Bain dites donc

Actuellement, chacun peut prendre sa douche journellement. Mais ce luxe est récent. Et durant plusieurs siècles, le bain était réservé à quelques uns. Par contre, il était de bon ton de recevoir ses amis pendant son bain. A partir du XVII° siècle, la pudeur fit prendre certaines précautions avant de les laisser entrer. On versait une pinte de lait pour troubler l’eau et cacher ce qui ne devait être vu. Mais si on ne se montrait pas nu devant ses invités, on ne faisait pas attention avec ses gens.  Ainsi Sébastien Longchamp qui fut valet dans de grandes maisons a écrit dans ses mémoires que :

Les grandes dames ne regardaient leurs laquais que comme des automates. Je suis convaincu que ma maîtresse dans son bain, en m’ordonnant de la servir, ne voyait pas même en cela une ombre d’indécence, et que mon individu n’était alors à ses yeux ni plus ni moins que la bouilloire que j’avais à la main.

Longchamp fait référence à ses débuts chez Madame du Chatelet, la sublime Emilie, mathématicienne et physicienne et surtout connue comme la maîtresse de Voltaire. Laissons le jeune homme nous partager son émoi :

Cependant quelques jours après, au moment où elle était dans son bain, elle sonna ; je m’empressai d’accourir dans sa chambre, ma sœur, occupée ailleurs, ne s’y trouvait point alors. Madame du Châtelet me dit de prendre une bouilloire qui était devant le feu, et de lui verser de l’eau dans son bain, parce qu’il se refroidissait.
En m’approchant, je vis qu’elle était nue, et qu’on n’avait point mis d’essence dans le bain, car l’eau en était parfaitement claire et limpide.
Madame écartait les jambes, afin que je versasse plus commodément et sans lui faire mal l’eau bouillante que j’apportais. En commençant cette besogne, ma vue tomba sur ce que je ne cherchais pas à voir ; honteux et détournant la tête autant qu’il m’était possible, ma main vacillait et versait l’eau au hasard : Prenez donc garde, me dit-elle brusquement, d’une voix forte, vous allez me brûler. Force me fut d’avoir l’œil à mon ouvrage, et de l’y tenir, malgré moi, plus longtemps que je ne voulais. Je n’étais pas encore familiarisé avec une telle aisance de la part des maîtresses que je servais.

Mona, quand vous sortirez de votre bain, si vous voulez sortir deux verres. Je vous propose le Bourgogne rouge 2007 de Frédéric Magnien. Un style moderne mais un vin fort plaisant. En renverser une pinte dans votre baignoire serait du gâchis !