Lefaur mateur

J’ai déjà eu l’occasion de vous rapporter un bon mot d’un acteur qui nous a quittés il y a 60 ans cette année : André Lefaur. Avec l’anecdote qui suit, il se confirme que ce Monsieur devait être un grand pince-sans-rire.

André Lefaur jouait dans une pièce qui rencontra un fort succès. Le nombre de représentations dépassait les trois cents alors que la programmation initiale en prévoyait une centaine. Aussi il se retrouva seul acteur de la distribution initiale. Au fur et à mesure du temps, ses confrères avaient quitté la troupe pour prendre un engagement ou par lassitude. Mais Lefaur estimait qu’un engagement est un engagement et qu’il se devait de tenir son rôle jusqu’au terme.

Au cours du deuxième acte, il se tenait à table et on lui servait invariablement un poulet en carton-pâte. Mais, un soir l’accessoiriste ne retrouvant pas son volatile, mit un gigot sur le plat de service.

Lorsque Lefaur vit arriver la viande, il lança :

«Décidément, encore une doublure de plus».

Sacré Lefaur, il mérite ma Chère Mona que nous trinquions à sa mémoire. Ce sera un Saint-Emilion Grand Cru : Clos de l’Oratoire 2007, un vin moderne mais si plaisant.  

7 de table

L'humour de Mona

La Nationale 7 fut pendant longtemps la route du soleil. Les Parisiens descendaient moins vite que de nos jours et faisaient des étapes gastronomiques qui firent les 3 étoiles du Michelin.

Ainsi Sacha Guitry et Yvonne Printemps, au faîte de leur gloire, descendant vers la Côte d’Azur, s’arrêtèrent dans un restaurant.
Le patron les reçoit avec un large sourire et un gentil mot :
-Madame, Monsieur, rentrez que je vous annonce à la salle à manger

Guitry, faussement modeste, fait signe au restaurateur avec un petit air entendu et dit :
-Non, il ne faut pas… je suis en vacances, j’aspire à la tranquillité.

Mais le patron, accompagnant le geste à la parole, les précède, pousse la porte et lance à tous :
-Et deux couverts, deux !

Et rajoute à l’intention du couple :
-Voilà Madame, Monsieur, bon appétit.

Mona pas d’orgueil même quand on en la reconnaît pas.

Pas de repetition

Pet des ménages

Si je vous parle de Saint-Evremond, vous aurez surement du mal à me citer ces œuvres. Il faut dire que cet écrivain n’a été publié qu’après sa mort. De plus, il passa quarante de sa vie en exil, mourut à Londres et est enterré à Westminster…

Mais je m’intéresserai plutôt au libertin qu’il fut. Il fut membre d’une confrérie gastronomique où l’on cultivait le goût le plus fin et le plus délicat, au point de ne vouloir manger que les perdrix d’Auvergne, du veau de Normandie, des lapins de la Roche-Guyon et des vins de Bourgogne. «M. de Saint-Evremond, dit Des Maizeaux, son ami éditeur et son biographe, se fit bien plus connaître par son raffinement sur la bonne chère que par l’attachement qu’il avait pour les dames.»

Le charme de sa conversation, son goût pour les plaisirs délicats et son esprit vif en firent un homme recherché. Mais curieusement, c’est ce même homme qui écrivit un poème dont le titre illustre le propos :

Sur un Pet qu’un Amant fit en présence de sa Maîtresse

Unique objet de mes désirs,
Philis, faut-il que mes plaisirs
Pour rien se changent en supplices
Et qu’au mépris de votre foi,
Un Pet efface les services
Que vous avez reçu de moi ?

Je sais bien, ô charmant objet,
Que vous avez quelque sujet
D’être pour moi toute de glace,

Et je confesse ingénument,
Puisque mon cul fait ma disgrâce
Qu’elle n’est pas sans fondement!

Si pourtant cet extrême amour
Dont j’eus des preuves chaque jour
Pour un Pet s’est changé en haine
Vous ne pouviez jamais songer
À rompre une si forte chaîne
Pour aucun sujet plus léger …

Mon cœur outré de déplaisirs,
Etait gros de tant de soupirs,
Voyant votre amour si farouche,
Que l’un d’eux se trouva réduit,
Ne pouvant sortir par ma bouche,
A chercher un autre conduit.

S’il est vrai qu’on ose nier
La porte à chaque prisonnier
Alors que la Princesse passe,
Ce Pet pouvait avec raison
Vous demander la même grâce,
Puisqu’il se voyait en prison.

S’il ne s’est pas fort bien conduit
Qu’il ait fait quelque peu de bruit
Lorsqu’il se fraya cette voie
C’est qu’il était si transporté
Qu’il fit en l’air un cri de joie
En recouvrant sa liberté !…

Hélas! Quand je viens à songer
À ce sujet faible et léger,
Qui cause mon malheur extrême,
Je m’écrie, en ma vive ardeur:
Fallait-il me mettre moi-même
Près de vous … en mauvaise odeur?

Si pour un Pet fait par hasard,
Votre cœur ou j’ai tant de part,
Pour jamais de moi se retire,
Voulez-vous que dorénavant
Vous me donniez sujet de dire
Que vous changez au moindre vent ?

Ne faîtes donc point d’autres choix;
Et puis que votre âme à mes lois
S’était soumise toute entière,
Soyez telle qu’auparavant,
Ou l’on dira que mon derrière
M’a fait perdre votre devant.

Cette flatulence n’eut heureusement pas de suite fâcheuse puisque Saint-Evremond rendit hommage, bien plus tard, à Philis par ces vers en apprenant sa mort.

Mona, j’ai entendu un bruit : ni un orage, ni un zéphyr, juste une petite brise. Ne me dites pas que … oh non pas vous ! Bon si vous avez des embarras gastriques, il faut un vin bien sec : Le Riesling Smaragd 2007 du Domaine Pichler est un vin phénoménal. Une finesse qui dure longtemps en bouche : le mariage d’une clémentine et d’une pierre. Décidemment, l’Autriche produit de très grands vins blancs ! 

A lire : L’ivre mort

J'ai même pas trouvé de Gamma GT. Et pourtant, j'ai bien cherché...

J’étais assis dans la salle d’attente d’un médecin qui me prescrirait une prise de sang pour surveiller mon taux de cholestérol, d’acide urique et mes gamma GT (gamma glutamyl-transpeptidase) ; en un mot tous ces dysfonctionnements liés à ceux qui aiment bonne chère et bons vins. Je feuillettais une revue. Comme souvent, ce sont des numéros plutôt anciens dont la couverture manque et qui ont été tripotés par de nombreuses mains plus ou moins fébriles et malades… Donc, disais-je, je parcourais distraitement le Point de novembre 2010 (message personnel : Doc, il serait temps de renouveler vos revues). C’est à cette époque que Michel Houellebecq avait décroché le Goncourt pour son roman : La carte et le territoire. Je dois vous avouer que je n’ai pas lu ce best-seller, mais cet article m’a beaucoup fait rire…

Page deux cent quarante-sept, Patrick Le Lay[1], ancien directeur général de TF1, s’étale ivre mort sur les pavés de l’hôtel particulier de Jean-Pierre Pernaut. Il vient de boire au goulot une bouteille de Chateauneuf-du-Pape, d’agonir son hôte d’insultes grossières et rampe, le front ensanglanté, sous l’œil navré des autres convives. La scène est désopilante.Moins cependant que celle qui a lieu, dans la réalité, quelques semaines après la sortie du livre de Michel Houellebecq. Consacré en littérature comme le dernier des pauvres types, Patrick Le Lay, le vrai, s’était jusque-là sagement abstenu de protester. Mais il est convié à dîner avec, entre autres invités, l’auteur qui vient de le transformer en symbole aviné de la vulgarité télévisuelle. Il se décide donc à dire deux mots de son personnage à l’écrivain, qu’il n’avait encore jamais rencontré.  » Je voulais lui préciser, avec humour, le caractère invraisemblable de mon personnage : je suis sûrement le seul Breton de la capitale à ne jamais boire une goutte d’alcool « , dit-il. Mais lorsque Le Lay se pointe au dîner, Houellebecq est déjà… ivre mort. » Il était impossible de lui parler. Nous avons été placés l’un en face de l’autre à table, et j’ai passé ma soirée à l’empêcher de se resservir du vin et de tacher la nappe. Je suis certain qu’il a ignoré, jusqu’au bout, qui il avait en face de lui.  » La scène est presque trop belle : l’auteur et son personnage – le premier ayant visiblement prêté au second ses penchants éthyliques – dans un face-à-face mondain sinistre et parfaitement surréaliste

Mona, mes résultats sont bons. J’échappe au régime sec. Aussi, je vous propose d’arroser çà. Si vous aviez l’amabilité de sortir deux verres, je vous sers un Beaune 1er Cru Les Tuvilains 2007 du Domaine Denis Carré. Pour moi, ce millésime est actuellement parfait pour se faire plaisir et ce vigneron confirme une réussite régulière de ses vins mais sans l’esbroufe qui fait vibrer le microcosme parisien.


[1] C’est lui dit disait : Notre boulot à TF1, c’est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible.

Çà fait « papauter »

A la lecture du courrier de Théo Laugiens, je me suis posée des questions. Pourquoi moi ? Pourquoi ce Théo s’adresse à moi ? En effet, notre lecteur me demande «pourquoi le Pape, lors de son élection change de prénom et n’utilise plus son nom de famille ?»

Pour un journal épicurien, le sujet semble peu adapté. Même si, au cours des siècles, de nombreux souverains pontifes sont plus connus pour leur vie faste et agitée que pour leurs bulles !

Selon la tradition, le premier Pape qui changea son nom fut Serge II, élu en 844. On évoque un nom de famille lourd à porter. En effet, le cardinal s’appelait Os Porci que l’on peut traduire par groin de porc… Est-ce dû à une déformation du visage d’un de ces ancêtres ou de lui-même ? On ne le sait. Mais il faut avouer que pour diriger l’Eglise de Rome, çà fait tâche. Et certains historiens ont repris cela sans vraiment vérifier.
Heureusement pour vous, mes petits chats, Mona,elle, scrute homme et sujet à fond. Et je suis en mesure de rétablir la vérité. Certes, il y eut bien un Serge IV, pape élu en 1009 qui s’appelait Groin de Porc[1]. Mais lors de son élection, la tradition de changer de nom était bien établie.

Mais alors me direz-vous qui c’est ? Ne nous laissez pas, Mona, phare de l’intelligence et déesse de la beauté et du savoir, dans notre vide culturel. … Bon ok, j’y viens. Doucement, y a pas le feu, comme dirait Pierre Cauchon

Au cours des premiers siècles, seuls les cardinaux qui avaient un prénom païen en changeaient pour en prendre un chrétien. Et pourtant en 983, le Cardinal Campanora fut porté sur le fauteuil de Pierre[2]. Il se prénommait justement Pierre : plus chrétien, tu meurs ! Mais il s’estima indigne de porter le prénom du premier pontife. Il devint Pape sous le nom de Jean XIV. Depuis les Papes adoptent un prénom qui devient leur patronyme.

On peut trouver deux explications : tout d’abord les Papes étaient de puissants souverains et comme les Rois, ils étaient connus avec un prénom suivi d’un chiffre, style Louis XIII, XIV, XV… Ensuite, dans la Bible, les hommes choisis par Dieu changent leur nom : Abram devient Abraham, Jacob devient Israël, Simon devient Pierre et Saul devient Paul…

Et voilà le travail. Alors Théo Logien, j’espère que vous vous sentez moins ignorant qu’hier. Bon, ben Mona peut rentrer chez elle dans sa voiture douze soupapes, avec le sentiment du devoir accompli et non à complies[3].

Mona-thé ou café ?


[1] Avait-il un lien de parenté avec l’évêque Pierre Cauchon (et non Cochon) qui organisa un barbecue géant pour Jeanne d’Arc ?
[2] Pierre était un apôtre de Jésus et fut désigné par lui comme chef de l’Eglise, autant dire comme Pape.
[3] C’est la dernière heure de l’office divin, destinée à précéder immédiatement le repos de la nuit.

Le vin… c’est maintenant ?

Vous savez que notre journal est apolitique. Mais soutenant depuis toujours la cause du vin, nous ne pouvons que nous réjouir des propos tenus par notre nouveau Président de la République. Je vous ai mis les interviews en dessous de François Hollande alors qu’il était candidat. Vous pourrez constater que l’on peut espérer enfin une décorélation entre le vin et les alcools. En effet, même si le vin contient de l’alcool, il n’est pas bu de la même manière et mérite un statut à part.

Je veux croire que le vin sera reconnu comme un produit culturel, appartenant à notre patrimoine et à notre histoire ; je vous rappelle que cette reconnaissance a déjà été enregistrée par certains de nos voisins.Nos vins ne doivent plus être reconnus par les marchés internationaux. Ils doivent être célébrés et défendus sur notre sol.

Bon Mona, pour fêter çà, je vous invite à goûter ce Chambolle-Musigny 1er Cru Les Charmes 2003 vinifié par Christian Amiot-Servelle. De la dentelle, du fruité, la civilisation quoi ! Allez Mona, deux verres je vous prie.

Les petits plats dans l’écran…

Michael Todd (1909-1958) est un producteur de théâtre et de cinéma américain qui reçut l’Oscar du meilleur film en 1957 pour « Le Tour du monde en quatre-vingts jours ». En 1956, il venait de rencontrer Elizabeth Taylor qu’il allait épouser également en 1957[1]. Leur idylle n’était pas encore connue. L’actrice se rendit incognito à un dîner organisé par des amis de son amour de producteur. La maîtresse de maison regardait Liz avec insistance depuis un bon moment lorsqu’elle dit :

-Ah, çà y est, j’ai trouvé : vous ressemblez énormément à Elizabeth Taylor, mais vous êtes beaucoup plus enveloppée…

Oh, la boulette ! Il certain que la star hollywoodienne eut a divers époques de sa vie des différentes de taille importantes. Mais lors de cette soirée à la décharge de la gaffeuse, il faut dire que l’actrice était enceinte…

Mona pas changé, mince alors ! Elle a gardé sa taille mannequin.


[1] C’est le seul mari dont elle ne divorcera pas. Todd est mort dans un accident d’avion.

Le vin Dieulafé

Un bon médicament

Il se trouve dans le vin à l’état potentiel, et ne demandant qu’à se déclencher, toute la force emmagasinée du soleil, de l’ardent soleil qui a mûri la grappe, qui a doré le grain.
Buvez du vin car un litre de vin contient la huitième partie de la ration alimentaire de l’homme et les neuf dixièmes de sa bonne humeur.
Buvez du vin, il vous nourrit, vous fortifie et vos préserve de la maladie.
Buvez du vin, c’est aliment, c’est un stimulant, c’est un médicament.

Oh, purée mon frère, t’es ouf ! Un doc qui balance çà de nos jours, il est radié de l’ordre. On lui fait avaler son serment d’Hippocrate, je te jure. On lui explique qu’il a dû confondre serment et sarment. Et pourtant Docteur Dieulafé vous fûtes une sommité de la fac de Toulouse dans les années 30. Alors, il faut croire que les choses ont bien (ou plutôt mal) changé.

Mais nous Mona, on continue à se soigner comme au bon vieux temps. Allez venez que je vous administre votre médication du jour : un Médoc 2008 du Château Campillot. Avec sa dominante merlot, ce vin est rond avec d’élégants tannins. Ce sera très bon et bon pour votre santé, ma Chère Mona. A la votre !

Rien ne Bresse

Quand c'est la faim, c'est la fin

Edouard Herriot (1872-1957) est un homme politique hors du commun : Député-Maire de Lyon, Ministre à de nombreuses reprises, Président du Conseil, Président de la Chambre des députés… En 1946, il est élu à l’Académie Française. N’en jetez plus !

Bien qu’il ne fût pas Lyonnais de naissance, il adopta très vite le mode de vie de la capitale des Gaules et tomba amoureux de sa cuisine et ses vins.

Grand mangeur, il aimait dire que la politique, c’est comme l’andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop.

Avec les années, et les nombreux gueuletons, sa santé se fragilise. Son médecin lui conseille vivement de réduire ses rations. Mais le bonhomme aime trop la table.

Le docteur demande au chef de cabinet d’Herriot de le surveiller et de le rappeler à la raison.

Dans un restaurant, Herriot va déjeuner. Il hésite entre divers plats de la cuisine lyonnaise : cochonnaille, quenelles, volaille de Bresse, tablier de sapeur, gratin dauphinois, Saint Marcelin… et finalement élabore un menu digne de Pantagruel. Son chef de cabinet intervient…

Herriot qui a passé commande, rappelle la serveuse et lui dit :
– Soyons raisonnable, supprimez la salade.

Voilà un gastronome qui force le respect. Mona, un Beaujolais s’impose. Comme le dit Léon Daudet : Lyon est une ville arrosée par trois grands fleuves : le Rhône, la Saône et le Beaujolais. Allez, je sers un Morgon 2010 de Marcel Lapierre. Quel vin ! D’une puissance incroyable mais sans excès et quel fruit !