Le vieil homme et le marc

Débarqué comme correspondant de guerre sur les plages normandes, l’écrivain américain participa à la libération de la ville de son Paris. Et surtout de ses bars.

Drapeaux, embrassades, effusions. Ce 26 août 1944, les Parisiens célèbrent leur liberté à corps et à cris. Loin de la liesse, Ernest Hemingway a, quant à lui, déjà repris ses habitudes au bar du Ritz. Arrimé au comptoir, il siphonne, en compagnie d’une palanquée d’aventuriers et de journalistes, les  crus de la cave, précieux butins sauvés des pillages allemands mais pas de la descente légendaire de l’écrivain américain. Et comme l’une des convives se lève pour aller au défilé de la victoire, papa Ernest la rembarre: «Ma fille, reste tranquille et bois ce bon cognac! Tu pourras toujours voir les défilés, mais c’est la dernière fois que tu peux célèbrer la libération de Paris au Ritz!»

Dès 1942, l’auteur du « Vieil homme et la mer» participa à l’effort de guerre à sa façon, traquant à lord de son yacht «Pilar» les sous-marins allemands au large de Cuba. A la mi-juillet, il pose ses godillots sur le sable normand, en tant que correspondant de guerre pour le magazine «Collier’s». Furax, car devancé d’une semaine par sa troisième femme, Martha, embarquée à lord d’un navire-hôpital, il suit les combats de Saint-Lô. De l’avis de beaucoup, les papiers qu’il écrits sont assez mauvais. Enfin ceux qui arrivent à temps. Car Ernest, en bon adepte du rhum-enquête, trempe plus souvent sa plume dans l’alcool que dans l’encre…

Eternel hâbleur, il se flattera longtemps d’avoir été le premier à pénétrer dans Paris. Un mensonge éhonté. «En contrebas s’étendait, belle et encore grise, la ville que j’aimais le plus au monde», s’extasie-t-il, le 25 août, place de l’Etoile. Avenue Kléber, il hèle un passant: «Place Vendôme, c’est par où ?» Car il veut être le premier à libérer le Ritz ! Il y fait irruption, mitraillette à la main, ne trouve personne mais tire une rafale sur une pile de draps avant de décréter une tournée générale de Martini dry. Paris est subitement redevenu une fête.

Quelques lieux pour retrouver Hemingway :

Le Ritz : « Lorsque je rêve de la vie après la mort, l’action se passe toujours au Ritz. »

Jardin du Luxembourg : dans les années 20, lors d’un hiver rigoureux de sa première épopée parisienne, en proie à des difficultés financières, il y installait des pièges pour chasser les pigeons qu’il cachait dans le landau de son fils.

Brasserie Lipp : passant en jeep devant la célèbre brasserie, il fait stopper le chauffeur et interpelle le patron : « ma gourde est vide ». Elle sera remplie avec une bouteille de Cognac de la réserve secrète de la maison.

On est obligé, Mona, pour rendre hommage à l’écrivain de boire un Margaux : Château Larruau 2007 est un vin exceptionnel qui me ravie : allez libérez deux verres, c’est ma tournée de plaisir.