Catalogne de la redoute

Bon appétit

Dans un article précédent, je vous ai présenté la cuisine moléculaire. J’y faisais référence à un ouvrage fort intéressant de Jorg Zipprick. Ce dernier a écrit « Les dessous peu appétissants de la cuisine moléculaire« . Si vous avez quelques instants, lisez donc cet extrait de son ouvrage. Edifiant, appétissant !

La «nouvelle cuisine espagnole», la « cuisine d’avant-garde » ou la « cuisine techno-émotionnelle » n’a rien de nouveau ni d’espagnol. Elle utilise les éléments clés des plats cuisinés bon marché que l’on trouve dans les rayons des supermarchés du monde entier.
Elle ne peut rien sans additifs. Sans additifs, point de spirale d’huile d’olive, ni de ravioles sphériques ou autres ambres de cèpes.La plupart des additifs utilisés en cuisine moléculaire sont des hydrocolloïdes. Ce sont des substances fort utiles qu’on connaît de notre vie quotidienne: sans hydrocolloïdes, point de pansement nouvelle génération (« cicatrisation rapide ») ni de ketchup, crème fraîche, poudre à gâteau, glace, shampoings, dentifrices et cires à chaussures à texture « agréable ». On emploie par exemple la méthylcellulose (E461) dans le traitement de la constipation et des hémorroïdes, mais aussi comme lubrifiant, comme additif au mortier ou à la colle à papier peint, et même au cinéma où l’on s’en sert pour les effets spéciaux (bave de monstres) ou comme liquide corporel masculin dans les films pour adultes.
Si les hydrocolloïdes sont fort utiles pour de nombreuses industries, que font-ils sur nos assiettes? Certes, l’industrie alimentaire est sous pression de coûts, elle doit produire de la nourriture pas chère qui doit se conserver longtemps sans perdre en goût ou en texture. Mais pour des plats frais, préparés derrière vous, dans une cuisine de restaurant? J’allais oublier: ces hydrocolloïdes sont très bon marché, ils permettent de servir « beaucoup» avec des effets visuels spectaculaires pour une somme dérisoire. Voilà une recette pour cuisiniers moléculaires.
Ces hydrocolloïdes sont-ils nocifs? Ce n’est pas pour rien qu’on en vend comme laxatif aux États-Unis. Les associations de consommateurs listent diarrhée, flatulence et sentiment de malaise comme effets secondaires possibles. N’oublions pas que ces indications se réfèrent toujours à des dosages normaux. Pour ce qui est des énormes quantités utilisées dans la cuisine moléculaire, il n’existe que peu d’investigations, voire pas du tout. Aucune chaîne de fast-food, aucun producteur industriel ne se risquerait à nous gaver de vingt ou trente plats pleins d’additifs chimiques.
Sur cette question, l’auteur américain Michael Booth a écrit dans son ouvrage Sacré Cordon bleu: « un de mes amis, chef cuisinier, a calculé avoir ingéré près d’un demi-kilo de gélatine au cours d’un dîner à El Bulli ». Un calcul intéressant : selon le journaliste néerlandais Will Jensen, rédacteur en chef du magazine Bouillon et éditeur d’un guide d’additifs, nous mangeons environ trois kilos d’additifs par an. Si le calcul de Sacré Cordon bleu est correct, une seule visite au restaurant moléculaire nous ferait ingérer 16% de notre consommation annuelle.
Autre détail important : on ne sait rien ou presque des interactions entre additifs ni de leurs répercussions sur l’organisme. La loi fait comme si les aliments ne contenaient qu’un seul additif et comme si les autres existaient à coté sans en être affectés.

Bon moi, en lisant çà, j’ai vomi. Une seule chose me rassure : avec le renard que j’ai posé, je vais pouvoir faire un peu de mortier ou de la colle à papier peint. Rien ne se perd, tout se transforme.

Désolé, Mona, mais exceptionnellement aujourd’hui, je ne vous proposerai pas un coup à boire. Pas envie !!!

Netttoyage par le bide

Hier, je croise un copain. Je lui fais part de mon regret de n’avoir pas pu dîner une fois chez Ferran Adria qui fut quatre années de suite sacré meilleur chef du monde. Le catalan est un des pères de la cuisine moléculaire, encensé par tous les médias pour son restaurant El Bulli .

Mon pote me confirma que ce serait compliqué puisque les réservations pour 2011 sont closes et que dès juillet, le restaurant sera fermé et deviendra à partir de 2014, un centre de  recherche et de formation.

En rigolant, il me dit : de toute façon, pour aller chez le célèbre cuisinier, il est indispensable de savoir dire : « On és el bany ràpidament ? » ce qui veut dire « où sont les toilettes, vite…? ».

En effet, comme son disciple Anglais, Heston Blumenthal, surnommé « l’alchimiste du Berkshire » dans son restaurant « The Fat Duck« , les cas d’intoxication, de vomissements et diarrhées ont émaillé la vie de leur laboratoire culinaire.

Mona sur sa chaise percée

Un mythe s’écroule… Vous ne croyez pas : lisez le témoignage d’un aficionado (dont la femme fut malade[2]) et visionnez l’interview de Jorg Zipprick. Edifiant, non ?

Franck Dubourdieu[1], célèbre pour ses connaissances en vins de Bordeaux, publie régulièrement une lettre qui fait autorité. Ce mois-ci, après avoir balayé le millésime 2010, il s’intéresse aux « molécules en cuisine ». Je vous en recommande chaudement la lecture. Cà fait froid dans le dos et çà retourne le jabot.

Dans un article de ce blog, j’avais attiré votre attention sur les problèmes liés à l’emploi à tout bout de champ des additifs alimentaires dans notre malbouffe quotidienne. Dans un caddie moyen, il y a une véritable usine chimique qui finira dans votre assiette sans que vous y prêtiez attention.

Certes, les quantités de ces additifs sont contrôlées par nos autorités européennes, mais manger trop souvent des plats fortement assaisonnés aux colorants, conservateurs, agents de textures et autres saloperies, doit surement avoir des conséquences sur la santé.

Et je vous passe le fait que de plus en plus de restaurants n’ont plus de chef et se contentent de réchauffer des sachets de bouffe livrés par des camions aux couleurs des multinationales. En réalisant des marges supérieures aux restos traditionnels, ils nous détruisent à petit feu. O temps aux rats, o mauresque !

Ma petite Mona, vous savez que je tiens trop à vous pour vous empoissonner. Aussi, je vous propose un vin naturel : Domaine Laurent Combier 2009. Ce Crozes-Hermitage blanc se boit sur sa jeunesse pour vous offrir un pur plaisir.


[1] œnologueconseil et auteur notamment de « les grands vins de Bordeaux de 1899 à nos jours » et du « petit vocabulaire du vin de Bordeaux« 

[2]  » La soirée fut malheureusement assombrie par un événement fâcheux. Lorsque nous goûtions un délicieux maquereau, ma femme me fit part d’un goût fort désagréable que je ne sentais pas. Peu de temps après, prise de malaise, elle prit l’air, ne finissant pas son repas. Sa nuit fut commandée par une forte intoxication alimentaire avec vomissements. Au-delà de cet incident, je fus surpris, quand tout l’hôtel sut le lendemain matin que la dame du 115 était malade, car l’on me dit : « vous étiez à El  Bulli, ça ne nous étonne pas, car c’est assez fréquent ». Je préfère imaginer que ceci n’a pas été dit. Le malaise de ma femme se prolongea la nuit suivante, ce qui est fort long. Mon étonnement se fit plus fort lorsque la masseuse de l’hôtel me dit : « il m’arrive souvent de masser des gens qui sont allés à El Bulli et qui ont vomi la nuit ». »