Des dents comme dehors

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Cette semaine est la traditionnelle cérémonie des primeurs à Bordeaux. Les Châteaux présentent à la presse, sommeliers et acheteurs leur dernier bébé qui s’appellera 2014. Le seul hic, c’est que le vin est encore loin d’être prêt et il faudra patienter encore quelques mois avant qu’il ne soit embouteillé et qu’il quitte ses chais pour rejoindre votre cave. Par contre l’acheteur devra sortir son carnet de chèques et ainsi financer la propriété. Jusqu’à ces dernières années, tout le monde y trouvait intérêt car le prix de sortie du vin en primeur était inférieur à celui du vin en bouteille. Mais au fur et à mesure que les prix montaient, les plus-values réalisées par les acheteurs devenaient importantes. Et les châtelains ont voulu récupérer la plus grosse marge et ont fortement augmenté les prix des primeurs. Ainsi, sur les derniers millésimes, la plus-value n’existe plus sur la grande majorité des étiquettes. De quoi se demander si à force de chercher le profit maximum, on n’est pas en train de tuer la poule aux œufs d’or.

Bon, stoppons la ce cours d’économie vineuse. Durant cette semaine, de très nombreux événements se déroulent organisés par les diverses appellations ou par des associations de vignerons. Et Lépicurien, toujours en chasse de crus à son goût, me largue comme une vieille chaussette. Dès le matin il m’abandonne et court à travers la campagne girondine pour assouvir sa passion.

Alors que nous sommes au milieu de ce périple, je pousse un cri et attire l’attention de tous les dégustateurs  professionnels : faîtes gaffe à vos ratiches.

En effet des chercheurs de l’université d’Adelaïde ont étudié les dents de professionnels du vin. Ils ont les crocs en mauvaise santé. Les jeunes vins sont bourrés d’acidité et érodent l’émail de leurs dominos. Et selon ces savants, l’action est rapide puisque dix minutes suffisent. Bien entendu, toutes les boissons acides telles que les jus d’orange, pamplemousse… et les boissons énergisantes. Mais cependant le dégustateur de vin en laissant le liquide quelques secondes dans sa bouche et en aspirant de l’air pour en apprécier les qualités, est très exposé.

Aussi, j’ai conseillé à Lépicurien de suivre les conseils des Australiens pour ne pas avoir ses magnifiques crochets se transformer en chicots noirâtres. Alors quand il rentre de ses expéditions bachiques, il a les dents si noires qu’on dirait qu’il a embrassé une seiche. La tentation est d’utiliser sa brosse à dents pour se blanchir le clavier buccal. Eh bien faut pas ! Selon les voisins des kangourous, il ne faut pas se frotter les osselets. Alors que faire quand on veut retrouver une haleine fraîche ?

Le matin d’une dégustation, en lieu et place de votre séance de brosse à dents, utilisez des gommes à mâcher. Au retour, rincez-vous avec de l’eau en utilisant un de vos doigts sur lequel vous aurez déposé un peu de dentifrice.     

Enfin si vous passez votre vie avec un verre à la main, consultez votre dentiste qui vous prescrira des agents reminéralisants (calcium, phosphate et fluorure) pour enrober et protéger vos dents. Alors si vous voulez éviter il n’y ait plus de tabourets dans la salle à manger, soignez vos ratiches.Quand c’est gâté, c’est gâté : il faut se faire repaver les bec et ça coûte bonbon !

Mona un râtelier de première bourre.

Quel sein… patron

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Vous savez le bonheur que j’ai de travailler pour Lépucurien. Ce grand homme m’a tellement appris de choses que je lui dois tout et c’est presque du vol qu’il me gratifie d’une rémunération. C’est bien entendu la connaissance du vin qu’il m’a transmise. L’éventail incroyable de crus qu’il m’a proposé m’a permis de comprendre les subtilités du jus de la treille et même si je ne lui arrive qu’à la cheville lorsque nous sommes un verre à la main en train d’écouter le vin, je suis très fière du chemin parcouru. Un jour de dégustation, je voulus en savoir plus. Comment ce génie avait-il pu emmagasiner tant de connaissances sur la boisson de Bacchus. Lépicurien se fit un plaisir de me raconter son long apprentissage. Je reprendrai in extenso les paroles employées pour expliquer cette passion dévorante :  

Tout petit déjà, j’ai aimé la dégustation, me dit Lépicurien. Aussi loin que remontent mes souvenirs, me reviennent de longues tétées gourmandes et moi qui essayais de distinguer le goût du sein droit de celui de gauche sous le regard tendre de ma maman qui avait une devanture de première bourre, style melon de cavaillon. Et chaque jour selon ce que ma mère avait mangé, je pouvais distinguer poisson, viande, légumes… En grandissant, je demandais à ma cousine de me mettre dans le bec toutes sortes de choses : carambar, calisson, bêtise de Cambrai, nougat, chocolat… et mémorisais toutes ces sucreries. Lorsque ma mère allait au marché, j’avais plaisir à l’accompagner. Là, les yeux fermés, je m’approchais des étals et sentais à pleins poumons les effluves de poisson, viandes, fruits… et même qu’un jour je me suis retrouvé sous les jupes d’une imposante commerçante. Je reniflais à pleins naseaux son persil dru comme du crin qui dépassait du cabas. Je reçus une baffe mais cette odeur resta gravée dans ma mémoire bien que je ne l’aie jamais retrouvée dans aucun flacon.

Ainsi parle mon mentor, mon maître, mon patron. Que c’est beau cette vocation précoce.
Mona tellement de chance de l’avoir…

Rythme d’enfer

Décidément l’égalité homme/femme et employée/patron, c’est pas encore pour aujourd’hui. Je suis obligée d’écrire sur le téléphone et donc utiliser l’identité de Lépicurien. Je corrigerai dès que je trouverai un ordinateur.
C’est sur un rythme élevé pour moi que nous dégustons : pas moins de quatre domaines hier avec 10 à 15 vins par propriété ; exercice d ‘autant plus difficile que Lépicurien ne m’a pas appris à cracher.
Mais enfin, je tiens le choc. La journée s’est finie avec un dîner dégustation avec une vingtaine de grands vins dont nombre de grands Crus (Clos de Tart, Corton…).
Que du bonheur !
Mona a tout goûté et a su rester digne.

Tire-bouchon

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Pour un bon tire-bouchon, combien d’objets niaiseux ? De gadgets ? ! !..Vrilles faisant forets taraudant le bouchon, le découpant ; les qui pincent les doigts, massacrent les phalanges, endolorissent la paume de la main…

  1. Le bon couteau sommelier, outil de professionnel (faisons leur confiance) : il fait levier, il doit faire 6 cm de long et avoir 5 spires.
  2. Le “ screw-pull ” est d’emploi facile mais perçant le miroir, de légers débris de bouchon sont à craindre.
  3. Les injecteurs de gaz qui expulsent le bouchon sont remarquables pour… traumatiser les vins vieux !tire bouchon6
  4. Les bi-lames demandent un petit coup de main… mais laissent le bouchon intact et pas de dépôt dans le flacon.

TIRE-BOUCHON002Qui fut inventé en premier ?
Le bouchon ou le tire-bouchon ?
L’œuf ou la poule… air bien connu !

Un simple T en acier torsadé apparaît en Angleterre vers 1680. Cet objet, dérivé des tires-balles de l’armée, a un usage plus pacifique. Le tire-bouchon est né et il est bien anglais : la vrille est dextrogire (qui tourne à droite)… cette forme ne survit plus que chez les marchands de farces et attrapes. Devenu objet culte ; Chablis, Rouen, Ménerbes possèdent leur musée du tire-bouchon. Certaines  pièces de collection coûtent plus cher qu’une caisse de grand vin ! A tout choisir…préférons l’essentiel à l’accessoire.

En allant sur cette adresse, vous trouverez quelques jolies pièces de collection (en anglais) et sur ce site, une magnifique collection (en espagnol).

Bon, Mona, puisque vous avez un tire-bouchon, sortez donc deux verres…

Le Melon de Bourgogne ou Muscadet

muscadet1Ce cépage a émigré de sa Bourgogne natale au XVII° siècle vers le pays Nantais qui est devenu avec plus de 11.000 ha son aire de prédilection. Sa résistance au terrible hiver 1709 (la mer aurait gelé le long des côtes) qui dévasta l’ensemble du vignoble, lui a permis de s’implanter définitivement.
Sa progression dans le vignoble nantais fut cependant assez lente. Il ne s’imposa majoritairement qu’après la crise du phylloxéra au début du XXème siècle .

Le Melon de Bourgogne tient son nom de la forme ronde de ses feuilles qui fait penser à un melon. En pays nantais, il est appelé couramment Muscadet pour la couleur du raisin qui rappelle les dorures de la pomme de type muscadet.

Délaissé dans sa région d’origine, il a trouvé en pays nantais un sol et un climat favorables. C’est un cépage précoce qui se récolte dès la mi-septembre. Ce vin a eu longtemps une mauvaise réputation : vin simple donnant mal à la tête juste accepté avec quelques coquillages et devant être bu et pissé rapidement.

Si vous voulez boire un excellent Muscadet, rapprochez vous de deux vignerons qui produisent de très grands vins : Guy Bossard et Jo Landron vous feront changer d’avis sur ce vin qui devient avec eux, vin de caractère et vin de garde…aussi surprenant que cela puisse paraître.

Mona, un petit coup de Muscadet, çà vous fera penser aux vacances… donnez votre verre.

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Guy Bossard & Jo Landron

Le « connaisseur »

buveurTout le monde en a un dans sa famille ou parmi ses relations. Que ce soit à table, lors de la soirée d’inauguration d’une foire aux vins, à Vinexpo (parce que le copain d’un copain de son oncle maternel a travaillé dans un château et lui a obtenu une invitation, bien qu’il ne soit pas professionnel) ou à la Saint-Vincent bourguignonne, son comportement est le même : un rapide tour d’horizon et il se précipite vers les appellations prestigieuses ou les grands crus. D’entrée, ses aristocratiques papilles dédaignent les “ petits ” St Emilion, les “ petits ” Pommard. Pour lui, un Médoc s’efface devant un Haut-Médoc qui par définition ne peut rivaliser avec un Pauillac. Il est péremptoire : “ je n’en goûterai que deux ou trois…mais uniquement des grands ! ”.

Il connaît par coeur le cru qu’il a dans son verre : parfois, son verbiage descriptif ampoulé commence avant même d’avoir eu le vin dans la bouche. Il recrache, non pas le vin (« c’est trop bon, quoi… »), mais le dernier commentaire de son gourrou américain dont il a lu et appris tous les ouvrages. Il vous met en demeure d’apprécier et aura, de toute façon, toujours le dernier mot : quel merveilleux vendeur ferait-il dans la grande distribution ! Voler au secours du succès est sa vocation.
Faites-lui goûter une de vos découvertes, un de ces vins d’oenophile, il condescendra à y trouver quelques mérites mais… mais… il ne pourra s’empêcher d’ajouter : “ il ressemble à château X , en moins étoffé, bien sûr ” ou “ à Clos Y, mais en bien plus acide ”. Vous ne le surprendrez jamais : il connaît tout ; du moins tout ce qui a déjà été sacralisé :

c’est le “ buveur d’étiquettes ”.

Chassez le naturel, il revient toujours au goulot !!!

Degré ou de force

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Combien de vins sont bus à mauvaise température. Nombre de restaurateurs ayant retenu que les vins blancs doivent être servis frais, les enferment dans un seau bourré de glace et plissent une serviette dessus (comme pour empêcher, tout air réchauffé de rentrer en contact avec la bouteille. De même, pour les vins rouges, ils les servent « chambrés » : ce qui signifie que la bouteille a somnolé des jours près de la cheminée ou dans l’atmosphère surchauffée de la salle à manger. Il suffit de retenir que le froid paralyse les arômes et que la chaleur augmente la sensation d’alcool pour comprendre que le résultat ne sera pas à hauteur de vos attentes. Aussi, voici quelques repères :

Champagne Brut de 8 à 10°

Champagne Millésimé de 9 à 11°

Tête de Cuvée ou « R.D »* de 11 à 13 °

Blancs de Bourgogne et de Graves de 12 à 13°

Alsace Grands Crus et Blancs aromatiques de 10 à 12°

Blancs secs légers, acidulés de 7 à 9°

Rouges légers et fruités de 14 à 15°

Rouges de Bordeaux et Sud Ouest de 16 à 18°

Rouges de Bourgogne de 15 à 17°

Moelleux et liquoreux de 8 à 10 °

Grands Liquoreux de 10 à12°

Vénérables et grandioses liquoreux de12 à 14°

Porto, Banyuls… de 16 à 18°

Vin Jaune du Jura de 15 à 18°

Quelques conseils :

N’oubliez pas que le vin prend rapidement 1 à 2° dans le verre. Aussi, le servir un peu frais est une erreur qui se rattrape facilement alors qu’un vin servi trop chaud….

1.         N’hésitez pas à placer quelques minutes un vin rouge dans un seau d’eau fraîche si l’on doit prolonger le service (surtout en été). Un passage au réfrigérateur d’un vin rouge peut être salutaire.

2.         Enfin, ces règles ne sont des ukases, mais, retenez qu’en dessous de 7°, vos papilles seront anesthésiées et qu’au dessus de 20 à 22°, les grands vins rouges se dénaturent et se déséquilibrent.

Une histoire de gros saouls

Trois des plus grands collectionneurs de prestigieux flacons se réunirent dans un restaurant parisien. Chacun avait extrait de sa cave le flacon le plus fabuleux, le plus ancien, le plus extravagant pour la dégustation la plus onéreuse et la plus médiatisée de l’histoire. Cléopâtre et ses perles dans son vinaigre, allait paraître bien chichiteuse !

Black Appart de Boston, commentait son Lafite 1730 :  » Il est plein de poussières du temps, il a la suavité de la dentelle jaunie … en un mot, il est sublime de vieillosité ».
Il expliqua alors à ses commensaux qu’il avait soufflé cette dive bouteille à la barbe d’un émir et d’une baronne anglaise pour à peine plus de 60.000 $ lors d’une vente aux enchères.

tokaj1Li Vin Jon, dit Ming De Rien, arrivé tout droit de Shanghai, fit cérémonieusement servir un Tokaj 1750 provenant directement de la cave du Tsar Nicolas II. Il avait payé ce flacon un peu plus de 75.000$ à un ancien apparatchik, qui, après avoir siégé au comité central d’une des républiques de l’ex Union Soviétique, s’était reconverti dans les affaires. « Sentez ce nez de fruits blets, de guano sec … sentez vous sous la langue les débris du bouchon d’origine ? « 

« Vous n’avez encore rien vu! Attendez vous à recevoir un coup de pied dans les Pouilles », s’exclame grossièrement Marco Goulo, grand collectionneur napolitain, en brandissant galgr171une amphore de Lacryma-Christi. Il m’a fallu débourser 180.000$ pour goûter ce nectar de plus de 1.500 ans. En effet, j’ai du en acheter deux. Mais, mon chauffeur en a cassé une ! Comme on dit chez nous, une de Padoue, dix de retrouvée, ah, ah, ah ».
Après avoir bien rigolé et goûté l’antique breuvage, les commentaires vont bon train :
« Subtil, dilué d’aromates verdurés … odeurs de térébenthine, le tout rehaussé par une touche de varech décomposé … Et quand je pense qu’elle n’est restée que 10 siècles sous la mer …c’était vraiment une affaire à ce prix là « .

Repus et comblés, ils demandent au sommelier du lieu de leur servir la bouteille de son choix pour les étonner. L’homme de l’art revient avec une carafe contenant un étrange liquide : « rouge sombre, limpide … Comme c’est bizarre, et cela sent les fruits rouges, le bois grillé, et en bouche, cela vous tapisse le palais … et, de plus, cela ne fait même pas mal à la gorge quand on l’avale. Allons, ne faîtes pas durer le suspens, montrez nous l’antique bouteille que vous avez servie « 

– Et bien, il s’agit d’un Médoc, Tour Haut-Caussan 2005, un vin de Médoc vendu sur notre carte à 30 €.

Depuis ce jour, le trio des buveurs de dollars vexé décida de se réunir dans une autre ville.