Je trinque quand elle fait le tapis

mona-maupassant

Guy de Maupassant a toujours été considéré comme un homme à femmes. Certes, certains biographes lui prêtent plus de mille maîtresses. L’un d’eux chiffre même précisément à mille et trois, les femmes qui passèrent entre ses bras. Mais en réalité on ne sait pas grand-chose de leur identité. Ce qu’on sait, c’est qu’il connut nombre de prostituées anonymes, aussi bien que des femmes très en vue rencontrées dans les meilleurs salons littéraires. Dans ses poèmes, on trouve d’ailleurs des vers qui parlent d’un mari trompé. Dans ses lignes, nous avons déjà souvent parlé des cocus. Mais là, l’auteur est dur ; non seulement, il trompe le gars mais en plus, il l’assassine en vers :

 Sans respect

Je connaissais fort peu votre mari, madame;
Il était gros et laid, je n’en savais pas plus.
Mais on n’est pas fâché, quand on aime une femme, 
Que le mari soit borgne ou bancal ou perclus.

Je sentais que cet être inoffensif et bête
Se trouvait trop petit pour être dangereux,
Qu’il pouvait demeurer debout entre nous deux, 
Que nous nous aimerions au-dessus de sa tête.

Et puis, que m’importait d’ailleurs. Mais aujourd’hui 
Il vous vient à l’esprit je ne sais quel caprice.
Vous parlez de serments, devoirs et sacrifice
Et remords éternels! … Et tout cela pour lui?

Y songez-vous, madame? Et vous croyez-vous née, 
Vous, jeune, belle, avec le cœur gonflé d’espoir, 
Pour vivre chaque jour et dormir chaque soir 
Auprès de ce magot qui vous a profanée?

Quoi! Pourriez-vous avoir un instant de remords? 
Est-ce qu’on peut tromper cet avorton bonasse, 
Eunuque, je suppose, et d’esprit et de corps,
Qui m’étonnerait bien s’il laissait de sa race.

Regardez-le, madame, il a les yeux percés
Comme deux petits trous dans un muid de résine.
Ses membres sont trop courts et semblent mal poussés, 
Et son ventre étonnant, où sombre sa poitrine,

 En toute occasion doit le gêner beaucoup.
Quand il dîne, il suspend sa serviette à son cou
Pour ne point maculer son plastron de chemise
Qu’il a d’ailleurs poivré de tabac, car il prise.

Une fois au salon il s’assied à l’écart,
Tout seul dans un coin noir, ou bien s’en va, sans morgue, 
À la cuisine auprès du fourneau bien chaud, car
Il sait qu’en digérant il ronfle comme un orgue.

Il fait des jeux de mots avec sérénité;
Vous appelle: «ma chatte» et : «ma cocotte aimée »
Et veut, pour toute gloire et toute renommée
Être, en leurs différends, des voisins consulté.

On dit partout de lui que c’est un bien brave homme
Il a de l’ordre, il est soigneux, sage, économe,
Surveille la servante et lui prend le mollet,
Mais ne va pas plus haut … Elle le trouve laid.

Ma Chère Mona, j’aurais pu ouvrir un vin jaune du Jura, mais pour éviter toute peine à ceux qui voudront boire un coup avec nous, je vais vous proposer un vin rouge de Bourgogne : Beaune Grèves 1er cru 2002 du domaine Tollot-Beaut. Un nez de fruits rouges, petite touche de torréfaction. Elégance, équilibre magnifique et beaucoup de noblesse et des tanins soyeux. 

2 pensées sur “Je trinque quand elle fait le tapis”

  1.  » Je n’sais pas pourquoi, cette mélodie me fait penser à Varsovie… » chanta Bécaud, et cette description du mari cocu me fait penser, question vêture et maintien, à un grand personnage d’aujourd’hui, bien que de taille très modeste en vérité, et qui eut le pénible besoin de causer hier soir dans les étranges lucarnes et dont tous les pamphlétaires assassinent ce jour la prestation !

    J’ai toujours apprécié, et jalousé aussi, hélas, notre Guy, lui qui disait:

    Le baiser est la plus sûre façon de se taire en disant tout.
    Un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé.
    Le baiser frappe comme la foudre, l’amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu’avant. Se souvient-on d’un nuage ?

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