Drôle d’oiseau

mona-coucou

Décidément dès qu’on aborde le sujet des cocus, vous réagissez. Je remercie chaleureusement Sophie Stiquet qui m’a adressé en toute simplicité cet extrait de Sganarelle ou le cocu imaginaire, pièce de Molière (1660).

Et quant à moi, je trouve, ayant tout compensé,
Qu’il vaut mieux être encor’ cocu que trépassé.
Quel mal cela fait-il ? la jambe en devient-elle
Plus tortue, après tout, et la taille moins belle ?
Peste soit qui premier trouva l’invention
De s’affliger l’esprit de cette vision,
Et d’attacher l’honneur de l’homme le plus sage
Aux choses que peut faire une femme volage !
Puisqu’on tient, à bon droit, tout crime personnel,
Que fait là notre honneur pour être criminel ?
Des actions d’autrui on nous donne le blâme :
Si nos femmes sans nous ont un commerce infâme,
Il faut que tout le mal retombe sur notre dos :
Elles font la sottise, et nous sommes les sots.
C’est un vilain abus, et les gens de police
Nous devraient bien régler une telle injustice.
N’avons-nous pas assez des autres accidents
Qui nous viennent happer en dépit de nos dents ?
Les querelles, procès, faim, soif et maladie
Troublent-ils pas assez le repos de la vie,
Sans s’aller, de surcroît, aviser sottement
De se faire un chagrin qui n’a nul fondement ?
Moquons-nous de cela, méprisons les alarmes,
Et mettons sous nos pieds les soupirs et les larmes.
Si ma femme a failli, qu’elle pleure bien fort ;
Mais pourquoi, moi, pleurer quand je n’ai point tort ?
En tout cas, ce qui peut m’ôter ma fâcherie,
C’est que je ne suis pas seul de ma confrérie.
Voir cajoler sa femme, et n’en témoigner rien,
Se pratique aujourd’hui par force gens de bien.
N’allons donc point chercher à faire une querelle
Pour un affront qui n’est que pure bagatelle.
L’on m’appellera sot, de ne me venger pas ;
Mais je le serais fort de courir au trépas.
Je me sens là pourtant remuer une bile
Qui veut me conseiller quelque action virile :
Oui, le courroux me prend ; c’est trop d’être poltron ;
Je veux résolument me venger du larron :
Déjà, pour commencer, dans l’ardeur qui m’enflamme,
Je vais dire partout qu’il couche avec ma femme.

 J’en profite, en abordant à nouveau ce sujet, pour souligner cette bizarrerie de la langue française. En effet, cocu vient du mot latin coxis, coucou. Le coucou est un oiseau bien connu pour déposer ses œufs dans le nid d’autres oiseaux, ainsi que font certains hommes ou femmes à l’égard, souvent, des conjoints de leurs amis. De coxis, nous avons fait cocu, cocuage, avec cette différence que nous avons appliqué l’injure à celui qui la reçoit et non à celui qui la fait. En bonne grammaire, le cocu est le galant, mais par un abus trop ordinaire des mots, en bon français c’est le trompé qu’on appelle cocu. Autre curiosité, l’adjectif cocu est masculin comme si les femmes n’avaient pas le droit à leur qualificatif…

Mona pas de mari, donc pas de cocu.

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