Comme Popeye, je tire ma force des pinards…

Le Sieur Audiger fut le chef d’office[1] de la comtesse de Soissons, nièce du Cardinal Mazarin, puis de Jean-Baptiste Colbert, le grand ministre de Louis XIV. Au retour d’un voyage en Italie, il ramena des petits pois dont le Roi raffola. Il fit également découvrir à la Cour les eaux glacées et crèmes glacées parfumées[2] avec divers fruits ou plantes.
Il a écrit en 1692 « La maison réglée« , dans lequel il décrit la composition de la Maison d’un grand seigneur.

Mais revenons au vin. A cette époque, Monsieur Evin n’avait pas encore sévi dans le beau royaume de France et Audiger pouvait, sans craindre les sarcasmes des ligues antialcooliques, décrire par le menu l’activité d’un chef sommelier. Aussi, j’ai plaisir à vous livrer le chapitre portant sur les garçons de cabaret. 

Le devoir et fonction d’un Garçon de Cabaret, qu’on appelle premier Garçon, est de savoir bien gouverner une cave, connaitre la qualité de tous les vins, les différents prix d’iceux et  les indiquer aux autres garçons, afin que quand ils sont plusieurs qui vont à la cave, quoique ce soit lui qui en ait le gouvernement, ils ne se trompent point, et ne donnent pas celui d’un prix pour un autre. Il faut aussi qu’il sache bien préparer toutes choses pour éclaircir les vins ; qu’il perce toujours et fasse débiter les plus prompts à boire, que sa cave, ses futailles soient toujours bien propres et bien nettoyées, cela fait que les vins s’en portent beaucoup mieux et se conservent bien plus longtemps. Il doit encore savoir bien compter, mettre toute son application à ne rien oublier de la dépense qui se fait chez son Maître, être doux, civil et honnête à tout le monde, tâcher toujours de les contenter autant que faire se peut, les servir promptement et agréablement ; prendre garde que l’eau destinée pour boire soit toujours bien propre et bien nette, les verres bien rincés, et ne pas oublier à retirer les serviettes, cuillères, fourchettes et couteaux d’argent lorsqu’il va compter à des tables où l’on en a donné, et de tout rendre bon compte à son Maître ou à sa Maitresse. Il doit encore s’appliquer à bien mesurer le vin lorsqu’il est au comptoir, et avoir soin qu’il y en ait toujours suivant les prix que l’on y en débite ordinairement. Il doit aussi desservir ou faire desservir promptement, et bien faire nettoyer les tables par les servantes ou les autres garçons, sitôt que les compagnies en sont sorties, leur bien faire ranger les chambres, bien nettoyer et laver les baquets à pisser, balayer l’escalier, la cour, la boutique, le devant de la porte et autres endroits dépendants de la maison afin que les buveurs y étant proprement installés, cela les attire à revenir une autre fois. Voilà à peu prés le devoir d’un bon Garçon de Cabaret. Quant au reste, il faut qu’il soit sage, fidele et point ivrogne, s’il y a moyen. Que les jours où l’on ne donne point à boire et qu’il a le temps de s’aller promener, qu’il ne fasse point comme beaucoup d’autres garçons qui ont des chambres en ville où ils font leurs rendez-vous, et où ils portent toujours nombre de bouteilles du meilleur vin du Maître, car c’est un commerce qui ne se peut souffrir, et auquel il ne doit point condescendre, puisqu’autant lui en peut arriver quand il pourra parvenir à la maitrise et avoir un cabaret et des garçons à lui.

Ben, vous voyez ma chère Mona, cette lecture m’a donné soif. Auriez-vous l’extrême obligeance de sortir deux verres. Goûtons donc ce Château Calon-Ségur 2007. Ce Saint-Estèphe appartint aux Ségur. Le Marquis était tellement attaché à cette propriété qu’il aimait dire: « Je fais mon vin à Lafite et Latour, mais mon cœur est à Calon ». Sur la bouteille, un cœur enveloppe le château… Un vin bien équilibré bien qu’un peu austère.


[1] Également appelé sommelier, l’office étant aussi la sommellerie (Dictionnaire de l’Académie française de 1694)
[2] Ancêtre des glaces

L’habit rouge hérité

Mazarin et Anne d'Autriche

Depuis quelques temps, circule sur le net, un extrait d’une conversation entre Colbert et Mazarin :

Colbert : Pour trouver de l’argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus. J’aimerais que Monsieur le Surintendant m’explique comment on s’y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu’au cou…
Mazarin : Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu’on est couvert de dettes, on va en prison. Mais l’Etat… L’Etat, lui, c’est différent. On ne peut pas jeter l’Etat en prison. Alors, il continue, il creuse la dette ! Tous les Etats font ça.
Colbert : Ah oui ? Vous croyez ? Cependant, il nous faut de l’argent. Et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables ?
Mazarin : On en crée d’autres.
Colbert : Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà.
Mazarin : Oui, c’est impossible.
Colbert : Alors, les riches ?
Mazarin : Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres.
Colbert : Alors, comment fait-on ?
Mazarin : Colbert, tu raisonnes comme un fromage (comme un pot de chambre sous le derrière d’un malade) ! Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres, ni riches… Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres ! C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C’est un réservoir inépuisable.

Il est vrai que ces mots pourraient être mis dans la bouche de notre Ministre des Finances actuel.
Et d’ailleurs, généralement, les commentaires qui accompagnent ce texte sont : « décidément, nos gouvernants n’ont pas changé » ; ou bien : « c’était, il y a 400 ans !! ».

Certes, certes ! Mais je me dois de vous rappeler que ce dialogue est tiré d’une pièce, Le Diable Rouge, qui a été créée en 2009 écrite par un auteur contemporain Antoine Rault qui ne cherche pas à faire œuvre d’histoire. Le metteur en scène, Christophe Lindon disait :
C’est davantage un spectacle sur le pouvoir que sur le XVIIème siècle, avec un fond politique.

Mona toujours envie de vérité pour vous…