Un pot et taxes

C’était, il y a une semaine… défilé, feux d’artifices, bals populaires. Les Français ont fêté leur Fête Nationale.

Dans nos manuels d’histoire, on nous a toujours appris que la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, était due à un mouvement lié au manque de pain. La Reine Marie-Antoinette aurait lâché sa fameuse boutade : « s’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche… ». Et si en fait la Révolution avait trouvé son origine dans le prix du vin.

L’octroi était une contribution prélevée dans des pavillons dédiés à cette taxe placés à l’entrée des villes. L’impôt portait sur nombre de produits de base tel que l’huile, le sucre, le vin.

En 1784, pour financer les hôpitaux et le déficit du royaume (déjà !), la monarchie fait construire une vaste enceinte d’octroi autour de Paris. Nombre de mastroquets, de guinguettes sont pris dans la nasse…Ils doivent disparaître ou déménager plus loin ; pour s’arsouiller à peu de frais, le parisien devra faire un très long chemin. Le mécontentement s’installe : «le mur murant Paris rend Paris murmurant » selon le dicton prêté à Beaumarchais.

En 1788, on suspend temporairement les travaux. Las ! Vignerons de banlieue, débitants, tenanciers et consommateurs se liguent contre les barrières honnies… On s’organise. Depuis la zone franche, le vin est transvasé dans des outres puis, du haut d’échafaudages, expédié par dessus le mur. Le procédé, fort peu discret, est à haut risque. De plus industrieux percent des trous dans la paroi, installent de véritables « vinoducs » (plus de 70) et font fortune.

Juillet 89, taverniers et tenanciers conduisent l’insurrection de la populace ; le 11 quelques barrières sont incendiées; le 12 et le13 c’est l’attaque : des charrois de futailles pleines entrent dans Paris !

Une fois la Bastille prise, les insurgés proclament « enfin, nous allons boire le vin à trois sous, il y a trop longtemps que nous le payons douze sous ».

L’octroi sera rétabli en 1798 et ne disparaitra complètement qu’un 1943. De nos jours, c’est la TVA qui est appliquée sur tous les produits, mais, le percepteur est le marchand. Plus discret et moins de risque de voir le peuple se lever contre cet impôt…!

Mona, pas besoin de vinoducs. Si vous voulez bien amener deux verres, je vous propose un vin de Cour-Cheverny. Cette minuscule appellation produit des vins à base du cépage Romorantin. Ce vin blanc du Domaine des Huards 2004 est frais, miellé et plein de fruits blancs. Un délice.

Marlbrough s’en va-t-en guerre

Colette Renard, sur le disque « Les Chansons Gaillardes » en a interprété une version à ne pas mettre entre toutes les oreilles.

duke-marlboroughMais c’est surtout comme chanson enfantine que chacun de nous connaît le départ en guerre de Malbrough.

Et qui était donc ce Malbrough ? :

Lord Churchill, duc de Marlborough (1650 – 1722), ancêtre de Winston Leonard Spencer Churchill.

Capitaine général des armées britanniques, il se distingua dans une guerre contre les Pays Bas (de 1672 à 1673) sous les ordres du duc d’York, futur Jacques II roi d’Angleterre. Il remporta de nombreuses victoires contre les Français, et notamment, lors d’une bataille dans une petite ville de Bavière, Blenheim. En 1709, il combattit à nouveau contre les armées de France à Malplaquet, sous le règne de Louis XIV. C’est lors de cette bataille que les Français écrivirent la chanson « Malbrough s’en va t’en guerre »pour se moquer du général qu’ils croyaient mort sur ce champ de bataille. Il mourut en fait, dans son lit, en 1722 d’une crise d’apoplexie.

La chanson fut vite oubliée puis remise au goût du jour par Marie-Antoinette qui l’entendait chantée par la nourrice du Dauphin. Et là, gros succès. Elle est reprise par toutes les classes sociales. On dit que Napoléon fredonnait cette chanson avant de partir en campagne.

En 1780, apparaît, dans un livre de cuisine, une nouvelle recette :

Prenez du bœuf cuit dans la marmite et si vous en avez de la veille, il sera aussi bon; coupez le en tranches fort minces, prenez le plat que vous devez servir. Mettez dessus dessous deux cuillères de coulis. Un mélange haché très fin d’ail, persil, ciboule, câpres, anchois; couvrez votre plat, une demi-heure, servi très réduit, à courte sauce (Menon, Cuisinière Bourgeoise 1797).

De chanson de soldat, puis de nourrice, elle finit en cuisine. Le boeuf bouilli prend son nom du fameux « Mironton, tonton, mirontaine« .

En cuisinant, je vous conseille de chanter :

« Malbrough s’en va-t-en guerre, Mironton, tonton, mirontaine ; Malbrough s’en va-t-en guerre, Ne sait quand reviendra… (ter) « 

Çà délasse… et çà donne de l’entrain

Quant à vous ma p’tite Mona, si vous voulez vous délasser en ma compagnie, je vous invite à boire ce verre de Mas Amiel Vintage 2007. Que de la douceur !

C’est mon Jules

Quel lien entre « avoir un Jules » et Marie-Antoinette ?

C’est connu, la jeune Reine a beaucoup de mal avec l’étiquette versaillaise. Madame de Polignac lui est présentée en 1775. Jeune, élégante et gaie, Yolande plaît immédiatement à Marie-Antoinette. Elle apprécie sa légèreté et son insouciance.

polignacyolandePar une belle journée du printemps 1775, dans les jardins de Versailles, Yolande rieuse et charmante au milieu d’un groupe de jeunes gens s’adonne au jeu de barre, quand le destin mène la Reine en ces lieux. S’il faut en croire la comtesse de La Tour-Landorthe, Marie-Antoinette, après avoir d’abord observé le groupe à l’écart, s’approche de Yolande. « Frappée par cette figure angélique, par sa grâce et son air de simplicité, la Reine s’informe de son nom. Alors elle lui parle pour lui reprocher de se montrer rarement à Versailles, en l’engageant à y venir plus souvent, qu’elle la verrait avec plaisir. » Yolande répond sans ambages que son bonheur serait de voir chaque jour sa souveraine, mais la fortune de sa famille ne le lui permet pas. La simplicité de la comtesse séduit la Reine et lui paraît une franchise piquante. Plusieurs fois déjà, Marie-Antoinette a cru trouver l’amitié à laquelle elle aspire tellement. La princesse de Lamballe surtout, dont toute la Cour connaît les malheurs, avait su toucher son cœur compatissant. Mais le lien se distend déjà, sans incident ni rupture, et l’amitié de la Reine pour Mme de Lamballe tiédit un peu plus chaque jour.

Extrait de : Madame de Polignac et Marie-Antoinette par Nathalie Colas des Francs

Elles sont vite inséparables et Yolande devient duchesse et obtient la charge très enviée de Gouvernante des Enfants de France.

C’en est trop. Critiques, ragots pleuvent sur les deux femmes. On leur prêta des relations qui dépassent largement le cadre de la simple amitié. On qualifie Madame de Polignac de « Jules de la Reine ». En effet, elle était la femme du Comte « Jules » de Polignac.

Dès les premiers jours de la Révolution de 1789, la tête de la duchesse est mise à prix. Et pourtant, elle mourra, dans son lit, âgée de 44 ans, à Vienne le 9 décembre 1793 (Marie-Antoinette avait été guillotinée le 16 octobre de la même année). Sur sa tombe, on grava cette épitaphe : « Morte de douleur ». Quant à la Princesse de Lamballe, elle sera massacrée en septembre 1792. « Un sabre s’abat sur son cou. Elle est percée de plusieurs coups de piques. On la dévêt entièrement. Elle reste ainsi deux heures, étalée nue au coin d’une borne, à la risée lubrique de la foule. Un peu plus tard, on lui coupe la tête, on lui arrache le cœur. »

De tout cela, il reste cette expression « avoir un jules », c’est à dire avoir un amoureux…

Mona pas de jules, et vous ?

Parfum révolutionnaire

Marie-Antoinette par Mme Vigée-Lebrun
Marie-Antoinette par Mme Vigée-Lebrun

Jean-Louis Fargeon, descendant d’une lignée de parfumeurs fut le parfumeur attitré de la Reine Marie-Antoinette. Durant la révolution, il fut arrêté et jugé. Il fut un des rares, en pleine terreur, à sauver sa tête. C’était le 9 thermidor (jour de l’arrestation de Robespierre). Dans sa geôle, la veille de sa parution devant le tribunal révolutionnaire, il écrit un joli texte pour préparer sa défense. J’en ai extrait ces lignes :

« On m’accuse d’avoir servi les ci-devant nobles. J’ai fabriqué des parfums à leur usage, mais ils possédaient les goûts et les moyens qui faisaient d’eux ma clientèle naturelle. J’ai souffert de leur légèreté et de leur négligence à payer leurs dettes, qui m’ont conduit à la banqueroute. J’ai eu le plus grand mal à rétablir mes affaires. ..

Je suis un homme de science, adepte du progrès comme le fut mon père. Mes expériences, connaissances et inventions ont porté sur l’art subtil du parfum. … J’ai cherché et trouvé dans la nature ce qui pouvait, dans mes compositions, susciter les mouvements de l’âme et ressusciter des souvenirs enfouis. Qu’exige-t-on aujourd’hui de mon art ? Devais-je, pour prouver mon patriotisme, composer un parfum à partir de l’odeur du sang qui flotte autour de la guillotine?

Ah, que je cesse enfin de respirer la fétide senteur de ma cellule qui m’emprisonne plus étroitement encore que ses barreaux ! Tandis que je me morfonds dans cette misère, il arrive que, soudain, le doux parfum des jours enfuis me transporte dans les jardins et les salons d’un monde où fleurissait, rose parmi les lys, feu la reine de France. Oui, je l’avoue, je suis fier d’avoir su exalter en elle la femme, sans avoir été pour autant un esclave de la souveraine.

Quand surgit ce parfum du passé ma vie tout entière s’ordonne comme j’ordonnais mes compositions odorantes.

L’accord se plaque d’abord sur le mode majeur, avant de laisser échapper les notes de tête qui jaillissent, folles, vives, impatientes comme la Jeunesse. Les notes de cœur palpitent ensuite, douces, accomplies et vibrantes comme la pleine réalisation d’une personnalité Enfin, lourdes, persistantes et tenaces, résonnent les notes de fond, présentes dès la première envolée. Tel fut mon art et telle fut ma vie. Je saurai demain si elle doit m’être ôtée.»

C’est beau !
Je vous « adior »
Votre Mona

Jean-Louis Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette
de Elisabeth de Feydeau – Editions Perrin 2005