C’est la fête à Montcuq

Voilà une initiative originale que nous avons décidée de soutenir. Une commune du Lot rendue célèbre par le Petit Rapporteur organise un festival destiné au jeune public. Vous constaterez que le programme est à la fois varié, riche et à portée de toutes les bourses (??). Alors les 10 et 11 septembre, amenez vos enfants faire le tour de Montcuq. Et quelque soit le lieu où vous habitez, rappelez-vous que l’on est jamais loin du centre de Montcuq.

Montcuq, spécialement nettoyé pour l’occasion, vous accueillera chaleureusement. Ne laissez pas passer cette chance unique de voir Montcuq.

Parmi les animations, j’ai retenu « De Cape et d’Epée (et non des pets) à la sortie de Montcuq » qui est une initiation à l’escrime.

Bon Mona, vous avez passé l’âge pour apprécier ce festival, mais je suis sûr que vous avez envie de goûter une spécialité locale : un Cahors du Château Lamartine. Ce 2008 est gourmand et plein de fruits.

Le déjeuner de Sousceyrac

sousceyracUn grand merci à mon patron, de m’avoir forcée à lire ce roman. J’ai adoré :
Durant leurs vacances, Jean et Philippe, amis d’enfance, arrivent à Sousceyrac (Lot). C’est de là que la famille de Philippe est originaire. Ayant perdu ses parents, il souhaite voir où vit une veille tante spoliée par sa famille. Jean qui commence à avoir faim craint que la halte au seul restaurant du village ne lui assure pas un bon repas.
Ayant appris que sa tante est décédée riche à millions, Philippe, cachant son identité, reste sur place et enquête…

Le roman « policier » de Pierre Benoît est plein d’humour. L’écriture est belle et riche. Les rebonds vous garderont en haleine et il est bien difficile de s’arrêter. Comme mon patron, je l’ai lu d’un trait. Et puis, il y a ce déjeuner rabelaisien dont je vous livre le menu[1] :

« Philippe et Jean s’installèrent près de la fenêtre, devant la table où leurs couverts étaient mis.
– Qu’allez-vous nous donner, chère Madame? demanda Jean.
– Du poulet, puisque vous en désirez, Messieurs, répondit Mme Prunet. Mais comme il n’est pas tout à fait à point, j’ai pensé vous faire goûter d’abord autre chose.
Il s’agissait d’un foie de canard et d’un saladier d’écrevisses, qu’elle disposa devant eux.
– Ce n’est pas très varié, comme hors-d’œuvre, poursuivit-elle. Si vous désirez des sardines à l’huile, je peux envoyer la petite en chercher une boite à l’épicerie, qui n’est pas loin.
– Pour Dieu, gardez-vous en, ma chère dame. C’est très bien ainsi, s’écria Jean.
Tandis que Mme Prunet se retirait, il donna un coup de coude à Philippe.
– Eh ! mais, dis donc, les choses n’ont pas l’air de trop mal s’arranger.
– Pourquoi veux-tu nécessairement être tombé dans Un guet-apens ? répliqua Philippe avec aplomb.
Il y avait seulement dix minutes, il n’était point aussi rassuré. Ce fut ce que Jean faillit lui répondre. Mais il sentit que Philippe était encore vexé de sa mésaventure de tout à l’heure, et il fut assez magnanime pour ne pas insister.
– Voyons ces écrevisses. Elles ne sont pas très grosses, mais le court-bouillon qui les baigne m’a l’air d’avoir été composé selon les véritables règles de l’art. Echalote, thym, laurier. Parfait ! Rien ne manque.
– Quant au foie gras, dit Philippe, il est tout simplement merveilleux. Je te conseille de le comparer avec les purées qu’on nous sert à Paris.
– Décidément, dit Jean, tu as eu une riche idée en nous faisant passer par Sousceyrac.
En tout cas, que mes éloges ne t’empêchent pas de nous verser à boire.
Il y avait sur la table deux sortes de vins, l’un blanc, l’autre rouge. Jean goûta à l’un et à l’autre. Le blanc était léger, avec un arrière goût de résine qui n’était pas désagréable. Quant au rouge, il était un peu épais, un peu violacé, mais si plein d’honnêteté et de fraîcheur !
– Maintenant, le poulet peut être brûlé, j’ai moins peur. Avec ce vin, ce foie gras, ces écrevisses, nous verrons toujours venir. Allons, redonne-nous à boire, et quitte cette mine de catastrophe.
Il rit. Philippe consentit à sourire. Le saladier, énorme pourtant, était déjà à moitié vide. Du foie, il ne restait qu’une mince tranche, que Jean s’adjugea. Quant aux bouteilles, elles ne risquaient plus, en se renversant, de causer à la nappe le moindre dommage.
– Excellente entrée en matière, Madame, dit Jean à l’hôtesse. Sans mentir, si le plat de résistance est de la même lignée que les hors-d’œuvre … Mais, qu’est-ce que vous nous apportez-là ?
– Des truites du pays, monsieur, répondit elle avec son air perpétuel de s’excuser. Mon petit neveu les a pêchées cette nuit. Je les avais promises à quelqu’un des environs. Mais tant pis! J’aime autant que vous en profitiez.
– Inspiration du ciel, ma bonne dame. Regarde-moi ça, Philippe. Sont-elles gracieuses, les mignonnes! Qu’en penses-tu ?
Philippe haussa les épaules.
– Je te l’avais bien dit, fit-il, quand Mme Prunet eut regagné sa cuisine. Pourquoi n’aurions-nous pas été admirablement ici !
– Ouais! dit Jean. Enfin ne rouvrons pas les vieilles querelles. Repasse-moi le plat. Hé! Là ; hé! là, laisse-m’en.
Le vin blanc, qui me paraissait un peu faible sur les écrevisses, s’harmonise fort bien avec les truites, dit Philippe.
Verre en main, ils se regardèrent en souriant, légèrement renversés contre le dossier de leurs chaises.
– Sommes-nous donc déjà parvenus à l’âge où les plaisirs de la table constituent le meilleur de la vie ? murmura Jean.
– Il n’y a, hélas pas de doute, dit Philippe. Cette vie, notre vie, elle se présente dès maintenant sous l’aspect d’une ligne de chemin de fer bien droite, bien sage, une ligne à travers la Beauce. Je ne vois guère d’événements susceptibles d’y apporter de l’imprévu. Parmi la douzaine de députés ou de sénateurs que nous connaissons, il en est peut-être qui deviendront ministres, nous prendront comme chefs de cabinet. A part cela …
– Eh bien, que veux-tu? C’est mieux ainsi. Résignons-nous.
Au dehors, un peu de brise était née, une brise qui n’était pas encore le vent d’hiver, mais qui le faisait pressentir. Elle ondulait avec douceur dans les vastes frondaisons rousses du foirail.
Mme Prunet entra, nantie d’un plat de cèpes farcis. Les deux amis lui firent une ovation.roast-chicken
– A boire, à boire! cria Jean.
– Tu voudras bien constater, dit Philippe solennellement, que les champignons que voici n’ont aucun rapport avec les misérables morceaux de pneumatiques huileux qu’on débite partout sous le nom de cèpes à la bordelaise. Tu es rassuré, j’espère, à présent?
– Si je le suis ! C’est-à-dire que je suis au comble de l’amertume de n’avoir découvert Sousceyrac que le dernier jour de mes vacances, à la veille de notre séparation. Ça m’embête bien de le quitter, mon petit Philippe, tu sais.
– Reste avec moi. Les braves gens de Vierzon chez qui je vais seront ravis. Je leur ai si souvent parlé de toi.
– Tu n’es pas fou? Et le ministère ?
– Deux jours, trois jours, de plus, qu’est-ce que c’est que cela ? Personne n’en mourra.
– Impossible, te dis-je. Mon bureau n’est pas comme le tien. On y travaille. J’ai la liste des bourses de médecine et de pharmacie à revoir. Ces sacrés doyens nous envoient toujours leurs propositions in extremis. Et les bourses des instituts électrotechniques Et le nouveau décret sur les équivalences Non,vois-tu, après-demain, sans faute, je dois être rue de Grenelle. Aujourd’hui, c’est mon chant du cygne.
– En fait de cygne, regarde. Voilà qui me fait l’effet d’un assez joli canard en salmis.
Jean leva les bras au ciel.
– Imbécile. Imbécile ou ivrogne. Il est indigne d’être originaire d’un tel pays. Il prend pour un salmis de canard un civet de lièvre. Et quel civet!  Mes compliments, madame. C’est onctueux, c’est noir, c’est magnifique. Nous vous avons sottement défiée. Vous avez relevé le défi. Croyez que nous ne vous en gardons nulle rancune. Mais sapristi, il fallait prévenir.  C’est que je commence à être à bout de souffle. Allons-y, pourtant. Sainte Vierge, je n’ai jamais rien mangé de pareil !
– Vous êtes trop indulgent, monsieur, dit Mme Prunet. Moi, je ne suis pas très satisfaite de ce lièvre. Il avait perdu beaucoup de sang. Le paillet sera, je crois, mieux réussi.
– Le poulet ?
– Ne m’avez-vous pas réclamé du poulet ? Excusez-moi, il ne faut pas que je le perde de vue. Un coup de feu est si vite attrapé.
– Cette brave dame a juré notre mort, dit Philippe, dont le parti pris de ne s’étonner de rien commençait à faiblir. »

Votre Mona famée


[1] Page 39 à 45 – Le Déjeuner de Sousceyrac chez Albin Michel 1931