Le vin Dieulafé

Un bon médicament

Il se trouve dans le vin à l’état potentiel, et ne demandant qu’à se déclencher, toute la force emmagasinée du soleil, de l’ardent soleil qui a mûri la grappe, qui a doré le grain.
Buvez du vin car un litre de vin contient la huitième partie de la ration alimentaire de l’homme et les neuf dixièmes de sa bonne humeur.
Buvez du vin, il vous nourrit, vous fortifie et vos préserve de la maladie.
Buvez du vin, c’est aliment, c’est un stimulant, c’est un médicament.

Oh, purée mon frère, t’es ouf ! Un doc qui balance çà de nos jours, il est radié de l’ordre. On lui fait avaler son serment d’Hippocrate, je te jure. On lui explique qu’il a dû confondre serment et sarment. Et pourtant Docteur Dieulafé vous fûtes une sommité de la fac de Toulouse dans les années 30. Alors, il faut croire que les choses ont bien (ou plutôt mal) changé.

Mais nous Mona, on continue à se soigner comme au bon vieux temps. Allez venez que je vous administre votre médication du jour : un Médoc 2008 du Château Campillot. Avec sa dominante merlot, ce vin est rond avec d’élégants tannins. Ce sera très bon et bon pour votre santé, ma Chère Mona. A la votre !

Y’en a marc…

Encore un article qui va faire bondir Monsieur Evin et la clique des ligues anti-alcool qui règnent sur la France. Et pour cause, je vais vous parler des bienfaits que nos anciens attribuaient aux eaux-de-vie. On trouve des textes dès le XIII° siècle qui vantent les mérites de l’eau-de-vie, appelée aussi eau d’or, eau de vin, eau ardente, eau éternelle.

Arnauld de Villeneuve, tout à la fois médecin, chimiste et astrologue, célèbre cette admirable liqueur qui guérit la paralysie, la fièvre quarte[1], l’épilepsie, les taies de l’œil[2] et le cancer de la bouche. L’eau de vie était à l’époque un médicament et non un poison…

Mais attention, il y a des faux qui se vendent et Ambroise Paré, au XVI° siècle, rappelle que pour reconnaître la bonne eau-de-vie, il faut la verser sur une cuiller et «allumée, elle se consume du tout, ne laissant aucune marque d’humidité au fond de la cuiller». Et il confirme les bienfaits qu’Arnaud de Villeneuve lui avait attribués. Pour le grand chirurgien, ses vertus sont infinies ; elle aide «aux épilepsies et apoplexies, stoppe la douleur des dents, est utile aux défaillances de cœur et syncopes, gangrènes et pourritures».

Rien que çà ! Ma chère Mona, je vais nous soigner à titre préventif. Aussi, je sors un flacon exceptionnel : un Marc d’Alsace Gewurztraminer issu de vendanges tardives 1990. Yves Lehmann nous offre avec ce flacon un marc aux arômes chocolatés. Bouleversant !


[1] Forme de fièvre intermittente dont les accès se produisent tous les 4 jours
[2] Tache blanche et opaque qui se forme sur l’œil.

Ce pinot est anormal !

Décidément je vous aime. Le mois dernier, Lépicurien a pondu un texte sur la discordance entre les souhaits de consommateurs voulant boire des vins peu alcooleux alors que le degré, lui, ne fait que monter….

Le lendemain Gérard Mendeuver de Vinrouge, un fidèle lecteur de vieille noblesse bretonne, m’adressait un article du Figaro qui traitait de ce problème. La journaliste y rappelle que le vin languedocien a gagné près de 1° tous les dix ans au cours des trente dernières années.

Pour réduire l’alcool, l’INRA a mis au point une technologie pour «désalcooliser» le vin.

Selon l’ingénieur de l’Institut «Cela n’altère pas les caractéristiques organoleptiques, la perception des arômes».

En lisant çà, Lépicurien manifestait sa surprise, voire son agacement. Et de me dire que les dégustations de vins désalcoolisés qu’il avait pratiquées il y a quelques années, ne l’avaient jamais convaincu, que ces vins étaient mous… sauf à ce que la technique ait récemment évolué ; en un mot qu’il préférait boire moins mais bon.

Encore merci à Gérard M de V.

Vos envois sont des encouragements pour notre mission. Merci à tous.

Mona-tendrie par votre bonté. Si, si !

Au plaisir du coude

On ne relit jamais assez les classiques. Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, nous laisse une bien belle chanson dans le Bourgeois Gentilhomme (Acte 4, scène première). Cet hymne au bien vivre et bien boire est rafraichissant.

Buvons, mes chers amis, buvons,
Le temps qui fuit nous y convie ;
Profitons de la vie
Autant que nous pouvons.

Quand on a passé l’onde noire
Adieu le bon vin, nos amours ;
Dépêchons-nous de boire,
On ne boit pas toujours.

Laissons déraisonner les sots
Sur le vrai bonheur de la vie ;
Notre philosophie
Le met parmi les pots.

Les biens, le savoir et la gloire
N’ôtent point les soucis fâcheux ;
Et ce n’est qu’à bien boire
Que l’on peut être heureux !

Sus, sus, du vin partout, versez, garçons, versez,
Versez, versez toujours, tant qu’on vous dise assez.

Bon, ma Chère Mona, vous voyez ce qu’il nous reste à faire. Tendez donc votre verre, j’y verserai un nectar : Rosanna 2010 du Château Grès Saint-Paul est une merveille de Muscat. Puissance et élégance, explosion de fruits pour notre bonheur !

Sens-tu, ce bleu émane…

Vivent les fromages qui puent

Encore une fois les autorités européennes veulent faire rentrer les fromages dans le rang. Ils veulent être certains qu’aucun des micro-organismes qui font le goût unique de chaque fromage sont totalement inoffensifs pour notre santé. Pour ce, l’agence européenne de sécurité alimentaire a demandé à la communauté scientifique d’évaluer bactéries, levures et moisissures qui interviennent dans le processus de fabrication et d’affinage des fromages.

Déjà que l’industrie fromagère utilise des laits tellement aseptisés que le  goût des fromages ressemble plus à celui du plastique qu’à celui de l’étable, il est possible qu’au terme de ces études scientifiques, une partie de notre patrimoine fromager disparaisse au nom du risque zéro. En effet, chaque micro-organisme devra obtenir le statut de «présomption d’innocuité reconnue» pour pouvoir continuer à fleureter avec les fromages.

Même si nos gouvernants ont vendu leur âme depuis bien longtemps aux commissions de Bruxelles, nous devons exiger de pouvoir perpétuer nos traditions Que seraient nos repas de famille sur le territoire national, sans un joli plateau de fromages qui puent ? Que les européens n’en veuillent pas dans leurs assiettes, ne doit pas nous priver de déguster ces fromages au lait cru qui font notre nation. Empêchera-t-on les petites productions de fromages goûteux ? Pas plus tard que la semaine dernière, avec Mona, nous avons mangé un vrai coulommiers qui fleurait tellement l’étable que j’ai eu l’impression d’être plongé dans une ferme avec ses odeurs de vaches. Elles rodaient autour de la table. Manger un tel fromage, ce n’est pas pour se nourrir, c’est pour rêver, s’évader, se plonger dans son passé. C’est vivre en harmonie avec tous ces paysans qui nous ont précédés. Autant dire, toutes ces choses que les technocrates européens ne peuvent pas comprendre.

Epicuriennes, Epicuriens, ne laissez pas mourir nos fromages. C’est un bout de notre histoire, de notre civilisation qui partirait avec…

Vive le fromage, vivent les bactéries fromagères et vive la France.

Mona, j’ai eu des accents gaulliens. Ce que je peux vous dire, c’est que çà libère, mais çà donne soif. Vite un gorgeon, ma chère Mona. François Villard est un des grands de l’appellation Saint-Joseph. Son Mairlant 2010 est un vin blanc qui nous fera l’apéritif. Mais si un chèvre passe à coté de vous, vous pourrez lui faire son affaire.

Un verre, ami ?

d'après une peinture d'Alexandre Deineka

Il est des études de consommation qui posent question. L’agence Wine Intelligence a réalisé une enquête auprès de consommateurs allemands, anglais, américains et chinois afin qu’ils donnent leur définition du vin idéal.

D’un pays à l’autre, bien entendu, les réponses varient. Mais une constante ressort : les buveurs de vin de ces quatre pays souhaitent des vins à faible degré alcoolique. Les Américains, Allemands et Anglais préfèrent les vins titrant au maximum 10.5°. Quant aux Chinois, ils désirent des vins ne dépassant pas 8°.

Deux, trois réflexions. Les vins de moins de 10° ne sont pas légion et pourtant, comme annoncé récemment, les exportations de vins français viennent de battre des records alors que leur taux d’alcool ne fait que croître et embellir. Etrange non ? Le gourou du vin, je veux parler de Bobby, autrement dit Robert Parker, n’a eu de cesse de faire grimper le niveau d’alcool des vins. Est-ce à dire qu’il impose un type de vins que les consommateurs de dives bouteilles n’aiment pas ?

En ce qui nous concerne, Mona et moi, nous avons toujours pensé que les idées de Monsieur Parker avaient été très bonnes pour le business des châtelains bordelais mais peu intéressantes pour les amateurs de vins fins et digestes. Avec des vins atteignant les 14° et logés dans des barriques neuves durant de longs mois, on obtient plus des bêtes de concours que des vins qu’on a plaisir à servir à table.

Bon, ben Mona, je dois vous avouer que trouver un vin titrant moins de 10° s’est avéré difficile. J’imagine que nos buveurs américains, chinois et autres ne doivent pas boire tous les jours. Enfin, c’est fait, je vous propose un vin de glace 2008 du Domaine Johanneshof Reinisch. Ce vin autrichien est un dessert à lui tout seul et il ne contient que 9° d’alcool. 

Apostrophons Monsieur Evin

Ce vin est un breuvage éternel (Omar KHAYYÂM 1050–1123)

Voici un extrait d’une émission littéraire et culturelle qui date de 1980. Bernard Pivot, animateur épicurien d’Apostrophes, avait invité notamment un des plus grands chefs de France, Alain Chapel, un négociant époustouflant, Alexis Lichine et un Maître œnologue, le grand Emile Peynaud. Le visionnage de cette vidéo et cet article se veulent à la fois un hommage à ces trois messieurs références dans leur métier respectif. En effet, ils sont tous les trois partis rejoindre les vignes du Seigneur. Si vous êtes amateurs de vins et avez soif d’apprendre, la lecture des trois ouvrages cités vous enchantera. Lichine, Peynaud et Pijassou ont écrit des textes fondamentaux.

Une telle émission pourrait-elle encore être diffusée à la télévision française de nos jours ? Je ne le pense pas. Nos cliques antialcooliques, rangées derrière la bannière de la loi Evin, interdiraient surement une présentation favorable au jus de la treille.
Quand on voit le plaisir procuré par la dégustation d’un vin sur le plateau par Emile Peynaud donne comme bonheur aux spectateurs, on regrette cette époque.

Quelques années plus tôt, un médecin, le docteur Maury publiait, en 1974, un ouvrage au titre évocateur : Soignez-vous par le vin. Là encore, on peut se poser la question. Un tel livre trouverait-il éditeur actuellement ?
Et pourtant, le thérapeute diplômé de la Faculté de Médecine de Paris, pratiquant l’homéopathie depuis 1931 d’une façon exclusive, médecin résidant au Royal Homeopathic Hospital de Londres, répertorie soixante maladies qui méritent de boire du vin. A  titre d’exemples :

Vous avez du cholésterol ? Buvez des vins de Loire ou des Côtes de Provence.
Vous êtes pris des bronches ? Descendez vite à la cave chercher une bouteille de bordeaux rouge ou de bourgogne titrant à 10°.
Vous êtes enceinte ? N’oubliez pas vos deux verres de bordeaux rouge à chaque repas.
Vous avez une angine ? Un peu de médoc ou de beaujolais et ça ira mieux.
Vous présentez des risques d’infarctus ? Carburez au champagne sec.
Vous avez des problèmes de vue ? Il vous faut un vin rouge léger de Bordeaux ou Bourgogne.
Vous êtes neurasthénique ? Mais qu’est-ce que vous attendez pour déboucher une blanquette de Limoux ?

De quoi faire bondir nos pisse-froid et pourtant le docteur Maury considère que ses conseils sont bien d’ordre médical.
Pour continuer à nous soigner avec les vins de France, serons-nous obligés de fuir à l’étranger ?

En tous cas, l’illustration de ce texte est claire. On a conservé dans d’autres pays les charmantes devantures qui mêlaient pharmacies et vins si bons pour l’équilibre et la santé des humains.

Un grand merci à Yvon Touboire qui m’a envoyé cette image.

Mona envie de se soigner. Et vous ?

Où sont les fines appellations ?

J’étais au restaurant tranquillement installé en compagnie d’un bon ami. La table était bonne, la carte des vins était aussi épaisse qu’un bottin téléphonique. Que du bonheur ! Enfin jusqu’à ce qu’on nous serve le vin que mon ami avait choisi.

C’était une bouteille d’un domaine réputé du pays des kangourous. Au nez, ce vin empestait le cassis. J’adore ces petites baies mais trop, c’est trop ! A croire que l’œnologue a acheté tout le stock de crèmes de cassis de L’Héritier-Guyot. En bouche, la concentration était telle qu’on avait autant l’impression de manger que de boire et la richesse en alcool était telle que l’on aurait cru embrasser un pilier… de bar. Quand au bois, je ne sais pas s’il y en a plus dans la forêt de Tronçais.

Hugh Johnson, sujet de sa Gracieuse Majesté et grand connaisseur en vins estime que ce type de vin est « ennuyeux et sans intérêt ».

Cette tendance s’est développée notamment avec les vins du Nouveau Monde qui ont exploité les nouvelles techniques de vinification et qui ont répondu au goût des critiques américains qui encourageaient la vendange de raisins surmûris et la production de vins bodybuildés.

Même la France qui recherchait des breuvages plutôt sur la finesse, a connu (et connait encore malheureusement) cette mode de vins lourds et hyper-concentrés : comme des athlètes dopés, ces vins sont conditionnés pour gagner des concours mais pas pour accompagner un repas. Et l’excès brouille les arômes et le vin perd en complexité.

Même si j’admets que les conditions climatiques ont modifié la charge en sucre des baies, il est difficile de croire qu’elles expliquent pourquoi les vins qui, il y a 20 ans, titraient 12 à 12,5 % d’alcool atteignent, de nos jours, 14,5-15 % et même plus (si affinité).

Du coup, lorsque nous avons quitté la table, la bouteille était encore à demi pleine. Un comble pour des épicuriens !

Bon Mona, un vin léger sera le bienvenu. Que diriez-vous d’un Saumur ? Château de Fosse-Sèche Eolithe 2007. Une bouteille de Loire qu’on aura plaisir à rincer jusqu’à plus soif… ! 

Un pas trop de fromages

Le célèbre gastronome Jean Anthelme Brillat-Savarin avait rendu un hommage appuyé aux fromages en 1825, dans sa Physiologie du goût. Il déclarait :

«Un repas sans fromage, c’est comme une belle à qui il manque un œil.»

Eugène Sue, dans sa série des Sept Péchés Capitaux, consacre un volume à la Gourmandise. On peut y trouver le superbe repas du chanoine Dom Diego. J’ai retenu ce passage sur le fromage :

Fromage de Brie de la ferme d’Estouville, près Meaux. Cette maison a eu, pendant quarante ans, l’honneur de servir la bouche de Monsieur le Prince de Talleyrand, qui proclamait le fromage de Brie le roi des fromages (seule royauté à laquelle ce grand diplomate soit resté fidèle jusqu’à sa mort). Boire un verre ou deux de Porto tiré d’une barrique retrouvée sous les décombres du grand tremblement de terre de Lisbonne. Bénir la providence de ce miraculeux sauvetage et vider pieusement son verre.

Et pour la bonne bouche, permettez-moi de rendre hommage à un poète oublié. Fort attaché à sa Normandie natale, Georges Laisnez nous laisse ce poème[1] en 1933 :

Ballade (si j’ose dire)
Des bons fromages de chez nous

 Monselet — ah ! le friand bec
Et combien j’aime son langage ! —
N’eût pas donné même un kopeck
Du plus fin repas sans fromage…
Au fromage, je rends hommage,
Mais je prétends que, pour mon goût,
Il n’est — Ils règnent sans partage —
Bons fromages que de chez nous !

Arrosé d’un «beire[2]» un peu sec,
Le Camembert séduit le sage,
Mais la Trappe de Bricquebec,
L’ Isigny ont tous les suffrages,
Et toi qu’on salue au passage,
Livarot odorant et roux !
Mais peut-on voir, où qu’on voyage,
Bons fromages que de chez nous ?

Fromages turcs, auvergnats, grecs
Hollandais, au joufflu visage,
Bondon, Pommel vous font échec,
Le Petit Cœur vous porte ombrage !
Bondart, Pont-l’Evêque (j’enrage
De ne pouvoir les nommer tous)
Il n’est, clamons-le sans ambages,
Bons fromages que de chez nous !

                      ENVOI

Prince, en dirai-je davantage ?
Jure ici – mais jure à genoux —
Qu’on ne voit (gloire à nos herbages !)
Bons fromages que de chez nous !

Ma chère Mona, je suis heureux de voir que ce bon Georges a choisi un cidre pour honorer son camembert. L’accord est tellement évident que l’on se demande comment nos contemporains s’escriment à faire mourir leurs meilleures bouteilles en compagnie de cette pâte fleurie. Allez Mona, sortez donc deux verres, j’ai déjà ôté le muselet de ce Sydre exceptionnel produit par Eric Bordelet. Une telle perfection que les pommes rêvent toutes de finir comme çà !


[1] Poèmes couleur de temps perdu
[2] Mot de langue normande désignant le cidre

Saint et millions

Comme je peux plus les boire, je les peins

Alors que Lépicurien faisait la promotion de la bande dessinée de Simmat et Bervovici, un article du Nouvel Observateur tombe à pic. Les auteurs des Caves du CAC 40 ont vu juste : le vin, çà peut être le jack pot : des rentabilités incroyables, voire indécentes.

Une image parlant plus qu’une longue phrase :

Et les informations qui circulent sur le prix des primeurs 2010 de ces châteaux devraient encore améliorer la marge…

Mona ldorado, c’est vous !