Un maréchal délogé ?

Sous le règne de Louis XV, un jeune abbé de qualité avait loué une loge à l’Opéra ; mais un maréchal de France voulut avoir cette loge, que l’abbé refusa. Le maréchal insista et s’y prit de telle manière que l’abbé fut contraint de céder à la force. Pour avoir raison de cette insulte, il attaqua le maréchal an tribunal de la connétablie[1] et demanda la permission de plaider lui-même sa cause, ce qu’il obtint. Il commença son discours par se féliciter de l’honneur qu’il avait de paraître devant une assemblée aussi illustre ; ensuite il exprima combien il était affligé d’avoir à se plaindre d’un des membres qui la composaient : mais il ajouta qu’il les croyait trop équitables pour ne pas lui faire raison de la violence qu’il avait éprouvée. Et désignant alors chaque maréchal de France par les actions mémorables qui les caractérisaient : « Ce n’est point, dit-il, M. le maréchal un tel dont j’ai à me plaindre ; ce n’est point M. le maréchal de Broglie, qui s’est si bien distingué dans les dernières guerres ; ce n’est pas M. le maréchal de Clermont-Tonnerre, qui a fait de si belles retraites, ce n’est point le maréchal de Contactes, qui a fait de si belles actions; ce n’est point M. le maréchal de Richelieu, qui a pris le Port-Mahon ; celui dont j’ai à me plaindre n’a jamais rien pris que ma loge à l’Opéra. »

Le tribunal, qui ne s’attendait point à une pareille chute, décida que l’abbé avait raison de se plaindre, et qu’il était vengé par la tournure de son plaidoyer.

Mona B… comme belle ?


[1] Juridiction, dans l’Ancien Régime, des maréchaux  de France tant au civil qu’au criminel.