Par le bout du nez

viennoiserie_jpgUne bonne odeur de pain grillé flotte dans la rue… Quelques heures plus tard, la baguette que vous avez achetée par impulsion, s’est transformée en boudin mollasson ou en matraque de CRS. Le terminal de cuisson qui transforme les pâtons congelés en chewing-gum ou en  barre à mines vous a appâté par des arômes de fournil diffusés sur le trottoir. C’est bien entendu la même chose, avec les viennoiseries que l’on trouve dans les gares et autres dépôts. Si vous laissez reposer votre chocolatine (ou pain au chocolat) dans le papier, le gras se déposera et l’odeur qui vous avait tant attiré se sera envolée. Restera un bout de pâte caoutchouteux.

L’usage intensif d’odeurs artificielles pour stimuler l’appétence du consommateur est nettement moins utilisée en France que dans les pays anglo-saxons. La cohabitation des flagrances des marchés de plein-air de la vieille Europe latine y est pratiquement inconnue.

Dans l’univers clos des grandes surfaces, les tentatives pour « parfumer » le produit ou l’emballage ont aboutit à une « cacophonie » d’odeurs (Une seule tolérance : l’atmosphère du recoin « boulangerie pâtisserie »). Par contre, on lutte contre les effluves des rayons poissonnerie et fromages. Il est, en effet, bien dur de vendre une paire de chaussures dans une atmosphère munster ou une machine à laver au milieu des relents de marée. Gageons que la grande distribution saura faire preuve d’une imagination qui s’exprime déjà dans d’autres lieux.

Ainsi, la maison de pain d’épices d’Euro Disney est réellement en pain d’épices. Mais ayant depuis longtemps perdu son bouquet d’origine, celui-ci est régulièrement ravivé artificiellement.

La chambre 217 d’un Sofitel parisien a ses adeptes : on y programme soi-même son ambiance lumineuse, musicale et olfactive (six variantes : tonic, mistral…). C’est « Relax » qui est la plus demandée.

Une odeur d’orange vous titille à l’approche d’un abri-bus. Intrigué, vous cherchez du regard et vous découvrez l’affiche qui vante les mérites d’un jus de fruits.

Un constructeur automobile « dope » les aménagements intérieurs de ses véhicules « haut de gamme ». Les sièges en cuir, les éléments bois du tableau de bord garderont plus longtemps leurs effluves grâce à quelques molécules. Le caractère « luxe » est renforcé.

Les mailings d’un Club de vacances sont parfumés en fonction de la destination proposée : vanille pour les Iles, épices pour l’Orient…

Plus terre à terre, les lessives « deux en un » marchent sur les plates-bandes des adoucisseurs. Malgré le rinçage, la poudre laisse une bonne odeur de propre.

Parmi les tentatives infructueuses, on pourra noter la tentative sur les barquettes de fraises « boostées » artificiellement. L’odeur virait à la fraise « tagada » : trop chimique.

Cette manipulation du consommateur au sens scientifique n’a pas encore d’existence juridique bien  qu’il y ait des antécédents. Par exemple, l’imprégnation d’odeur de melon ou d’ananas dans des cageots a été sanctionnée pour tromperie sur la marchandise.

tomates_grappeMais la manipulation la plus fréquente est légale : une tomate mure exhale une palette discrète et complexe d’odeurs subtiles. Les jardiniers savent bien que les parties vertes et les feuilles de la plante présentent fortement l’odeur présupposée « caractéristique » du fruit. Le client qui ignore ce détail, préfère acheter celles présentées « en branches » même si elles sont sans « goût ».

Sur deux distributeurs de billets, l’un délivre de l’argent parfumé, l’autre pas… et bien, les clients retournent préférentiellement au premier. Et dire que ce pauvre Vespasien disait : « l’argent n’a pas d’odeur… ». En tous cas, les odeurs en font gagner.

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