De mal en pipi

victor_hugoVictor Hugo, à la fin de sa vie, n’avait plus la résistance légendaire qu’on lui connaît. Sortant d’un repas bien arrosé, il rentrait chez lui à pied… pour se dégriser.
A quelques mètres de sa maison, n’y tenant plus, il assouvie un besoin bien naturel appuyé contre un  mur… Un violent coup de pied dans les fesses faillit le renverser. Il en tacha son costume.

Un Titi parisien le sermonna vivement :  » Je vais vous y prendre, moi,… Monsieur, à pisser contre le mur de Mon…sieur Hugo ! « .

On ne sait pas si le grand Victor fut misérable dans cette situation, ni s’il tailla une cosette avec le môme.

Votre Mona pas besoin d’y aller.

Rue des seins paires

seinUne des « industries » du Morvan les plus connues il y a un siècle, était celle des nourrices. En effet les Morvandelles étaient réputées pour leur bonne santé et la qualité de leur lait.

Au milieu du 19ème siècle, certaines familles riches avaient fait la connaissance de jeunes femmes à l’occasion de séjours dans leurs résidences de campagne (même à l’époque, le Morvan n’était pas très loin de Paris). C’est pourquoi elles leur demandaient de venir nourrir et élever leurs nouveaux-nés. Les noms des « bonnes nourrices » se transmettaient ensuite de bouche à oreille. Dans la bonne société il était alors du plus grand chic d’avoir à la maison une nourrice morvandelle pour ses enfants. A la fin du siècle, elles représentaient plus de la moitié des nourrices parisiennes.

Après la naissance de leur propre enfant, les nourrices quittaient le Morvan, parfois avec lui, mais le plus souvent seules, pour venir s’installer dans la famille d’accueil, abandonnant, pour un peu plus d’un an, enfants, mari, famille.

Lorsqu’à la fin de l’allaitement, ou plus tard, si elle restait comme « nourrice sèche », la Morvandelle quittait Paris, c’était souvent le cœur gros mais bourse pleine, si j’ose dire. Cette somme, ainsi gagnée à la sueur du sein,  permettait d’agrandir la maison, qu’on appelait alors « maison de lait« .

Ces femmes ont souvent été raillées car elles abandonnaient mari et enfants pour aller se vendre chez les riches. Et pourtant le Morvan grâce à elles, s’est ouvert au progrès.

Et « pis », cette activité cessa peu de temps après la Première Guerre mondiale.

Mona les tantes

Le plus fort, c’est qu’il est doux

La production de fromage est attestée en Normandie dès le 10ème siècle ; le fromage est alors utilisé comme dîme. A cette époque, l’élevage de vaches, de brebis et de chèvres est extensif et cantonné dans les vastes forêts normandes. La faible surface en herbages, une population nombreuse expliquent les difficultés d’approvisionnement des abbayes et seigneuries. Celles-ci importent alors des fromages à pâte dure et de gros formats d’Angleterre entre Southampton et Barfleur.

petite-pont-leveque03Le Pont-l’Évêque apparaît au 12ème siècle. Ce fromage à pâte molle aurait été créé par des moines cisterciens, installés à l’Ouest de Caen. Il était connu sous le nom d’angelot. En 1225, Guillaume de Lorris, dans le Roman de la rose, écrit : « Les bonnes tables étaient toujours garnies au dessert de fromages angelots ». Ce terme d’angelots (qui par la suite désigna aussi d’autres fromages normands) vient du nom d’une pièce de monnaie. Ce fromage servait alors de moyen d’échange et de rémunération … et d’impôt !

Dès le 15ème siècle, les angelots sont les fromages le plus réputés du royaume. Mais c’est sous le nom d’augelots qu’ils sont appréciés à Paris. Le nom s’inspire du Pays d’Auge d’où vient le Pont-l’Évêque.
En 1622, Hélie le Cordier, écrivain normand, publie un poème en 16 chants en l’honneur du Pont-l’Évêque dont provient la célèbre phrase : « Tout le monde également l’aime car il est fait avec tant d’art que, jeune ou vieux, il n’est que crème ». Le Pont-l’Évêque prend alors des formes variées du fait de la vaisselle de céramique utilisée.

C’est à cette époque, qu’il prend le nom de Pont-l’Évêque (petite ville entre Deauville et Lisieux).

Au 18ème siècle, la notoriété du Pont-l’Évêque dépasse nos frontières. Dès 1722, de Masseville souligne le fait que les fromages provenant de la région de Pont-l’Évêque « sont fort estimez et transportez en divers païs ». Le Pont-l’Évêque devient carré pour se différencier du Livarot.

Sous la Révolution, on supprime en toute occasion les références à la religion. La ville de Pont-l’Évêque n’y échappera pas et deviendra, en 1793 et pour quelques décennies, la ville prendra le nom de « Pont Chalier » (du nom d’un révolutionnaire[i]).
pont11_mAu 19ème siècle, la Normandie voit sa surface herbagère se développer ainsi que son élevage laitier. Le Pont-l’Évêque est alors un fromage fermier fabriqué deux fois par jour. A cette époque, il existe différentes qualités de Pont-l’Évêque en fonction de son taux de matière grasse. La première qualité est élaborée à partir de lait entier, parfois enrichie de crème fleurette. La seconde qualité est fabriquée à partir d’un mélange de lait écrémé, de la veille, et de lait entier, de la traite du matin. La troisième, provenant du lait écrémé de la veille, est moins riche et plus acide. Le Pont-l’Évêque est vendu sur les marchés de Pont-l’Évêque et de Beaumont en Auge. Il s’en vend 600 douzaines en moyenne pendant 6 mois et 200, en hiver.
L’essor des lignes ferroviaires favorise sa commercialisation. Les fromagers bénéficient de la rapidité, de la sécurité et du coût modéré de ce nouveau mode de transport. Les Pont-l’Évêque partent à 18 heures de Lisieux et arrivent à 2 heures du matin en gare des Batignolles. De là, ils approvisionnent les Halles de Paris ou bien repartent par le train vers d’autres villes de province. Seuls les Pont-l’Évêque de première qualité sont commercialisés. Ceci explique l’excellente réputation du Pont-l’Évêque, à cette époque où la matière grasse est rare et chère. Le Pont-l’Évêque est un fromage noble, recherché des restaurateurs, un de ceux dont Brillat Savarin disait :  » un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil « .

C’est avec un Rully blanc, un cidre, un gewurztraminer ou un Muscat que j’aime le manger.


[i] Joseph Chalier, révolutionnaire de la première heure fut le premier à lever une armée contre l’Ancien Régime à Lyon. Grand défenseur des libertés, il fut arrêté et exécuté le 17 juillet 1793.

Un paquet de millets

millet-glaneusesLorsque Madame Pommery devint veuve en 1858, ses concitoyens l’attendaient au tournant… Elle fit aussi bien que son mari, sinon mieux. Elle pénétra avec succès le marché Anglais. Des envieux du microcosme champenois ne tardèrent pas à faire circuler des rumeurs sur la fragilité, les difficultés financières de la Maison. Aux abois, elle aurait été obligée de lésiner, d’économiser sur tout…

Or, à l’époque, le fameux tableau « Les Glaneuses » de Jean-François Millet était à vendre, Il était convoité par un riche collectionneur Américain. La Veuve Pommery lui « coupa l’herbe sous le pied » en achetant le tableau pour la somme de 300.000 Francs or et demanda à ce que la toile soit offerte au musée du Louvre après sa mort. Avec l’Angélus, c’est le tableau le plus populaire de la France Rurale.

Une action d’éclat qui valait tous les démentis.

Votre Mona dorée

On trouve tout à … Cognacq-Jay

samarLa Samaritaine doit son nom à la machine hydraulique, ornée d’un groupe de plomb doré représentant Jésus et la Samaritaine, qui flanqua le Pont-Neuf à la hauteur de la deuxième arche de 1600 à 1813. Ce Grand Magasin, qui a fermé ses portes en 2002, doit son existence à un camelot qui vendait de la bonneterie dans un parapluie là où avait été édifiée ladite machine, et qu’on appelait, en hommage à son bagout, « le Napoléon du déballage ». Agé de trente ans en 1869, Ernest Cognacq, ce Rétais de naissance, avait déjà roulé sa bosse dans toute la France. Il avait été marchand forain, commis de magasin et même boutiquier à son compte à l’enseigne « Au petit bénéfice », si petit en effet qu’il y avait mangé toutes ses économies. Mais deux ans de déballage sur le Pont-Neuf lui ont permis de reconstituer un petit magot de 5.000 francs.
Sans s’éloigner de sa clientèle, il sous-loue à la journée (15 francs) le local dont dispose un cafetier au coin du quai du Louvre et de la rue de la Monnaie. Un an plus tard, à la tête de deux employés et d’un fonds prospère, il se décide à prendre le local à bail et à en faire une vraie boutique, peinte en bleue, à l’enseigne de la Samaritaine.
C’est en 1872 qu’il épousera Louise Jay, première vendeuse au rayon de confection du Bon Marché, qu’il connaissait depuis quatorze ans.
Il a dix mille francs de côté ; elle, le double. Toute leur vie durant, et ils vivront respectivement jusqu’en 1928 et 1925, ils agrandiront l’entreprise au fur et à mesure de leurs disponibilités, sans jamais emprunter un sou à qui que ce soit.

Louise Jay
Louise Jay
Ernest Cognacq
Ernest Cognacq



Étrange couple! Lui, jovial et bon vivant, elle, ostensiblement avare, revêche, impitoyable et se vantant de l’être, ils n’en sont pas moins d’accord sur la politique de la Samaritaine, cette « Samar » à laquelle ils sont constamment rivés, même le dimanche. Elle reproche à son mari de fumer des cigares de dix sous – « comme s’il était Rothschild! » – mais prend son parti de ses achats de tableaux. « J’aime mieux, dit-elle, qu’il fasse la fortune des marchands que celle d’une danseuse. » Cette femme sans enfant, épousée sur le tard, a la vertu ombrageuse d’une vieille demoiselle.
Quand deux employés célibataires sont surpris à flirter, la direction les met en demeure de se marier sans délai, sous peine de renvoi. Ce n’est pas pour rien que la plus célèbre des oeuvres philanthropiques des Cognacq récompense les familles nombreuses. L’ambiance n’a rien de frivole à la « Samar » qui, contrairement au Louvre, au Bon Marché ou au Printemps, ne cherche nullement à se donner des airs de palais. C’est un magasin et rien de plus. Louise et Ernest Cognacq ont fort bien compris que leur cliente-type, fourmi économe et laborieuse comme ils le sont eux-mêmes, aurait l’impression de payer de sa poche toute décoration superflue. Ces ennemis du faste créeront toutefois la « Samaritaine de luxe » sur le boulevard des Capucines et légueront à la Ville de Paris la collection d’art passablement hétéroclite réunie au Musée Cognacq- Jay.

Ce musée est situé au 8 rue Elzévir, dans le quartier du Marais. Vous pourrez y admirer des collections de peintures de Largilliere, Chardin, Rembrandt, Ruisdael, E. Vigée Le Brun, de La Tour ; des dessins de Watteau, Fragonard et des sculptures de Houdon, Clodion et Greuze.

Votre Mona … chat landais

Soir de repas sages

grande_bouffe_hautDurant la Monarchie de Juillet[1], Monsieur de Viel-Castel paria d’expédier en 120 minutes un dîner de 500 francs (ce qui correspondait au revenu annuel d’un manœuvre). Au Café de Paris, à 7 heures précises, on lui servit douze douzaines d’huîtres d’Ostende, si vite avalées, qu’on dût lui en servir autant, arrosant l’ensemble d’une bouteille de Johannisberg (vin blanc du Valais). Mais les huîtres ne comptent pas. Le dîner proprement dit commence avec le potage : des nids d’hirondelles. Ensuite, il dévora, en extra, un bifteck aux pommes de terre. Puis le service reprit avec une belle féra du Lac de Genève qu’il suça jusqu’aux arêtes; un énorme faisan bourré de truffes, un salmis de dix ortolans dont il ne fît que dix bouchées, des asperges et petit pois. En guise de dessert, il se contenta d’un ananas et de fraises. Au cours de ce repas, il but deux bouteilles de Bordeaux, une bouteille de Constance et du Xéres pour le dessert. Après le café, il testa quelques liqueurs. Il paya 518 francs et 50 centimes dépassant à peine son budget et frais comme un gardon, à 9 heures, il s’en alla.

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honore_de_balzac1A la Belle Epoque, les restaurants se multiplient sur les boulevards parisiens. A la table d’un de ces établissement, Balzac, un jour, commence par un cent d’huîtres, avale douze côtelettes de pré-salé du Mont Saint Michel, un caneton sur lit de navets légèrement caramélisés, deux perdreaux rôtis et un chariot de desserts.
On comprend que Balzac ait eu besoin de beaucoup écrire !!

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Le Marquis de Saint Cricq, joyeux vivant excentrique, après un repas copieux et bien arrosé au Café Anglais, fit remplir ses bottes de crème glacée pour se rafraîchir : vanille pour la jambe gauche et fraise pour la droite.

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Le Club des Grands Estomacs, quant à lui, se réunit chaque semaine pour se remplir la panse et sans s’arrêter de six heures du soir au lendemain midi.  Alfred Delvau, journaliste au Figaro, décrit un menu dans ses “Plaisirs de Paris”, livre écrit en 1867 :

“De six heures à minuit, dure le premier acte de ce pantagruélique repas pendant lequel on sert aux membres de ce club : potage à la Crécy, précédé de plusieurs crus : de vin amer, suivi de plusieurs verres de madère, turbot sauce aux câpres, filet de boeuf, gigot braisé, poulardes en caisse, langue de veau au jus, sorbets au marasquin, poulets rôtis, lagrandebouffecrèmes, tourtes et pâtisseries, le tout arrosé de six bouteilles de vieux bourgogne par convive.

De minuit à six heures du matin dure le second acte, pendant lequel on sert : une ou plusieurs tasses de thé, potage à la tortue, cary indien de six poulets, saumon aux ciboules ; côtelettes de chevreuil au piment, filet de sole au coulis de truffes, artichauts au poivre de Java, sorbets au rhum, gélinottes d’Ecosse au whisky, puddings au rhum, pâtisserie anglaise fortement épicée, le tout arrosé de trois bouteilles de bourgogne et de trois bouteilles de bordeaux par tête. Enfin, de six heures du matin à midi, troisième et dernier acte de ce gueuleton monstre : on sert une soupe à l’oignon extrêmement poivrée et une foule de pâtisseries non sucrées, arrosées de quatre bouteilles de champagne pour chaque convive. Puis, on passe au café avec un pousse-café composé d’une bouteille entière de cognac, de kirsch ou de rhum.”

« La Grande Bouffe », quoi…


[1] Régime de monarchie constitutionnelle en France correspondant au règne de Louis-Philippe (1830-1848)

Gens bons de Paris

pate-crouteDans l’Ile de la Cité, à Paris, au début du XV° siècle, un pâtissier-charcutier[1] exerçait ses talents rue des Marmousets. Sa réputation était telle que l’on traversait tout Paris pour venir acheter ses spécialités et notamment ses pâtés de jambons au goût inimitable.Il s’entendait comme larron en foire avec son plus proche voisin, le Sieur Cabard qui tenait échoppe de barbier-perruquier. Les deux commerçants avaient moult clientèle et étaient respectés pour la qualité de leur travail.

Mais en 1415, un chien resta de longues heures devant la boutique du barbier en hurlant. Chassé, il revenait sans cesse. Lassés par ce concert canin et trop bruyant à leur goût, les voisins firent appel à la maréchaussée.

Au moment où les archers allaient attraper le chien, ce dernier plongea dans un soupirail donnant sur la boutique du perruquier. Les hommes armés descendirent dans sa cavbarbierbreton1868e et constatèrent qu’elle communiquait avec celle du charcutier.
Ils
découvrirent, d’ailleurs, ce dernier en plein travail. Il découpait des morceaux de viande … sur neuf cadavres accrochés à des crocs de boucher.
Le chien se figea devant celui qui fut son maître : c’était un jeune étudiant allemand qu’on avait, en effet, vu entrer se faire raser… d’un peu trop prêt, certainement.

On venait de découvrir les secrets de fabrication d’un pâté au jambon qui avait tant régalé les parisiens durant plus de 15 ans. De quoi, être végétarien pour le reste de ses jours !

Votre Mona croche-coeur


[1] Pâtissier : qui fabrique et vend des pâtés de viande, poisson ou fromage ; Charcutier : qui a l’exclusivité des préparations à base de porc à dater de 1475, et de poisson durant le carême.

Un vrai cordon bleu

L’Ordre du Saint-Esprit dont la croix d’or à huit pointes était portée en sautoir suspendue à un cordon bleu fut créée en 1578 par le roi Henri III pour récompenser les chefs catholiques dans leur lutte contre les protestants.

Puis et ce jusqu’à la révolution, ce fut la décoration la plus recherchée par les nobles de la cour.  Le « Cordon Bleu » deviendra, sous Louis XV, synonyme d’excellence dans tous les domaines y compris dans le domaine culinaire.

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cordon bleu à l'américaine

Plus tard, dans les maisons bourgeoises, on préparait des repas dignes de ces cordons bleus. Mais c’est le cordon bleu de leurs cuisinières qui laissa son empreinte dans cette expression.

Quant à l’Ecole « Le Cordon Bleu », fondée il y a plus de 100 ans et présente dans une vingtaine de pays,  elle est le symbole du savoir faire français en matière de restauration et d’hôtellerie.

Pour du beurre

Décidément mon patron est un puits de culture. Avec deux poissons, il arrive à faire un article… Comprenne qui pourra.  Mais qui dit poisson, rappelle « au beurre blanc ».

Avouez que l’enchaînement est exceptionnel pour vous conter l’histoire de ces ouvrages architecturaux qu’on appelle « Tour de beurre ».

A Rouen, jusqu’à la fin du XV° siècle, la façade de la cathédrale ne comportait qu’une tour. La construction de la Tour sud débuta en 1488. Vingt ans plus tard, le futur François Ier « inaugura » cette tour, couronnée de pierre, qui fut vite appelée la Tour de beurre ».

Cathédrale de Rouen
Cathédrale de Rouen

Selon certains, ce nom lui vient de la couleur de la pierre. En effet, la pierre blanche utilisée pour l’ensemble de la cathédrale venant à manquer, il fallut faire venir des pierres d’une autre carrière dont la couleur tirait sur le jaune. Mais cette théorie ne tient pas. En effet, on trouve aussi à Bourges, une « tour de beurre » sans que la couleur de la pierre ne soit jaune.

La raison, moins avouable, certes, est que les habitants pour manger du beurre durant la période de Carême, acceptèrent de payer des indulgences qui servirent à financer l’ouvrage. Tout le monde y trouvait son compte. Construire une cathédrale, coûtait très cher : il fallait donc que les riches mettent la main à la poche. Quant à ces derniers, ils pouvaient passer le carême sans trop de privations..

La "Tour de beurre" de Rouen
La "Tour de beurre" de Rouen

A propos de beurre :

Les Normands et les Bretons sont gros mangeurs de beurre, ce qui hisse la France au premier rang européen avec une consommation de 8.3 kg (par an et par habitant).  Mais c’est très loin, au niveau mondial, derrière les Tibétains qui en utilisent 73 kg. Il faut dire que le beurre est la base de leur alimentation et qu’ils sont gros consommateurs de thé au beurre.

J’arrête là, car je ne souhaite pas que cet article se termine en eau de Bouddha.

Votre Mona siatique


Que notre volonté soit fête

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Le Carême vient de s’achever. Durant les quarante jours qui précédaient Pâques, les chrétiens étaient invités à se priver, notamment, sur leur alimentation. De nos jours, le respect de ces efforts est du domaine personnel. A d’autres époques, l’Eglise était beaucoup plus interventionniste.

Au Moyen Age, les jours maigres ou de jeûne représentaient environ 150 jours par an. Durant les jours maigres, la viande disparaît au profit du poisson, l’huile remplace le beurre, saindoux et lard et on se prive de produits laitiers. Pour les jours de jeune, c’est abstinence : un seul repas de pain et d’eau.

Pour le « peuple », respecter les jours maigres, cela ne change guère de l’alimentation quotidienne : la viande est de toute façon rare. Il faut dire qu’en plus, dans certains diocèses, la punition, pour non respect des règles alimentaires, est l’arrachage de toutes les dents…

Mais chez les nobles, les ecclésiastiques et les bourgeois, il n’en est pas de même.

Soit on s’abstient de viande et on élabore des plats à base de poisson mais en ne se privant pas, c’est le moins qu’on puisse dire :

Ainsi, le 30 mars 1571[1], l’Archevêque de Paris organisa un dîner maigre, durant le carême, dont le menu a été conservé : « Quatre saumons, dix turbots, douze homards, cinquante livres de baleine, deux cents tripes de morue, un panier de moules, neuf aloses fraîches,  dix-huit brochets, soixante-deux carpes, dix-huit lamproies, cent cinquante écrevisses, deux cents harengs, vingt-quatre saumons salés, dix-huit barbues, trois paniers d’éperlans … et six cents grenouilles[2]« .
On ne connaît pas le nombre de convives, mais on peut supposer que l’Archevêque de Paris avait convié à ce repas maigre nombre d’ecclésiastiques soucieux de faire respecter l’observance du carême.

Soit on cherche à s’arranger avec les prescriptions :

La macreuse[3] et la bernache[4] sont ajoutées à la liste des mets que l’on peut consommer les jours maigres car elles vivent essentiellement dans l’eau. Pour la Nouvelle France (Québec), on autorise le castor pour les mêmes raisons. Dans le « Cuisinier François », l’auteur indique que la chair du saumon mêlée à celle du brochet permet d’imiter une belle tranche de jambon. Un brave curé, surpris, en train de manger une oie, se défendit auprès de ses ouailles en disant qu’elle était tombée d’un arbre et devait donc être assimilée à un fruit…

Nombre d’auteurs, dont Erasme, se lèvent contre ces pratiques qui font que le carême est « pour les riches, une source de plaisir et un remède contre le dégoût… Pendant ce temps, l’humble paysan grignote un navet cru avec du pain de son. Quant à ce qu’il boit, au lieu de vin moelleux que dégustent les riches, c’est de l’eau de fossé… Si un édit ordonnait aux nantis de vivre de façon frugale les jours de pénitence et d’ajouter à la pitance des pauvres ce qu’ils retrancheraient de leur festin, alors l’égalité serait réalisée et l’institution en prendrait une certaine saveur évangélique. »

Un autre auteur relate qu’un pauvre homme, à qui le prêtre demandait d’acheter du poisson pour respecter le carême, répondit qu’il serait sans un sou, à ce régime là, au terme des 40 jours de « privation »…

Mais savez vous que le carême du Moyen Age nous a laissé des monuments d’une grande beauté. Pour en savoir plus, lisez donc, demain, l’article de Mona …
En attendant, pour patienter, je vais boire un coup, çà aide à rester jeûne.


[1] Sous le règne de Charles IX, le roi qui donna le signal de la Saint-Barthélemy. Les protestants étaient notamment accusés de ne pas respecter le carême.
[2] Surnommée « poulet de carême »
[3] Sorte de canard
[4] Oie