Pour bien dîner, il faut être peu….

Comme dans beaucoup d’entreprises, la fin ou le début d’année sont l’occasion de réunir tout ou partie du personnel autour d’une bonne table et de célébrer les résultats de l’année écoulée et de porter des toasts pour la réussite du nouvel exercice.

Au Journal, vous pensez bien que nous respectons cette tradition quasi religieusement. Et puis comme nous ne sommes que deux, c’est pour moi l’occasion de manger en tête à tête avec Lépicurien, ce grand homme. Vous pensez bien que je suis énervée comme une puce le jour où se tient ce dîner qui restera, comme chaque année, un souvenir si cher à mon cœur qu’il me fera tenir douze mois.

Si je vous raconte tout çà c’est que cette fois, ce repas avait bien mal commencé pour moi. Figurez-vous qu’au terme d’une journée de travail bien remplie, nous avons regagné nos domiciles pour nous changer. Avant de partir le boss me lâcha ces quelques mots :

-Bon Mona, je pars m’adoniser et on se retrouve à la Queue de Cochon[1] à 20h45. Ok ?

Je restais muette et ne pus que secouer la tête pour acquiescer.  Mais je ne me sentais pas bien. Mon chef si vénéré était-il membre actif d’une secte, pis, pratiquait-il l’acte solitaire ? Et pourquoi avait-il besoin de s’adoniser avant d’aller manger. Que de questions frappèrent à la porte de mon cortex au volant de ma voiture sur la route de la maison… L’autoradio crachait une chanson d’Eddy Mitchell :

Je viens vers toi, tu m’attends dans ta robe blanche
L’amour en province ressemble un peu à un dimanche…

De chaudes larmes coulent aussi mollement qu’une fuite sur un bidet. Je suis au désespoir. C’est décidé je n’écouterai plus cette chanson «Sur la route de mes fils» que vient d’annoncer l’animateur…

Arrivée chez moi, je fonce sur un dico et cherche sadoniser : il y a rien. De quoi augmenter le trouble qui m’habite ! Je pleure à nouveau aussi fort que les chutes du Niagara. Mais vous me connaissez, çà ne dure pas longtemps avec moi. Je me reprends et fonce sur Google et tape sadoniser en laissant par mégarde un espace entre le s et le a. Et là tout s’éclaire. Je lis :

S’adoniser, v. réfl.  : S’ajuster avec un trop grand soin. Se dit surtout en parlant des hommes.

La joie déferle sur mes joues aussi vite qu’une descente en bobsleigh sur une piste olympique.

Je jette mon corps de déesse sous une douche et enfile mes plus beaux atours pour rejoindre celui qui illumine quotidiennement ma vie. Ce soir tous les espoirs me sont permis. Mon chef bienaimé s’est adonisé pour moi, rien que pour moi. Youpi !!!

Mona pas envie de vous dire comment çà c’est passé, bande de vieux cochons voyeurs !


[1] C’est un restaurant et non pas un club échangiste.