Degré ou de force

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Combien de vins sont bus à mauvaise température. Nombre de restaurateurs ayant retenu que les vins blancs doivent être servis frais, les enferment dans un seau bourré de glace et plissent une serviette dessus (comme pour empêcher, tout air réchauffé de rentrer en contact avec la bouteille. De même, pour les vins rouges, ils les servent « chambrés » : ce qui signifie que la bouteille a somnolé des jours près de la cheminée ou dans l’atmosphère surchauffée de la salle à manger. Il suffit de retenir que le froid paralyse les arômes et que la chaleur augmente la sensation d’alcool pour comprendre que le résultat ne sera pas à hauteur de vos attentes. Aussi, voici quelques repères :

Champagne Brut de 8 à 10°

Champagne Millésimé de 9 à 11°

Tête de Cuvée ou « R.D »* de 11 à 13 °

Blancs de Bourgogne et de Graves de 12 à 13°

Alsace Grands Crus et Blancs aromatiques de 10 à 12°

Blancs secs légers, acidulés de 7 à 9°

Rouges légers et fruités de 14 à 15°

Rouges de Bordeaux et Sud Ouest de 16 à 18°

Rouges de Bourgogne de 15 à 17°

Moelleux et liquoreux de 8 à 10 °

Grands Liquoreux de 10 à12°

Vénérables et grandioses liquoreux de12 à 14°

Porto, Banyuls… de 16 à 18°

Vin Jaune du Jura de 15 à 18°

Quelques conseils :

N’oubliez pas que le vin prend rapidement 1 à 2° dans le verre. Aussi, le servir un peu frais est une erreur qui se rattrape facilement alors qu’un vin servi trop chaud….

1.         N’hésitez pas à placer quelques minutes un vin rouge dans un seau d’eau fraîche si l’on doit prolonger le service (surtout en été). Un passage au réfrigérateur d’un vin rouge peut être salutaire.

2.         Enfin, ces règles ne sont des ukases, mais, retenez qu’en dessous de 7°, vos papilles seront anesthésiées et qu’au dessus de 20 à 22°, les grands vins rouges se dénaturent et se déséquilibrent.

Fallait le dire

488700426_ca2d2be2d_bLorsque l’on parle d’un vin, il est difficile de naviguer entre la description trop sommaire et le lyrisme de pacotille flirtant avec la cuistrerie. D’un autre côté, plus on dit n’importe quoi, moins on encourt le risque d’être contredit. Une génération d’étudiants de l’Institut d’œnologie de Bordeaux a subi « la racine d’iris blanc cueillie le matin avant la rosée » (référence d’odeur qui fait évidemment partie du quotidien de tout un chacun, vous en conviendrez).

Florilège de descriptifs  :

« Odeur de foutre de lièvre  » (bien connu des critiques zoophiles et champions du 100m).

« Nez curieux d’aromates, de thé noir fumé et de poudre fraîche de cinq épices  » (idéal pour accompagner la cuisine chinoise).

« Nez d’asperge chaude, de cardon et d’abricot » (idéal pour servir avec un repas végétarien).

« Ce vin musclé explose en bouche avec un torrent de cailloux et de mica » (forcément le vin idéal pour un congrès de géologues).

« Nez de mèche, de poudre et de pétrole » (pour vos copains soixante-huitards nostalgiques du cocktail Molotov …).

 » Odeur de truffe humide d’épagneul » (breton ? surement pour du vin ; mais de toute façon, très utile pour le casse-croûte du chasseur).

2243942180_d321835e35_o« Une acidité acérée comme une épée. Cette forme insistante annonce la finale minérale » (pour une partie fine sado-maso !).

 » Arômes intenses de végétal, de tomate, de tiramisu » (sublime avec la pizza à peine décongelée).

 » Il est bon; nez fun mais propre. Bouteille au style très funky » (à déguster entre deux… joints ? Hey, the fun shines…).

Bientôt, ce sera la grand-messe des primeurs : de quoi étoffer cet article ?

Boire ovaire

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Peinture de Gerard Ter Broch – 1660

Pendant que nous continuons en France à détruire des siècles de civilisation du vin, les chercheurs étrangers continuent à se pencher avec bienveillance sur le jus de la treille et à lui trouver des vertus.

Ainsi, selon une étude australienne, la consommation de deux verres de vin par jour, pour une femme, pourrait réduire de moitié le risque de cancer des ovaires. Un résultat dû à la présence d’antioxydants et à l’impact de l’alcool sur les hormones féminines. A noter : le vin rouge semble être plus efficace que le vin blanc. Et pourtant, nos hommes sont convaincus que nous avons une attirance certaine pour le « goût du blanc »…. Faut pas les décevoir, ils verraient rouge.

« Bon, en attendant, viens on va se jeter une fillette. Comme çà, on frisera pas l’ovaire dose ! », m’a dit gentillement mon bien-aimé patron.

Votre Mona

Et tutti chianti

chianti-classico-08Les bouteilles de vin de l’appellation « Chianti Classico » ont sur leur collerette un Coq Noir (Gallo Nero). Il est devenu pour l’appellation, un symbole et une garantie de qualité.

Une légende tente d’expliquer l’origine de ce fier gallinacé sur les bouteilles de Chianti Classico. Ce signe identitaire serait lié à la rivalité qui a toujours existé entre Sienne et Florence et ce particulièrement à l’époque médiévale. Afin d’en finir avec leurs guerres interminables, les deux cités toscanes décidèrent de s’en remettre à une compétition inhabituelle pour définir leur frontière : la délimitation entre les deux républiques serait fixée au point de rencontre de deux cavaliers partant de leur ville respective au chant du coq. Un émissaire de chaque cité fut nommé pour s’assurer que  les cavaliers partiraient bien au signal convenu. Les Siennois choisirent un coq blanc bien dodu pour manifester la richesse de leur cité. Les Florentins, quant à fiasquechiantisorsola-2003eux, choisirent un coq noir auquel ils donnèrent si peu à manger pendant plusieurs jours, qu’il chanta bien avant le lever du soleil. Ainsi le cavalier florentin se mit en route très tôt et rencontra l’autre cavalier à quelques dizaines de kilomètres de Sienne. Pratiquement toute la zone de Chianti Classico passa, à dater de ce jour, sous la juridiction de Florence.

Pour la légende, vous n’êtes pas obligés d’y croire. Par contre, pour le coq, retenez que pour apprécier un vrai et bon Chianti, mieux choisir la bouteille sobre avec un coq  noir plutôt que la « fiasque » toute habillée d’osier qui trône dans nombre de pizzerias. Si vous avez le choix, goûtez un « Chianti Classico Riserva » qui aura été élevé au moins 24 mois. Vous pourrez le servir avec un rognon de veau, un pigeon aux épices ou des lasagnes à la toscane…  Buono appetito

Une histoire de gros saouls

Trois des plus grands collectionneurs de prestigieux flacons se réunirent dans un restaurant parisien. Chacun avait extrait de sa cave le flacon le plus fabuleux, le plus ancien, le plus extravagant pour la dégustation la plus onéreuse et la plus médiatisée de l’histoire. Cléopâtre et ses perles dans son vinaigre, allait paraître bien chichiteuse !

Black Appart de Boston, commentait son Lafite 1730 :  » Il est plein de poussières du temps, il a la suavité de la dentelle jaunie … en un mot, il est sublime de vieillosité ».
Il expliqua alors à ses commensaux qu’il avait soufflé cette dive bouteille à la barbe d’un émir et d’une baronne anglaise pour à peine plus de 60.000 $ lors d’une vente aux enchères.

tokaj1Li Vin Jon, dit Ming De Rien, arrivé tout droit de Shanghai, fit cérémonieusement servir un Tokaj 1750 provenant directement de la cave du Tsar Nicolas II. Il avait payé ce flacon un peu plus de 75.000$ à un ancien apparatchik, qui, après avoir siégé au comité central d’une des républiques de l’ex Union Soviétique, s’était reconverti dans les affaires. « Sentez ce nez de fruits blets, de guano sec … sentez vous sous la langue les débris du bouchon d’origine ? « 

« Vous n’avez encore rien vu! Attendez vous à recevoir un coup de pied dans les Pouilles », s’exclame grossièrement Marco Goulo, grand collectionneur napolitain, en brandissant galgr171une amphore de Lacryma-Christi. Il m’a fallu débourser 180.000$ pour goûter ce nectar de plus de 1.500 ans. En effet, j’ai du en acheter deux. Mais, mon chauffeur en a cassé une ! Comme on dit chez nous, une de Padoue, dix de retrouvée, ah, ah, ah ».
Après avoir bien rigolé et goûté l’antique breuvage, les commentaires vont bon train :
« Subtil, dilué d’aromates verdurés … odeurs de térébenthine, le tout rehaussé par une touche de varech décomposé … Et quand je pense qu’elle n’est restée que 10 siècles sous la mer …c’était vraiment une affaire à ce prix là « .

Repus et comblés, ils demandent au sommelier du lieu de leur servir la bouteille de son choix pour les étonner. L’homme de l’art revient avec une carafe contenant un étrange liquide : « rouge sombre, limpide … Comme c’est bizarre, et cela sent les fruits rouges, le bois grillé, et en bouche, cela vous tapisse le palais … et, de plus, cela ne fait même pas mal à la gorge quand on l’avale. Allons, ne faîtes pas durer le suspens, montrez nous l’antique bouteille que vous avez servie « 

– Et bien, il s’agit d’un Médoc, Tour Haut-Caussan 2005, un vin de Médoc vendu sur notre carte à 30 €.

Depuis ce jour, le trio des buveurs de dollars vexé décida de se réunir dans une autre ville.