Le maire n’aura pas Savoie

Souvent le matin, j’aime regarder la chaîne Histoire. J’y ai vu un beau reportage sur l’ « affaire des frères Rattaire ».
En 1914, Adolphe Rattaire, instituteur et secrétaire de mairie, patriote et catholique du Moutaret voit partir avec fierté ses trois fils pour le front. Claude Rosset-Fassioz, maire socialiste, lui est imprégné des idées pacifistes de Jaurès. Aussi, il fait jouer ses relations pour que son fils ne parte pas… Ces deux hommes ne s’apprécient pas : tout les oppose. Rattaire est « intellectuel », savoyard alors que Rosset-Fassioz est Isérois et agriculteur.

La loi prévoit que c’est le premier magistrat qui doit prévenir les familles qu’un de leurs enfants est mort au combat. D’octobre 1914 à octobre 1915, Rosset-Fassioz viendra trois fois chez les Rattaire annoncer la triste nouvelle tant redoutée. C’est un père ravagé par la douleur qui lance au maire : « C’est notre troisième fils que cette guerre nous prend. Et le vôtre ? Il est toujours bien caché dans les champs ? Vous dites que vous êtes pacifiste, vous êtes un trouillard, oui ! ».

1919, Rosset-Fassioz est réélu. L’heure des règlements de compte. Dès 1920, le secrétaire de Mairie est accusé par le maire d’avoir volé des livres de la bibliothèque et il est muté. Le devoir de mémoire s’organise et chaque commune reçoit une aide de l’Etat pour ériger des monuments aux morts.

Les textes administratifs prévoient que c’est la maire qui établira la liste de ceux dont le nom sera gravé sur la pierre. Jouant sur l’ambigüité des textes, Rosset-Fassioz ne retient pas le nom des trois frères en retenant qu’ils ne sont pas nés au village. Malgré de nombreuses démarches, leur nom ne sera pas inscrit.

Il faudra attendre 2008 pour que le maire du Moutaret ajoute une plaque à la mémoire des trois frères.

Mona, je vous propose de boire à la mémoire de tous les morts de ces guerres. J’ai choisi le Chignin-Bergeron 2008 du Domaine Gilles Berlioz, cuvée les Filles C’est un vin de caractère, encore serré, vif mais plein d’avenir.

Pour en savoir plus, un extrait d’une autre émission qui relate cette histoire de guerre en pays de Clochemerle.

2 pensées sur “Le maire n’aura pas Savoie”

  1. « L’affaire Rattaire » est plus compliquée qu’elle n’y parait. La loi du 25 octobre 1919 prévoyait un « livre d’or » par commune, livre d’or bientôt remplacé par un monument. Les critères généraux de l’inscription étaient double : – être né sur le territoire de la commune.
    – ou y être domicilié quinze ans durant, avant la déclaration de guerre.
    Dans le cas des frères Rattaire les conditions n’étaient donc pas remplies. De plus, si la commune propose une liste au ministère via la préfecture, ce sont ces dernières instances qui restent compétentes pour l’inscription, en dernier ressort.
    Dans le cas précis, les trois frères avaient bien été normalement portés sur le monument au mort d’Aiton (Savoie) – commune d’origine – et sur une plaque de St Vincent de Mercuze (Isère) commune de résidence de leurs parents. Il est évident que cette histoire se résume dès lors à une lamentable affaire de règlements de compte politiques entre un secrétaire-instituteur catho et de droite et un maire de gauche. Que la chaîne Histoire, managée par un conseiller-entrepreneur en sondages de l’Elysée, en fasse, en prime time, un « gros paquet », me semble tout de même largement disproportionné (on oublie alors les milliers d’oubliés absolus comme ceux de Mézidon-Canon !)et sans doute un peu politiquement « manipulé », car on s’attendrait plutôt au cas inverse : un maire de droite occultant un mort pour la France de gauche ou « pacifiste ».
    Mais, droite ou gauche, la conclusion est la même. Cette histoire est réellement lamentable.

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