Taupe modèle

Le 13 février 1917, à l’Hôtel-Palace, au 103[1] avenue des Champs-Elysées, un capitaine rentre dans la chambre 113. La locataire sort nue de la salle de bain. Elle passe un peignoir et est arrêtée. Elle s’appelle Gertrude Zelle, elle a 41 ans.

Le 15 octobre de la même année, à 6h15, elle est passée par les armes au fort de Vincennes après un procès expéditif. Le commissaire du gouvernement déclarera plusieurs années après le procès : « il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. »

Et pourtant cette femme avait connu une gloire à Paris comme « danseuse indienne ».

Mata Hai, danseuse orientale

Née au Pays-Bas en 1876, Gertrude, orpheline et ruinée, se marie jeune avec un militaire plus âgé et part pour Java. Elle est prise de passion pour la danse indienne et y trouve un nom : Mata Hari[2]. De retour en Hollande, elle divorce. A 26 ans, elle se rend à Paris et devient « Lady Mac Leod[3]« , danseuse de charme. De salons privés en salons privés, sous son pseudonyme javanais de « Mata Hari », elle se fait inviter par Monsieur Guimet[4], possesseur d’une salle de spectacle privée. Sa représentation le soir du 13 mai 1905 en princesse indienne totalement nue marque le début de sa vie mondaine. Sans porte de jugement sur ses qualités de danseuse indienne, on peut simplement dire que c’est comme « stripteaseuse orientale qu’elle sera reconnue.

Colette, à la suite d’un de ses spectacles écrit : « Elle ne dansait guère mais elle savait se dévêtir progressivement et mouvoir un long corps bistre, mince et fier. »

C’est le succès et Mata Hari se produit à Madrid, Monte Carlo, Berlin, La Haye, Vienne et même Le Caire…
Sa carrière s’essouffle. Qu’à cela ne tienne. Elle collectionne les amants pas toujours jeunes et beaux mais toujours riches et influents. On en dénombre plus de 150…


Lors de la déclaration de guerre, Margaretha (son autre prénom) Zelle vit à Berlin auprès d’un ancien galant, Alfred Kiepert. De retour à Paris, elle continue à vivre de ses charmes. Au début de l’année 1916, lors d’un voyage en Allemagne, Mata Hari, endettée par son train de vie, est contactée par Herr Cramer, consul allemand à La Haye. Celui-ci lui propose de régler ses dettes et d’avantage en échange de renseignements sur la France. Elle devient ainsi l’agent H 21.

Mata Hari était-elle coupable ? On le saura peut-être en 2017 à l’ouverture des archives. Même, Le commissaire du gouvernement en fonction lors du procès,déclarera plusieurs années après : « il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. »
Mais de toute façon, l’opinion, lasse de la guerre, réclamait des coupables.
Au matin du 15 octobre 1917, Mata Hari refuse qu’on lui bande les yeux. Elle lance un baiser aux soldats. En retour, onze balles et le coup de grâce calment la vindicte populaire Son corps, non réclamé, est mis à la disposition de l’institut médico-légal.

Bon, ben, c’est pas gai aujourd’hui. Bon Mona, il ne reste pas de trace de la danseuse. Faisons revivre sa mémoire quelques instants en buvant un vin allemand Schloss Johannisberg Riesling Rosalack Auslese 2003 : un Riesling, sec, racé, délicatement fruité, avec un bouquet d´une grande finesse.


[1] C’est actuellement le siège d’une banque anglaise

[2] Œil du jour (nom du Soleil en Indonésie)

[3] C’était son nom de mariage

[4] Émile Guimet (1836 -1918) : industriel et collectionneur d’objets d’art. Ses collections asiatiques ont donné naissance au musée national des Arts asiatiques Guimet.