Pierre Poivre

Poivre1Lépicurien vous a gratifié d’un superbe article sur la muscade. Je ne pouvais passer sous silence celui, qui au péril de sa vie, arracha aux Hollandais la précieuse épice et l’acclimata sur les île de l’Océan Indien.

Issu d’une famille lyonnaise, Pierre Poivre rêve de voyages. Rentré au séminaire parisien de la rue du Bac des Missions Étrangères, il embarque en 1741 pour le Tonkin[1]. En fait, il n’arrivera pas à sa destination mais visite la Chine et la Cochinchine[2]. Au cours de son séjour, il traverse les lieux de production des épices dont les Hollandais ont l’exclusivité.
Ayant abandonné ses projets de prêtrise, après plus de trois ans en Orient, il décide de rentrer en France. Mais son bateau est attaqué par des Anglais. Dans le combat, il perd son bras droit… lui qui voulait faire de la peinture.

Remis de ses blessures, il est débarqué à Batavia[3]. Il y fera de multiples observations sur les possessions hollandaises et l’organisation de la Compagnie néerlandaise des Indes. Il quitte Batavia en décembre 1746 pour l’île de France[4]. En juin 1748, enfin, il rentre en France. Dans un manuscrit dit « les Mémoires d’un Voyageur », il consigne ses observations.

Dès son retour, la Compagnie des Indes le renvoie en Extrême-Orient pour « revitaliser l’économie des Mascareignes[5], propriété de la Compagnie, et en faire un centre de production d’épices, un entrepôt de ces dernières qu’on enverra dans le monde et notamment en Europe où l’on en est si friand. »
Au fond, il doit « juste » saisir aux Hollandais des plants. Pour cela, Poivre parcourra – dans le plus grand secret – tous les lieux de production existants : la Cochinchine, les Philippines, les Moluques, touchera à Macao et Canton et reviendra par l’île de France où il apportera plants et graines de toutes les épices qu’il se pourra : canneliers, poivriers, muscadiers, girofliers… pour voir comment elles s’acclimateront dans ces îles. Malheureusement, Fusée Aublet, botaniste officiel du Roi sur l’Ile de France veut démontrer que les épices ne peuvent s’adapter sur l’ile. Il n’hésitera pas à les faire crever en les arrosant avec de l’eau bouillante.
Poivre regagne la France où après un séjour forcé à Cork en Irlande – son navire a été capturé par les Anglais- il débarque enfin en avril 1757. Désireux de se reposer enfin, Pierre Poivre envisage de finir ses jours à Lyon. Il surveille l’acclimatation d’espèces exotiques ramenées en France et leur fructification, il y amènera nombre de plantes rares, et l’on montre encore aujourd’hui certains spécimens plantés par Poivre ou ses descendants, notamment un Ginkgo Biloba[6], l’arbre aux cent écus ainsi nommé parce que Louis XV aurait payé, pour son arrivée en France, cent écus.
Pierre_poivre_mauritius_posIl épouse une jeune lyonnaise, Françoise Robin de trente ans de moins que lui. Elle lui donnera trois enfants.

Mais, il était dit que Poivre reverrait l’Extrême-Orient. Il est nommé Commissaire Général de la Marine à Port Louis de Maurice et Intendant des îles de l’Océan Indien.
Il arme deux navires et ramène à nouveau des plants d’arbres à épices sur l’Ile de France et y développe le fameux « jardin des Pamplemousses« , qui sera centre d’acclimatation et de production de ces épices. Les Mauriciens montrent encore aujourd’hui avec orgueil cette réalisation de « l’Intendant français des Mascareignes ».

C’est en 1773 que Poivre rentre en France et y meurt le 6 janvier 1786.

Poivre, au nom si prédestiné, avait pour devise:
« Les obstacles déconcertent les têtes faibles, mais elles animent les bons esprits ».

Mona bu, avec Lépicurien, à la mémoire de ce bienfaiteur une bouteille de Syrah aux arômes si poivrées.

PS : pour en savoir plus sur Pierre Poivre, je vous recommande le livre de Daniel Vaxelaire : « Les chasseurs d’épices » (Petite Bibliothèque Payot)


[1] Le Tonkin est la partie septentrionale du Viêt Nam
[2]
La Cochinchine était la partie méridionale du Viêt Nam
[3] De nos jours : Jakarta, capitale de l’Indonésie
[4] Aujourd’hui île Maurice
[5] Groupe d’îles de l’océan Indien : l’île de la Réunion, l’île Maurice et ses dépendances.
[6] Cet arbre magnifique était au XVème et XVIème siècle considéré comme sacré par les Chinois et les Japonais dont ils entouraient les temples. Il est présent aujourd’hui dans beaucoup de nos villes, à Paris notamment : ses feuilles sont caduques et d’un très beau jaune d’or en automne justifiant, à elles seules, son surnom d’arbre aux écus d’or. L’extrait de concentré de feuilles de GINKGO BILOBA est un vasodilatateur des artères et des veines.

Etuves sur demande

souper_mortel_etuvesMichèle Barrière est historienne et journaliste. Elle écrit des romans mêlant intrigue policière et gastronomie. « Souper mortel aux étuves » se déroule fin XIV° siècle. Un homme est retrouvé égorgé dans une étuve. Ces établissements étaient les ancêtres des paniers fleuris qui égayèrent le XIX° siècle. Et en plus, on pouvait se laver, manger…

Sa veuve, Constance, se fait embaucher comme cuisinière du lupanar pour retrouver les assassins. Elle y croise un cuisinier qui travaille avec Taillevent, le génie de la cuisine de l’époque.

Et Constance qui n’a jamais touché une queue de poêle avant est de suite reconnue comme maitre queux (ce qui, dans ce genre d’établissement, peut porter à confusion). Une saine émulation avec Guillaume, le disciple de Taillevent nous permet de passer en revue les recettes de l’époque. Il faut dire que la Dame utilise des recettes laissées par son défunt mari. Il était l’auteur du Ménagier de Paris ???

Je vous passe les rebondissements de l’intrigue, la vie amoureuse des héros. Vous l’aurez compris, l’intrigue, les rebondissements m’ont laissé de marbre. Mais la saveur de ce livre, ce sont les recettes, les modes de cuisson… alors là, on salive. Michèle Barrière n’est pas Simenon, mais elle est de la trempe de Raymond Oliver. Lorsqu’elle décrit un plat, on est dans la cuisine de Taillevent ou de Constance.

Mona, savez vous que la Foire Saint Martin de Pontoise va se tenir pour la 839ème fois du 6 au 22 novembre. Alors pour plonger dans le Moyen Age, buvons un coup de ginglet avec un hareng grillé. Et oui, Mona, le ginglet est un vin provenant des coteaux d’Ile de France. Certes ce n’est pas un vin grandiose, plutôt aigrelet, mais de toute façon, les arômes du roi de la Baltique dominent tout.

Stendhal en Côte d’Or

Alors que la polémique sur les rosés est à peine éteinte (souvenez-vous, ils voulaient autoriser les assemblages de rouge et de blanc), il est toujours intéressant de voir que rien n’est vraiment nouveau sous le soleil. Dans ses Mémoires d’un touriste, Stendhal relate son voyage à travers les régions françaises. En traversant la Bourgogne, il souligne nombre de curiosités et notamment il relève que les vins blancs de Pommard, Volnay et Meursault sont utilisés en assemblage des vins rouges [1].

Le Clos Vougeot
Le Clos Vougeot

Stendhal-consul-bigSans ses vins admirables, je trouverais que rien au monde n’est plus laid que cette fameuse Côte-d’Or. La Côte-d’Or n’est qu’une petite montagne bien sèche et bien laide ; mais on distingue les vignes avec leurs petits piquets, et à chaque instant on trouve un nom immortel : Chambertin, le Clos-Vougeot, Romanée, Saint-Georges, Nuits. A l’aide de tant de gloire, on finit par s’accoutumer à la Côte-d’Or.
Le général Bisson [2], étant colonel, allait à l’armée du Rhin avec son régiment. Passant devant le Clos-Vougeot, il fait faire halte, commande à gauche en bataille, et fait rendre les honneurs militaires.

Comme mon compagnon de voyage me contait cette anecdote honorable, je vois un enclos carré d’environ quatre cents arpents, doucement incliné au midi et clos de murs. Nous arrivons à une porte en bois sur laquelle on lit en gros caractères fort laids : Clos-Vougeot. Ce nom a été fourni par la Vouge, ruisseau qui coule à quelque distance. Ce clos immortel appartenait autrefois aux religieux de l’abbaye de Cîteaux. Les bons pères ne vendaient pas leur vin, ils faisaient des cadeaux de ce qu’ils ne consommaient pas. Donc, aucune ruse de marchand. […]
En général, les vins de ce pays se boivent en Belgique. Le propriétaire du Clos-Vougeot peut tromper ses chalands; il n’aurait qu’à faire répandre sur sa vigne du fumier de cheval, elle produirait beaucoup plus, mais le vin serait d’une qualité inférieure. Une bouteille du Clos-Vougeot, qui se vend dix francs à Paris chez les restaurateurs, ne se vend pas, mais s’obtient sur les lieux, par insigne faveur, au prix de quinze francs. Mais, il faut l’avouer, rien ne lui est comparable. Ce vin n’est pas fort agréable la première et souvent la seconde année; aussi les propriétaires ont-ils toujours une réserve de cent mille bouteilles.
La poésie, avec ses exagérations aimables, s’est emparée de ce sujet si cher aux Bourguignons ; et ce soir, dans son enthousiasme, mon correspondant de Beaune m’a promis de me faire boire une bouteille de vin du Clos-Vougeot provenant encore de l’abbaye de Cîteaux. Mais comment croire à cette vénérable antiquité, si après douze ou quinze ans ce vin commence à perdre ?
[…] Les vins de Nuits sont devenus célèbres depuis la maladie de Louis XIV, en 1680 ; les médecins ordonnèrent au roi, le vieux vin de Nuits pour rétablir ses forces. Cette ordonnance de Fagon [3] a créé la petite ville de Nuits.
[…] Beaune est située sur un sol calcaire ; on a planté une jolie promenade le long des remparts, et la Bourgeoise, petite rivière fort limpide et pleine de grandes herbes vertes qui flottent avec l’eau, traverse la ville. La cour de l’hôpital offre de jolis restes d’architecture gothique. Nicolas Rollin [4], chancelier de Philippe duc de Bourgogne, fonda cet hôpital en 1445. Il est bien juste, dit Louis XI, que Rollin, après avoir fait tant de pauvres, construise un hôpital pour les loger.
En allant à Chaumont, j’avais passé devant Pommard, Volnay et Meursault ; mais j’apprends seulement aujourd’hui la cause secrète de la richesse de ces lieux célèbres ; ils produisent un vin blanc qui a la propriété de se mêler aux vins rouges et de leur donner du feu sans les altérer.

Mona, Stendhal m’a donné soif. Sans vous commander, prenez donc deux verres sur l’évier. Moi, j’attrape un Meursault vinifié par Alix de Montille. Du bonheur assuré.


[1] De nos jours, Pommard et Volnay ne produisent que…  des vins rouges fort réputés.  Meursault produit essentiellement des vins blancs (environ 15 ha de rouge).
[2] Brillat-Savarin dit à son propos:  « C’est ainsi que le général Bisson, qui buvait chaque jour 8 bouteilles de vin à son déjeuner, n’avait pas l’air d’y toucher. Tout en humant ainsi 16 litres de liquide, il n’était pas plus empêché de plaisanter et de donner ses ordres que s’il n’eût dû boire qu’un carafon. »
[3] Archiatre (1er médecin du Roi). Voici comment le décrit St Simon dans ses Mémoires: « Fagon, du fond de sa chambre et du cabinet du roi, voyait tout et savait tout. C’était un homme d’infiniment d’esprit et avec cela un bon et honnête homme. Une figure hideuse, un accoutrement singulier; asthmatique, bossu…. Il était l’ennemi le plus implacable de ce qu’il appelait : charlatans… »
[4] Fondateur, avec sa femme Guigone de Salins, des Hospices de Beaune : « Moi, Nicolas Rolin, chevalier, citoyen d’Autun, seigneur d’Authume et chancelier de Bourgogne, en ce jour de dimanche, le 4 du mois d’août, en l’an de Seigneur 1443… dans l’intérêt de mon salut, désireux d’échanger contre des biens célestes, les biens temporels… je fonde, et dote irrévocablement en la ville de Beaune, un hôpital pour les pauvres malades, avec une chapelle, en l’honneur de Dieu et de sa glorieuse mère… »

http://www.pommard.com/

C’est pas de ma faute, j’arrive pas à la Blier….

hotel-du-nord-afficheJ’ai toujours aimé les acteurs français de la trempe de Jean Gabin, Louis Jouvet, Michel Simon, Gérard Philippe… mais j’ai une tendresse particulière pour Bernard Blier, cet acteur de génie. Je ne me lasse pas de regarder les Tontons Flingueurs, 100.000 dollars au Soleil, Buffet Froid… Aussi c’est avec délectation que je suis en train de lire « Bernard Blier – Un homme façon puzzle » l’ouvrage de Jean-Philippe Guerand.

J’ai confié ce livre à Mona qui aura l’occasion de vous faire un compte-rendu de lecture d’ici quelques jours.

Dans cet article, je souhaite simplement souligner une anecdote du tournage d’Hôtel du Nord. Je vous conseille, au passsage, de visiter le sympathique site internet de l’hôtel.

Ce film culte de Marcel Carné est sorti en salles en 1938 avec notamment à l’affiche Louis Jouvet, Arletty, Annabella. Bernard Blier y incarne un éclusier cocu esclave d’Arletty.

A la suite d’une scène déshabillée avec cette même Arletty, Bernard Blier se refuse à sortir du lit…. en proie à une érection aussi spectaculaire qu’incontrôlée. Arletty, avec sa gouaille habituelle, considéra que c’était le plus vibrant des hommages qu’un homme puisse lui rendre….


Mona, afin de m’aider à développer ma personnalité, je vous prie d’apporter deux godets, je vais sortir le vitriol… vous verrez, çà a le goût de pomme….

Elle n’en menuet pas large

Comme Lépicurien, mon cher Patron, vous l’a dit, il m’a confié la lecture du livre de Nicolas Venette. Dans un récent article, il vous relatait les signes d’une grossesse tels que les voyaient nos ancêtres du XVII° siècle. Dans ce même ouvrage, et afin de reprendre les choses par le bon bout (si j’ose dire), j’ai relevé quelques réflexions qui à la fois amusent et agacent. Elles amusent parce que nos connaissances actuelles contredisent les propos tenus. Mais elles agacent car la femme y est souvent moins considérée que son homme. Ainsi, vous lirez dans cet extrait une comparaison peu flatteuse pour la femme et très flatteuse pour la plus belle conquête de l’homme :

danseL’exercice que font les gens mariés en dansant le jour de leurs noces, paraît extravagant à plusieurs personnes, qui blâment toujours ce qui ne leur plait pas. Ils ne sauraient se persuader que ce n’est pas sans raison que l’usage tolère cette ancienne coutume. Mais si l’on faisait un peu de réflexion sur les effets que causent les mouvements des mariés, peut-être trouverait-on que la danse des noces n’a été inventée que pour perpétuer plus aisément l’espèce des hommes; car ce n’est ni la malice du siècle, ni la dépravation des mœurs, ni l’adresse de l’amour, ni les voluptés déréglées , qui sont la cause de cette cérémonie : c’est la raison même qui a voulu que les mariés dansassent le jour qu’ils se marient ; afin que, par cette agitation, leur corps fût plus libre, plus ouvert et plus propre à la génération.

Les naturalistes nous font remarquer que si l’on veut avoir un cheval de prix, on doit fatiguer la cavale [1] avant qu’elle soit couverte, et que de cette conjonction plutôt que d’une autre, il naît ordinairement un animal fougueux et propre à la guerre.

Ainsi les femmes s’étant agitées avant que de se joindre amoureusement à leurs maris, sont défaites d’une partie de leurs excréments, et la chaleur qu’elles ont acquise en dansant a servi à dessécher leurs parties amoureuses, qui ne sont le plus souvent que trop humides, et qui, par ce moyen, ne sont pas disposées à la génération ; car la trop grande humidité de ces parties est une des principales causes de stérilité des femmes.

Après ces dispositions, on doit observer dans le mari et dans la femme d’autres circonstances qui servent de conjectures pour établir la connaissance que nous pouvons avoir de la grossesse d’une femme ; car si le mari n’est ni trop jeune ni trop vieux, que son tempérament soit robuste et ses parties principales bien saines ; qu’il ne soit ni trop gras, ni trop maigre, et qu’il ait les parties de la génération bien faites et bien disposées ; que d’ailleurs la femme ait aussi les mêmes dispositions, qu’elle soit dans la fleur de son âge, et qu’elle jouisse d’une santé parfaite, qu’elle ne soit ni trop grande ni trop petite, et que ses règles aient accoutumé de couler selon les lois de la Nature, je ne doute que s’il y a les moindres marques que la femme soit grosse, on ne doive se le persuader, après tant de dispositions d’un côté et d’autre.

Mona rête pas de danser… Est ce un signe, selon vous ?


[1]‘ Ancien mot français désignant la femelle du cheval

De vigne en bouche

de-vigne-en-bouche1Marcel-E Grancher (1891-1976) est un auteur un peu oublié. Et pourtant, il a plus de 100 ouvrages à son actif : sur Lyon, sur la Grande Guerre, sur la gastronomie. Dans les années cinquante, il publiera nombre de policiers parodiques au titre évocateur : Baisse sur le poulet, Ce mec est contagieux, Marie Trouducoeur, La fin des haricots.
C’est, d’ailleurs, lui qui mit le pied à l’étrier à Frédéric Dard. Ils écrivirent à quatre mains Tartempion en 1953.

J’ai lu « De vigne en bouche » (1956) dans lequel on suit les aventures des membres de l’Académie de Panurge. Parmi eux, Antoine Bétoine, poète, épicurien, cherchant femme à forte dot pour lui apporter les revenus qu’il n’a pas… C’est à Bordeaux, qu’il jettera son dévolu sur la fille d’un vieux notaire habitant près du jardin public. Un portrait caustique de la bourgeoisie bordelaise de 1956…. Heureusement, nous sommes en 2009, les choses ont sûrement changé….C’est l’un de ses amis, Jean de Reyssac, viticulteur, qui l’initiera à la vie de Bordeaux et à ses vins. Alors que les vins de Bordeaux sont attaqués pour leur piètre qualité et traversent une crise, le vigneron lance un appel à tous les amateurs de bons vins : le Renouveau a sonné, les vins de qualité sont de retour[1] :

« Aujourd’hui, il faut que le torrent de vin que nous avons préparé, pour le bonheur des Français en général et des Parisiens en particulier roule et déferle. Qu’on trouve, dans tous les quartiers, pichets et cruches, flacons et tonneaux de celui que nous disons nôtre « Renouveau », parce qu’il est notre résurrection, notre réveil, notre printemps, notre espérance. Il sera tout cela, aussi pour qui boira ce vin béni, ce vin de sagesse, ce vin de courage, ce vin de santé.
Seulement, ce coup, camarades, nous n’entendons pas être dupés. Nous n’accepterons ni qu’on vous trompe, ni qu’on nous assassine. Nous ne laisserons partir ni, de nos vignes ni de nos chais, un seul fût indigne de la marque.
« Renouveau » voudra dire que nous avons réuni de bons compagnons fidèles pour leur confier la mission de vous livrer un vin fier, un vin sans reproche, que ces compagnons ont accepté le contrôle de leurs pairs et ont la volonté commune de servir notre cause et de batailler, tous ensemble, contre les fraudeurs et les tricheurs de tout poil.
Leur serment n’est pas, chose vaine et nous serions durs, à qui l’oublierait. Ils vont avoir leurs étendards, leurs gonfalons qui seront aux armes du « Renouveau. »
Voici venir notre troupe gaillarde. Viens trinquer avec nous, doux peuple de France. Nous pouvons te tendre nos mains de vignerons sans honte et sans crainte, car si d’aucuns te mentirent, nous ne fûmes jamais de ceux-là.
Renouvelle avec nous le pacte de tes pères. Renouveau pour toi. Renouveau pour nos vignes. Renouveau pour notre terre à tous et pour tous. A la bonne tienne !…
Et, prêchant d’exemple, il vida son verre – une sorte de hanap qui tenait comme rien son demi-litre, et non pas l’un de ces dés à coudre qu’ont trop tendance à adopter les constipés d’à présent. »

Dans ce même livre, Jean de Reyssac affirme haut et fort que les vins de Bordeaux sont tellement nombreux et variés qu’il est impossible d’en faire le tour :

« Chacun de ces vins est animé d’un vie perpétuelle, chacun a une adolescence, une jeunesse, un âge mûr, une vieillesse : chaque bouteille est une femme changeante qu’il faudrait fréquenter à tout âge et dans toutes ses humeurs. »

Voilà un homme qui sait parler des femmes….
Un ouvrage épicurien et truculent.

Mona envie de boire un coup


[1] Marcel-E Grancher « de vigne en bouche » Editions Rabelais page 105

L’Ame du Vin

baudelaire-fleursVous l’avez peut-être deviné, avec Mona, nous aimons Baudelaire. Nombre d’articles lui sont déjà consacrés. Mais je ne pouvais ignorer ce magnifique poème issu des Fleurs du Mal.

Charles Baudelaire est souvent supposé être l’ivrogne type. Nombreux ceux qui pensent qu’il était bourré du matin au soir et que sans la verte ou le rouge, il n’y aurait pas eu de poésie. Bien sûr, le vin est présent tout au long de son écriture. Ainsi, « Le Vin » est le titre d’une section des Fleurs du Mal.

Comme pour le haschich, également chanté dans son œuvre, mais qu’il a en fait peu consommé, il ne fut sans doute pas l’alcoolique, qu’on se plait à représenter. Et, selon nombre de contemporains, il fut même très rarement ivre.
Son ami Le Vavasseur écrit : « Il était naturellement sobre. Nous avons souvent bu ensemble. Je ne l’ai jamais vu gris ». Et le photographe Nadar, qui fut son intime de 1843 jusqu’à sa mort : « Jamais, de tout le temps que je l’ai connu, je ne l’ai vu vider une demi-bouteille de vin pur. »
Le vin est pour Baudelaire un thème littéraire, et non un élément de sa vie. Mais quand il le chante, il nous entraîne vers les sommets…

Quand de plus, un sommelier, Jacques Orhon, installé au Canada depuis 1976, met ce poème en musique, c’est « divin »… comme breuvage.musique_ame_du_vin_2w1

L’AME DU VIN
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles:
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour le frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! »

Merci à Jacques pour son aimable autorisation. Extrait du disque « L’âme du vin » Trans Euro Music
Ci-dessous, à écouter sans modération
[dewplayer:http://www.journalepicurien.com/sons/lameduvin.mp3]

Bon, Mona, même si je ne suis pas usé… faîtes en tomber un dans le gosier. Votre chaude poitrine lui fera une douce tombe : en un mot, servez à boire une larme de vin.
Et après, on se fait un karaoké baudelairien, ok ?

Le livre de tous les besoins

Vous avez été nombreux à nous remercier pour l’article « Un ca-cadeau indispensable« . Mais est ce par timidité, par manque de connaissance du fonctionnement d’un blog, vous préférez communiquer par mail… C’est dommage. Vos remarques fort pertinentes ne peuvent pas être partagées par des internautes qui, comme vous, « sont dans le besoin » d’informations et n’osent pas parler de ce sujet que la société moderne  a décidé d’ignorer, de mettre au placard.
Et Dieu sait que le sujet vous a passionné. Tel ou tel a avoué qu’il préférait changer d’étage lorsqu’il avait besoin de se soulager sur son lieu de travail ; tel autre nous a chaleureusement remercié pour le conseil (éteindre la lumière pour s’assurer que ce n’est pas son patron qui occupe les toilettes) : « c’est quelque chose que je ferai systématiquement maintenant. » Une mention particulière à Mr xxxx qui a proposé de modifier le titre avec ce joli slogan : « étron, boulot, po-pot« . Bravo à lui, il a gagné une brosse wc qu’il pourra retirer dans un des magasins Ikaka.
Tous ces mails sont pour nous un encouragement. Nous avons de plus en plus le sentiment de faire oeuvre de salut public, d’être au service de nos frères et soeurs épicuriens.

Aussi, c’est un plaisir de vous présenter un nouvel ouvrage indispensable : IN CACA VERITAS.
Une idée de cadeau pour la fête des pères. Imaginez vos enfants, vous offrant ce livre en chantant : « Etrons, étrons, petit patapon ». Un moment fort et je dirai même inoubliable.

cliquez sur les images pour une lecture facile

Les auteurs, deux américains, mettent les pieds dans … le plat dès l’introduction avec une belle entrée en matières :

« L’objectif premier de ce livre est de réhabiliter le caca, injustement mis au ban de la société, et aussi de décomplexer tous ses fans, qui, jusqu’à présent, n’osaient pas faire part de leur enthousiasme autour d’eux. »

Pour tout savoir sur le sous-marin, les rapides du rectum, le petit poussé, le train bloqué dans le tunnel, le m’as-tu-vu, le post-it, l’horloge intestinale, la revanche….installez vous confortablement sur votre trône. Détendez vous, laissez vous allez … Bonne lecture et bon vent.

Mona, mon petit, y’a pu de papier …Où çà ? mais…
… dans l’imprimante, voyons, quelle question !!

Ken Follett : England pompe

un-monde-sans-fin-ken-folle

Avez-vous lu les Piliers de la Terre ?
Plus de 90 millions d’exemplaires ont été vendus à travers le monde pour cette magnifique fresque historique qui relate la construction d’une cathédrale. J’avais été passionnée, et plus d’une fois, par l’histoire de Tom le maçon et de sa famille, de Philip de Gwynedd, le Prieur de Kingsbridge, et de tous ces personnages qui luttent pour survivre et faire vivre leurs passions. J’ai dévoré ce livre… et quand j’y repense, j’ai encore la chair de poule (mon chef va encore se moquer de moi, mais c’est pas grave. Il trop insensible pour comprendre mes émotions)…

« Un Monde sans Fin » reprend le flambeau de cette épopée devenue légende : les héros de cet opus sont les « descendants » des constructeurs de la cathédrale de Kingsbridge, érigée dans l’Angleterre du XIIe siècle.
Nous sommes en 1327, quatre enfants sont les témoins d’une poursuite meurtrière dans les bois : un chevalier tue deux soldats avant d’enfouir dans le sol une lettre mystérieuse, dont le secret pourrait bien mettre en danger la couronne d’Angleterre. Ce jour lie leurs destins à jamais…
Les quatre jeunes héros connaîtront chacun une vie exceptionnelle et tourmentée. Et notamment Caris qui rêve d’être médecin, devra rentrer dans les ordres, et renoncer à Merthin qu’elle aime. Ce dernier, constructeur de génie,  partira vers l’Italie.
La peste va envahir l’Europe. Caris va s’opposer aux représentants de l’Eglise dont les moines médecins ne savent pas guérir les malades. Elle va chercher notamment des remèdes auprès de Mattie, la guérisseuse sorcière.  Je vous livre quelques lignes :

« Caris connaissait la recette des potions les plus couramment utilisées par Mattie : celles qui soulageaient la douleur; celles qui faisaient vomir ; celles qui nettoyaient les blessures ou faisaient baisser la fièvre. Elle savait comment utiliser l’aneth pour soigner les problèmes de digestion ; le fenouil pour faire tomber la fièvre ; la rue pour empêcher les flatulences ; le cresson pour rendre les femmes fertiles. Elle connaissait même certains traitements auxquels Mattie ne recourait jamais, par exemple les cataplasmes à base de bouse de vache, les potions à base d’or et d’argent, l’application à l’endroit du corps douloureux de versets sacrés recopiés sur du vélin. »

Je n’ai pas été vraiment emballée par ce livre qui fait un peu réchauffé, même si, je dois l’avouer, on a du mal à s’arrêter en cours de lecture et que souvent les mains deviennent moites…

Mona pas trop aimée

Un livre ca-cadeau indispensable

comment-chier-au-bureauIl est des livres qu’on devrait classer d’Utilité Publique. L’ouvrage que j’ai retenu, si j’ose dire, est de ceux là. En effet, dans les siècles passés ou dans d’autres civilisations, le fait de se soulager est naturel et ne pose aucun problème. Ainsi, vous savez sans doute que notre bon Roi Soleil recevait ambassadeurs et courtisans sur sa chaise percée. De même les courtisans à Versailles, appelaient un serviteur chargé de leur tendre un « pistolet » pour vider leur vessie tout en continuant conversation.

Par contre, de nos jours, les choses ont beaucoup changé : désodorisant, coin isolé… nous invitent à évacuer sans laisser bruit ou odeur dominer notre passage aux WC et notamment sur le lieu de travail.

Dans leur introduction, les auteurs Mats & Enzo soulignent les risques encourus dans ces lieux pourtant dits d’aisance :

« Il suffit d’une fois, d’une seconde, d’une mésaventure, d’une mauvaise rencontre dans les toilettes de votre lieu de travail pour que l’image que vous avez construite auprès de vos collègues et de votre hiérarchie pendant toutes ces années soit anéantie ! D’ailleurs sans y avoir vraiment réfléchi, vous utilisez certainement déjà des stratégies plus ou moins efficaces pour vous rendre aux toilettes de votre entreprise (changement d’étage, utilisation des toilettes à l’autre bout du couloir …), car au fond de vous-même vous savez qu’il n’y a rien à gagner lorsque l’on se rend aux toilettes sur son lieu de travail, mais tout à perdre !

Heureusement, vous venez d’acquérir ce livre, référence mondiale en la matière ! Il a déjà sauvé des dizaines de milliers de carrières sur tous les continents et est sur le point d’en sauver des centaines de milliers d’autres. Grâce aux conseils qu’il contient, votre destin ne sera jamais brisé par un passage aux toilettes de votre entreprise. »

Chaque page étudie un cas concret et apporte une solution efficace. A titre d’exemple,,je vous propose de découvrir l’attitude à avoir lorsque par hasard, vous vous trouvez sur le lieu à risque en même temps que votre patron :


comment-chier-au-bureau2

cliquer sur l’image pour une lecture plus facile

Pour que vous ne ratiez rien de la solution qui pourra peut-être sauver votre carrière, voici le texte agrandi (à apprendre par coeur) :

comment-chier-au-bureau3Un livre indispensable que chacun devrait s’offrir ou offrir à ses enfants lors de leur premier emploi. Un papier soyeux, une présentation aérée … une belle table des « matières » en un mot : un livre dans le vent et qui va au fond des choses.