous êtes tous les mêmes… vous ne pensez qu’à çà !

C’est à dater de ce moment là que les choses se gâtèrent. Rapidement après avoir croqué la pomme, l’homme sauta dans un petit bateau et quitta le jardin… il n’était plus nu. 

Bon Mona, c’est une vieille histoire, ne pensez vous pas qu’il serait temps d’enterrer la hache de guerre, de fumer le calumet de la paix : en un mot de boire un coup. Sortez donc deux verres et buvons un nectar sorti direct des vignes du Seigneur : Château Suduiraut 1990. Ce grand vin de Sauternes est à la fois sur un registre de miel, fruits secs et épices. Un must ma Chère Mona qui va nous unir dans un grand moment de bonheur. Le paradis sur terre ?