Drôle de Brahme

Musique de Brahme pour instrument à vents

Jean-Antoine Dubois est un missionnaire ardéchois qui passa l’essentiel de sa vie en Inde. De retour en France, il écrivit en 1825 un ouvrage sur les mœurs de ce peuple lointain. On peut y lire notamment (le texte est un peu long, mais difficile d’ôter quelque chose)  :

Règles que doit observer le Brahme pour satisfaire aux besoins naturels.

Je me suis décidé avec peine à donner les détails un peu ignobles qu’on va lire. Mais pour l’observateur judicieux et éclairé, les actions les plus communes de la vie d’un, peuple ne sont point inutiles à connaître; et surmontant dans cette pensée ma répugnance, j’ai osé croire que le lecteur me pardonnerait de n’avoir pas voulu mutiler par un tel retranchement ce vade-mecum des Brahmes. Tous ces préceptes minutieux de propreté se rattachent au reste à un système hygiénique que nous avons eu occasion de remarquer dans diverses autres pratiques des Indiens, et n’ont vraisemblablement rien de futile dans les pays chauds.

1. Prenant à la main un grand chimbou[1], il ira au lieu destiné à cet usage, et qui doit être au moins à un jet de flèche de son domicile.

2. Arrivé là, il commencera par ôter sa chaussure, qu’il déposera à une certaine distance, et choisira pour se soulager une place propre, sur un terrain uni.

3. Les endroits où l’on ne peut, sans pécher, vaquer à cela, et qu’on doit par conséquent avoir grand soin d’éviter, sont ceux-ci : l’enceinte d’un temple; le bord d’une rivière, d’un puits ou d’un étang; un chemin public et tout lieu fréquenté; un sol blanchâtre, une terre labourée; un terrain où croît, à peu de distance, un arbre sacré.

4. Le Brahme ne doit pas avoir alors sur le corps de toile pure, ou nouvellement lavée.

5. Il aura soin de se suspendre son triple cordon à l’oreille gauche, et de s’entourer la tête de la toile qu’il avait autour des reins.

6. Il s’accroupira le plus bas possible. Ce serait un grand péché que de se soulager debout, ou seulement à demi incliné; c’en serait un plus grand encore de le faire étant monté sur un arbre ou sur une muraille.

7. Dans cette posture, il doit avoir une attention particulière, et sous peine de péché capital, à ne fixer ses regards sur aucun des objets que voici : le soleil ou la lune, les étoiles, le feu, un Brahme, un temple, une statue, quelqu’un des arbres sacrés.

8. Il gardera un profond silence.

9. Il ne doit rien mâcher, rien avoir dans la bouche, ni avoir aucun fardeau sur la tête.

10. Il doit terminer le plus promptement qu’il lui est possible, et se lever aussitôt.

11. Après s’être redressé, il ne doit pas jeter les yeux derrière ses talons, sous peine de péché.

12. S’il ne néglige rien de ce qui vient d’être prescrit, la fonction dont il s’est acquitté devient un acte de vertu qui ne sera pas sans mérite; mais s’il en a omis quelqu’une, c’est une faute qui ne restera pas sans punition.

13. Il se lavera les pieds et les mains sur le lieu même, avec l’eau contenue dans le chimbou qu’il a apporté. Puis, prenant ce vase de la main droite, il ira à la rivière pour se purifier de la souillure grossière qu’il a contractée par cette opération impure.

14. Arrivé au bord de la rivière ou de l’étang où il se propose de se purifier, il choisira d’abord un endroit convenable pour cela, et il se procurera aussi la terre qu’il doit employer conjointement avec l’eau pour opérer sa purification.

15. Qu’il soit attentif a se procurer l’espèce de terre propre pour cela, et se souvienne qu’il y en a plusieurs sortes dont on ne peut se servir sans péché, dans cette circonstance; telles sont : la terre soulevée par les fourmis blanches; celle dont on extrait le sel ; la terre glaise; la terre qui se trouve sur un grand chemin; celle dont on se sert pour faire la lessive; la terre prise sous un arbre, dans f enceinte d’un temple, dans un cimetière, dans un endroit où paissent des vaches, une espèce de terre blanchâtre comme des cendres; celle qui se trouve auprès des trous creusés par les rats ou par d’autres animaux.

16. Muni de terre convenable, il s’approchera de l’eau sans y entrer, et en puisera avec son chimbou. Il s’éloignera un peu pour se laver de nouveau les pieds et les mains. S’il n’avait pas de vase de cuivre, il creuserait un trou dans le sable avec ses mains sur le bord de la rivière, et le remplirait d’eau qu’il emploierait au même usage, en prenant garde que cette eau n’allât pas se mêler à celle de la rivière.

17. Ayant pris une poignée de terre avec la main gauche[2], il l’imbibera d’eau et en frottera bien la partie souillée. II réitérera l’opération en employant moitié moins de terre, et ainsi trois fois encore en la diminuant à chaque fois de moitié.

18. Après avoir ainsi purifié cette partie de son corps, il se lavera cinq fois chacune des mains avec de la terre et de l’eau, en commençant par la main gauche.

19. II se lavera une fois les parties honteuses avec de l’eau et de la terre glaise mêlées ensemble.

20. Même opération pour les deux pieds, répétée cinq fois pour chacun, avec de la terre et de l’eau, en commençant, sous peine de damnation éternelle, par le pied droit.

21. Après s’être ainsi lessivé les différentes parties du corps avec de la terre et de l’eau, il les nettoiera une seconde fois avec de l’eau claire.

22. II doit après cela se laver le visage, puis se rincer huit fois la bouche : mais quand il fait ce dernier acte, il doit être bien attentif à rejeter du côté gauche l’eau avec laquelle il se gargarise; si, par distraction ou autrement, il avait le malheur de la rejeter du côté droit, il irait bien certainement en enfer.

23. II pensera trois fois à Vichnou, et boira trois fois un peu d’eau à son intention.

Ben, merde alors, faut pas avoir la turista…

Mona un doux à ses cotés….  Pas vous ?


[1] Vase traditionnel qui sert à la toilette

[2] C’est uniquement la main gauche qui doit être employée dans cette circonstance. Ce serait une malpropreté impardonnable que de se servir de la droite. On emploie toujours la main gauche lorsqu’il s’agit de quelque opération sale, comme de se moucher, de se nettoyer les oreilles, les yeux, &c. Dans les autres cas, on se sert en général de la main droite quand on touche quelque partie du corps au-dessus du nombril, et de la gauche, lorsqu’on touche celles qui sont au dessous. Tous les Indiens sont si familiers avec cet usage, qu’il est rare de les voir employer une main pour l’autre. La coutume de laver soigneusement la partie souillée après avoir vaqué à ses besoins naturels, est d’observation stricte dans toutes les castes. L’usage où sont les Européens de se servir de papier dans la même circonstance, est regardé par tous les Indiens, sans exception, comme une abomination dont ils ne parlent jamais qu’avec horreur; il en est même qui refusent d’y croire, et pensent que c’est une calomnie inventée en haine des Européens. Je me suis convaincu que lorsque les indigènes s’entretiennent entre eux de ce qu’ils appellent nos sales et grossiers usages, ils ne manquent point de mettre au premier rang celui dont il est ici question, et d’en faire le sujet de leurs sarcasmes et de leurs railleries.