Sa copine lorgne la quête de Guignolet

Retour de pèlerinage

Un grand merci à Jessie Malauku. Son courrier est fort intéressant car il nous donne des éléments sur la vie de Saint Guignolet (ou Guénolé). Il vécut en Bretagne et devint moine et même abbé de son monastère en vivant saintement. Jessie se demande, avec raison, comment cet homme qui fut un modèle de modestie et de chasteté fut reconnu et prié comme le Priape chrétien.

Jessie nous révèle également qu’une statue en bois du saint se trouvait à Montreuil. Elle était encore plus indécente qu’en pays breton. Le saint y était nu, allongé et exposant un membre énorme à la vue des invocatrices. Elles raclaient la partie extrême de l’engin pour en faire des tisanes et décoctions leur assurant une descendance. Pour pallier aux retraits opérés par ces pèlerines, l’artiste avait prévu une forte rallonge dans le piédestal et il suffisait au sacristain de tirer sur la zigounette pour qu’elle retrouve sa longueur initiale.

Enfin Jessie nous adresse un extrait d’un ouvrage de Jean Cambry qui se rendit, comme Jean-Baptiste Harmand, à Brest au moment de la Révolution. Et il confirme le culte rendu à Saint Guignolet :

C’est au fond de cette rivière qu’existaient le fameux Saint-Guignolet et cette cheville éternelle si favorable à la fécondité. Puisque la religion catholique a fait des saints de tous les dieux du paganisme, Priape pouvait-il être oublié? Le bois de cette cheville ripée était avalé par les femmes infécondes; elles concevaient au bout de quelques temps. Les médians prétendaient que des moines voisins aidaient beaucoup à ce miracle ; je n’en crois rien : on devrait être las de calomnier ces bons pères. 

Mona pas bu de tisane.

Mona, trop de bile vous empâte !

Jean-Baptiste Harmand (1751-1816) était avocat à Bar le Duc lorsque la Révolution éclata. Il fut élu député à la convention nationale et connu sous le nom de Harmand de la Meuse.
Au lendemain de la chute de Robespierre, il fut nommé membre du comité de sûreté générale. Refusant plus tard des postes d’ambassadeur, il perdit tout revenu et finit sa vie dans une grande misère. Il laissa un ouvrage qui présente de nombreux personnages de la Révolution. J’en ai extrait un passage surprenant. Désigné commissaire de la convention aux grandes Indes, il se rendit à Brest pour préparer un voyage qui n’aura jamais lieu. Il y découvrit le culte étrange rendu à un saint local répondant au joli nom de Guignolet (çà ne s’invente pas).

Mona au pied de Saint Guignolet. Tiens, tiens !

Je ne veux pas sortir de Brest sans faire part encore d’une autre anecdote assez singulière. Il s’agit d’un Saint ; mon intention n’est pas de scandaliser les uns, ni de fournir aux autres des réflexions impies : il fallait donc vous taire, me dira-t-on peut-être ; pourquoi parler d’un Saint qui est l’objet d’un culte public ?
Eh bien ! J’aurai le courage de le dire : le culte de ce Saint est un outrage à l’honnêteté publique, à la décence et à la pureté évangélique; il n’est donc pas de la religion; c’est une superstition monstrueuse.
Au fond du port de Brest, au-delà des fortifications, en remontant la rivière, il existait une chapelle, auprès d’une fontaine et d’un petit bois qui couvre la colline, et dans cette chapelle était une statue en pierre, honoré du nom de Saint.
Si la décence permettait de décrire Priape, avec ses indécents attributs, je peindrais cette statue.
Lorsque je l’ai vue, la chapelle était à moitié démolie et découverte, la statue en dehors étendue par terre et sans être brisée, de sorte qu’elle existait en entier et même avec des réparations modernes, qui me la firent paraître encore plus scandaleuse.
Les femmes stériles ou qui craignaient de l’être, allaient à cette statue, et, après avoir gratté ou raclé ce que je n’ose nommer, et bu cette poudre infusée dans un verre d’eau de la fontaine, ces femmes s’en retournaient avec l’espoir de devenir fertiles.

Ma Chère Mona, n’ajoutez rien dans votre verre. Le vin se suffit à lui-même. Je vous propose un grand vin mosellan : Riesling 2010 du Domaine Prüm cuvée Zeltinger Sonnenuhr. Ce Spatlese est un modèle. Peu d’alcool, une jolie fraicheur, des notes de mandarine, une longueur… Inutile de gratter la pierre, Mona.