Dépôt de livres

-Monsieur Flammarion ?
-Oui
-J’ai un colis pour vous
-Montez

Camille Flammarion découpe la ficelle et déchire le papier. Une lettre recouvre un tissu soigneusement plié. Il découpe l’enveloppe et lit :

J’accomplis ici le vœu d’une morte qui vous a étrangement aimé. Elle ma fait jurer de vous faire parvenir, après sa mort, la peau de ses belles épaules que vous avez si fort admirées. Son désir est que vous fassiez relier, dans cette peau, le premier exemplaire du prochain ouvrage de vous qui sera publié après sa mort. Je vous transmets cette relique, comme je l’ai juré. C’était signé du médecin de Madame la Comtesse.

A la lecture, difficile d’ouvrir le colis et pourtant, Camille le fait et découvre une peau blanche, épaisse, douce au toucher.

Le souvenir d’une femme dont il ne connaissait même pas le nom lui revint. C’était il y a quelques mois, au cours d’un dîner, une belle et jeune comtesse lui avait dit combien elle était passionnée par ses travaux. Il faut dire que Camille Flammarion était un astronome réputé qui avait publié un grand nombre d’ouvrages de vulgarisation sur les astres et le cosmos. Son succès était bien établi et bien que petit de taille, il  avait un physique qui plaisait aux femmes.

Donc la comtesse passa la soirée à l’interroger sur ses travaux. Flammarion, lui admirait les épaules et le buste de cette belle femme qui lui confia qu’elle était tuberculeuse et que son avenir était des plus réduits. Elle lui promit qu’elle lui ferait en temps et en heure un cadeau qu’il ne devrait pas refuser.

Savant un peu géo-trouve tout, la tête dans les étoiles, il s’intéressait aussi beaucoup à la mort. Il aimait à rappeler qu’il communiquait régulièrement avec les morts. Aussi, c’est sans trop d’hésitations qu’il alla déposer la peau ainsi que Terres du Ciel son dernier opus chez un artisan relieur de la rue de la Reine-blanche.

On dit que cet ouvrage est toujours dans la maison qu’il occupa à Juvisy-sur-Orge

Dans un entretien avec un journaliste, Flammarion se justifia :

«Pourquoi ne pas remplir le vœu d’une femme dont le souvenir m’était agréable ? J’envoyai la peau à un tanneur qui pendant trois mois l’a travaillée avec le plus grand soin. Elle m’est revenue blanche ; d’un grain superbe, inaltérable. J’en ai fait relier le livre qui était en cours de publication : Ciel et terre. Cela fait une reliure magnifique. Les tranches du livre sont de couleur rouge, parsemées d’étoiles d’or. Sur la peau des épaules de la comtesse, j’ai fait graver, en outre, en lettres d’or : Souvenir d’une morte».

Mona pas de pot avec sa peau.

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