Du sang extra partout

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Le 13 février 1820 en soirée, Charles-Ferdinand d’Artois, Duc de Berry et sa charmante femme, la princesse Caroline des Deux-Siciles se rend à l’Opéra. Durant l’entracte son épouse se sentant fatiguée décida de rentrer chez elle. Le Duc l’accompagna jusqu’à sa voiture. Là, un certain Louvel, ouvrier antiroyaliste, lui planta une alène[1] de 25 cm dans le cœur. Inutile de vous dire que çà fait des dégâts même si, sur le moment, le prince crut avoir reçu un coup de poing. Mais il s’aperçut que le sang pissait à flot. Il arracha l’aiguille avant de s’effondrer.

Ramené à l’Opéra, on l’allongea sur une banquette et des soins lui furent immédiatement dispensés. La petite histoire raconte que la princesse releva ses robes et jupons pour enlever ses jarretières et s’en servir de garrot. J’ai lu dans certains ouvrages qu’elle avait ôté ses jarretelles. Je m’élève en faux : cette attache si sexy ne fut créée qu’en 1876 par un corsetier du nom de Féréol Dedieu. Si la belle a enlevé quelque chose, ce sont bien ses jarretières, ces élastiques qui serraient le bas et entravaient la circulation des dames de la haute.

Il fallait le dire même si les Amerlocs contestent cette version et affirment avoir déposé un brevet quelques mois avant le Parigot.

Enfin Charles-Ferdinand ce soir là, il s’en tamponnait le coquillard de qui inventerait après lui le porte-jarretelles ; lui, il voyait son raisiné qui se faisait la malle et qu’à cette allure là, il commençait à sentir l’odeur du sapin envahir dangereusement la pièce. Fallait s’y faire, il sortirait les pieds devant ; on arrivait pas à fermer le robinet de son palpitant. Aussi, sentant qu’il allait bientôt souffler sa dernière chandelle, il appela sa bergère Caroline et lui vida son sac : il avait laissé quelques marmots à droite à gauche : deux filles avec une British, Amy Brown, deux garçons avec Eugénie Oreille (il était donc père d’oreilles) et une autre paire avec Marie-Sophie de la Roche (dur, dur!). Décidément, c’était bien un Bourbon, Charles-Ferdinand, toujours le salsifis prêt à engrosser la première qui passe.

Caroline a les glandes mais sentant qu’il ne tarderait pas à cracher sa Valda, elle ingurgite la pilule sans moufeter ce qui ne l’empêche pas d’annoncer qu’elle est en cloque car son Bourbon de mari lui a fait avaler la pépin deux mois avant. Je sais pas vous, mais je trouve qu’il s’en passe des choses, bien plus que dans le livret de l’opéra qui se jouait ce soir là.
Son futur lardon, il ne connaîtra pas son géniteur mais il se retrouve avec une fratrie sacrément élargie d’un coup.

Charles-Ferdinand sent qu’à force de se vider comme un lapin de garenne, il finira par avaler sa cuiller de baptême.

Et de fait, il avait sans doute des dons de voyance, car le lendemain à six heures, il passa l’arme à gauche. Rideau !

Sept mois plus tard, le 29 septembre 1820, Caroline se fit livrer à domicile par Cigogne-Airways, un petit gars qu’on appela Henri d’Artois, duc de Bordeaux. Les royalistes étaient tellement heureux qu’ils lancèrent une souscription pour offrir le château de Chambord au freluquet. Pour les remercier, il prit le titre de comte de Chambord.  

Et voilà la messe est dite. Charles X fut le dernier Bourbon régnant sur l’Hexagone. Le petit Bordeaux s’exporta et finit sa vie en Autriche.

Quant à Louvel, bien que le Duc de Berry, avant de souffler définitivement sa dernière bougie, ait demandé sa grâce, il fut raccourci d’une tête le 7 juin 1820. Aux dernières nouvelles, il ne s’en remit pas !

Bon, ben Mona. Ça fait 193 ans que le grand Duc a fondu les plombs. Je vous invite à boire un grand vin. Chinon, le Clos du Chêne Vert 1990 de Charles Joguet. Les mots me manquent pour décrire un vin sublimissime. Un bouquet de fleurs et un panier de framboises traversent un moment de plaisir qui n’en finit pas… Chapeau, l’artiste.


[1] Instrument de sellier, morceau de fer type grosse aiguille