A table Joseph soigne sa ligne… (du parti)

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Un livre vient de paraître : Dictators’ Dinners. Cet ouvrage dans la langue de Shakespeare décrit les attitudes de ces despotes. J’ai retenu l’un des plus sanguinaires : Joseph Staline. Comme dans beaucoup de domaines, il était excessif : il mangeait et buvait plus que de raison. Il passait des heures à table à dévorer de la cuisine russe et à avaler de la vodka et des vins géorgiens.

Un de ses plaisirs était de montrer sa puissance à ses hôtes et à les humilier. Tous ne pouvaient suivre les orgies du dictateur et dans ce cas, Staline en profitait. Il les invitait avec empressement à boire de l’alcool et remplissait les verres jusqu’à ce que l’invité tombe de sa chaise, roule à terre, vomisse et devienne incontinent. Tito, le chef d’Etat Yougoslave raconte que lors d’une de ces soirées, ne voulant pas se ridiculiser devant le tyran préféra vomir dans sa manche…

Avec Mona, nous avons tant de plaisir à être à table qu’il nous est particulièrement difficile de savoir que des hommes en détournent le but et profitent de ces moments pour rabaisser leurs semblables.

Ma Chère Mona, cet article m’a retourné et, exceptionnellement, je ne vous déboucherai pas de bouteille aujourd’hui… Ecœuré.

La légende des siècles

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Victor Hugo était un monument national de son vivant. Nous avons déjà eu l’occasion de vous raconter une anecdote qui confirme cela. Mais, au moment de sa mort, tout devint exceptionnel. Tout d’abord le cercueil de l’écrivain fut exposé sous l’Arc de Triomphe qui fut le temps d’une journée et d’une nuit une chapelle ardente. Le 1er juin 1885, se déroulèrent des obsèques nationales. Et là encore, tout est hors du commun. Le corps qui devait reposer au Père Lachaise sera finalement déposé directement au Panthéon. A 10h30, on tire 21 salves depuis l’hôtel des Invalides au moment où le cortège se met en marche sur les Champs Elysée. Une foule immense accompagne le grand homme. On avance le chiffre d’un million de personnes (voire plus) qui lui auraient rendu hommage.

Cet homme de démesure était décédé le 22 mai 1885 Avenue Victor Hugo, nom donné de son vivant à cette artère parisienne. L’émotion est immense. Parmi les hommages, peu de livres rappellent que les filles de joie offrirent gratis leur passe ce jour là pour rendre hommage à ce génie qui les fréquentait avec assiduité et gourmandise.

Il faudra 8 heures pour que la dépouille arrive au Panthéon tellement il y a de monde. Des salves sont tirées toutes les 30 minutes. 

Le Panthéon monument dédié «Aux grands hommes la patrie reconnaissante» fut construit sur ordre de Louis XV pour être une église consacrée à Sainte Geneviève, protectrice de Paris. Mais les travaux prirent tant de retard que c’est en 1790, sous la Révolution, qu’il fut achevé. Ce qui devait être une église devient une nécropole laïque pour les héros de la patrie. Napoléon lui rend sa destination première et le confie au culte catholique. Puis en fonction des changements politiques, le Panthéon est un coup laïc, un coup religieux… C’est finalement pour Victor Hugo que le Panthéon est définitivement établi comme le lieu de repos des grands hommes honorés par la République.

Bon avec un texte comme ça, vous ne pourrez pas dire que nous négligeons la culture. C’est bien simple si nous étions moins modestes, on postulerait pour l’habit vert, une manière de choper l’éternité comme Totor.

Et ceux qui n’adhèrent pas ne sont que des Misérables.

Pour penser à ce géant, je vous propose, Mona un vin de Margaux : Château d’Issan 2009. Ce Cru Classé progresse sans cesse pour nous donner des vins de grande classe.

Quelle Beauharnais !

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Les résultats des élections sénatoriales m’ont faite bondir. Non pour des raisons politiques qui me passent très largement au dessus de la tête. A force nos hommes politiques ont réussi à nous rendre au minimum indifférents à leurs gesticulations et élucubrations.

Non ce qui a déclenché mon courroux, c’est la part congrue réservée au beau sexe. Alors que des lois sont censées favoriser la parité, seules 87 femmes siègent au Palais du Luxembourg soit 25% du nombre de sénateurs. Pendant que j’y suis, je trouve également insupportable que la moyenne d’âge soit de 66 ans, âge plus adapté à la retraite qu’au vote des lois, et que plus de 75% de ces messieurs soient des cumulards. Seul espoir pour un rajeunissement et une féminisation de la haute assemblée, en 2017, ils devront choisir pour ne conserver qu’un mandat électif. Ouf !

Ayant vidé un peu la surcharge de bile qui me gênait, je veux continuer à rendre hommage aux femmes qui notamment sous la Révolution ont fait part de courage et d’héroïsme.

Aujourd’hui, je m’intéresse à Émilie de Beauharnais, comtesse de Lavalette. Cousine de Joséphine, elle est mariée, en 1798, à Antoine-Marie Chamans, comte de Lavalette, officier du général Bonaparte. Durant le Consulat et l’Empire, il devient un haut fonctionnaire très proche de Napoléon.

Mais durant la Restauration, il est arrêté et condamné à mort. C’est là qu’Émilie rentre en piste. Elle supplie le roi Louis XVIII de la gracier. Demande refusée. Qu’à cela ne tienne, elle décide contre l’avis de ses proches de faire évader son mari. Le 20 décembre 1815, à la veille de l’exécution, elle se rend à la prison de la Conciergerie accompagnée de sa fille. Elle profite de cette dernière visite au condamné. Elle se déshabille et revêt son homme de sa robe, de son chapeau. Et contre toute attente, l’évasion réussit. Au bras de sa fille, le Comte sort et se réfugie en Bavière.

La supercherie est découverte rapidement et la Comtesse est condamnée à un mois de prison. Cette épreuve la marquera. Avec la mort de sa fille, elle perd petit à petit la raison. En 1822, le Comte est gracié. Il reviendra auprès de sa femme. En 1830, il meurt laissant Emilie veuve pour 25 ans…

Mona de l’admiration pour cette Émilie.

Bière tombe mal

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Le 11 mai 1880 un enterrement se déroule à Rouen. Quelques écrivains ont fait le déplacement depuis la capitale : Émile Zola, Alphonse Daudet, Edmond de Goncourt, Théodore de Banville et Guy de Maupassant. Zola immortalisera ce moment. Il est fort étonné du peu de monde qui assiste à l’inhumation de ce grand homme Gustave Flaubert, à croire qu’à la veille de sa mort, il était inconnu des quatre cinquième de Rouen, et détesté de l’autre cinquième. Voilà la gloire.

Après un office religieux ennuyeux, le cortège se rend au cimetière. Et là stupeur, le cercueil est trop grand pour rentrer dans le caveau :

Et, alors, s’est passé un fait qui nous a tous bouleversés. Quand on a descendu le cercueil dans le caveau, ce cercueil trop grand, un cercueil de géant, n’a jamais pu entrer. Pendant plusieurs minutes, les fossoyeurs, commandés par un homme maigre, à large chapeau noir, une figure sortie de Han d’Islande, ont travaillé avec de lourds efforts ; mais le cercueil, la tête en bas, ne voulait ni remonter ni descendre davantage, et l’on entendait les cordes crier et le bois se plaindre. C’était atroce ; la nièce que Flaubert a tant aimée sanglotait au bord du caveau. Enfin, des voix ont murmuré : «Assez, assez, attendez, plus tard.» Nous sommes partis, abandonnant là notre «vieux», entré de biais dans la terre. Mon cœur éclatait.

Décidément une journée noire pour ses amis…

Ma chère Mona, on ne rit pas dans des moments pareils, mais la situation fut cocasse. Et à la mémoire d’Emma Bovary, Salammbô, Frédéric, Bouvard et Pécuchet, portons un verre à cet auteur qui nous a laissé tant de chefs d’œuvre. Pour ce je débouche un Limoux, méthode ancestrale. A base de Mauzac ; au nez et en bouche des notes prononcées de pomme. On se croirait en Normandie…et puis c’est mieux que d’ouvrir une bière !

Article écourté ?

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Il y a 220 ans, venait de se terminer une des périodes les plus noires de notre histoire : la Terreur. C’est en effet, le IX Thermidor (soit le 27 juillet 1794) qu’eut lieu la chute de Robespierre.

Ce même jour une des dernières victimes de cette boucherie a retenu mon attention :

Françoise-Thérèse de Choiseul-Stainville (1767-1794) mariée jeune, en 1782, au prince Joseph de Grimaldi Monaco. Durant les années révolutionnaires, le couple quitta la France. Mais de leur union, naquirent deux enfants qui restèrent à Paris.

Ne supportant pas cet éloignement, Françoise rentra en France. Arrêtée en 1793, elle repartit libre en sa qualité de princesse étrangère. Mais la même année, la principauté fut annexée par la France. Le 10 ventôse an II (28 février 1794) elle fut emprisonnée. D’une grande beauté, elle attira les regards empressés d’autres prisonniers. Mais elle les repoussa.

Condamnée à mort, comme le voulait la tradition sanguinaire de l’époque, elle ne montra point la moindre émotion.
Cependant, elle annonça au tribunal qu’elle était enceinte, ce qui automatiquement retardait l’exécution après l’accouchement. Le soir même, un médecin, un pharmacien et une sage-femme l’examinaient dans sa cellule. Leur rapport est clair :

« Nous avons examiné et visité la nommée Thérèse Stainville, épouse de Joseph Monaco, âgée de 26 ans, déclarée être enceinte de deux mois et demi. Notre examen ne nous a fourni aucun signe de grossesse. Ce VIII thermidor, l’an II de la république une et indivisible.

La sentence devenait exécutoire. Pour sauvegarder son honneur, elle écrivit à Fouquier-Tinville :

« Je vous préviens, citoyen, que je ne suis pas grosse. Je n’ai point sali ma bouche de ce mensonge dans la crainte de la mort, afin de couper moi-même mes cheveux et de ne pas les donner coupés par la main du bourreau. C’est le seul legs que je puisse laisser à mes enfants, au moins faut-il qu’il soit pur. »

En effet, la Princesse ayant brisé un carreau réussit à couper une natte ses cheveux, ultime cadeau à ses deux filles.

Le IX Thermidor, la charrette l’emmena à destination de l’échafaud. On a retenu ses paroles :

« Citoyens, je vais à la mort avec toute la tranquillité qu’inspire l’innocence ; je vous souhaite un meilleur sort. »

Enfin s’adressant à une de ses compagnes de châtiment, elle lui dit :

« Courage, ma chère amie, du courage ; il n’y a que le crime qui puisse montrer de la faiblesse. »

Quelle noblesse et quelle leçon.

A une journée près, elle aurait put échapper au supplice…

Décidément, ma chère Mona, cette Révolution est sanguinaire. Cependant, nous devons boire à la mémoire de cette Françoise qui fut fauchée si jeune. Un vin rouge s’impose… Le château Mazeris 2011 (Canon-Fronsac) a glané les médailles d’or à Paris, Bordeaux et Bruxelles. Même s’il est encore bien jeune, il peut dès à présent vous régaler avec une bonne viande rouge. Un joli travail de la famille de Cornuaud, propriétaire de cru depuis 1769.

Une histoire carat contée

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1958, Smithsonian Institute de Washington. Le musée réceptionne de la poste une enveloppe kraft. Elle contient un diamant bleu de 45.24 carats connu sous le nom de Hope. C’est le bijoutier Harry Winston qui a choisi ce mode discret pour expédier en toute discrétion la pierre la plus chère du monde. Curieux, pourquoi un joaillier ne cherche pas à vendre ce trésor ?

Ce diamant est pratiquement devenu invendable du fait de sa renommée. Ses propriétaires successifs ont connu de grands malheurs.

Remontons le temps pour suivre le périple de ce fabuleux diamant. Tout commence en 1668, un marchand du nom de Tavernier le ramène d’Inde pour le vendre au Roi-Soleil. Après qu’il fut taillé, il passe de 112.50 carats à 67.5 et est serti dans l’insigne de l’Ordre de la Toison d’or. Durant la Révolution, il est volé au garde-meuble national. En 1792. En 1812, un diamant bleu de forme ovale[1] et pesant 45.24 carats apparait en Angleterre. En 1824, il est acheté par un banquier londonien Henri Philip Hope qui lui donnera son nom. En 1856, l’hypothèse que ce diamant n’est rien d’autre que le Bleu de France qui appartenait à la famille royale de France est émise. La preuve n’en sera  apportée qu’au XXème siècle. Les voleurs ou les receleurs ont retaillé la gemme pour ne pas éveiller les soupçons.

En 1910, c’est Pierre Cartier, célèbre joaillier parisien qui est en possession du Hope. Il le présente à Evelyn Walsh McLean, richissime héritière américaine. Pour éveiller l’intérêt de cette femme, il raconte une histoire où les principaux intervenants gravitant autour du diamant ont connu le malheur. C’est le déclencheur de l’achat.

Ainsi, tout commence avec Tavernier qui aurait volé la pierre sur la statue de la déesse hindoue, Sita. Lors d’un autre voyage en Inde, il mourra sous les crocs de chiens sauvages. Louis XVI et Marie-Antoinette furent raccourcis. Le petit-fils de Hope fut ruiné. Madame Walsh qui avait acheté la pierre en connaissance de cause connut le bonheur pendant 10 ans. Mais après, il en fut autrement : son fils fut écrasé par une voiture, son mari devint fou et sa fille se suicidera quelque années plus tard. Il est certain que ça fait beaucoup.

Mais les chercheurs américains sont persuadés que cette histoire de malédiction a été fabriquée de toutes pièces par Cartier qui savait que sa cliente aimait les histoires rocambolesques. On trouva même un livre écrit à cette époque qui narre une aventure similaire. De plus après recherches, on a la preuve que ce diamant a bien été acheté par Tavernier et ce dernier mourut paisiblement à Moscou…

Cependant, la renommée de cette pierre est une aubaine pour le musée de Washington. Après la Joconde, c’est l’œuvre la plus visitée dans un musée.

Vous voyez ma Chère Mona, tout a été éclairci, la malédiction est bien une légende. Malgré les morts subites, les propriétaires de ce bijou ont vécu en moyenne plus longtemps que leurs contemporains. Bon, les tannins ont également des qualités qui peuvent vous conserver en bonne santé. Aussi nous allons déguster le Château des Tours 2009 (Brouilly). Logé dans une bouteille lourde, ce vin du Beaujolais est taillé pour la garde. A ce jour, il n’est pas encore sous son meilleur profil. A attendre.   

[1] Le Bleu de France avait la forme d’un cœur.

J’en prince pour vous, Madame

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Connaissez-vous Madame de Canillac ? Hormis quelques historiens, je suis certaine que vous n’aviez jamais entendu parler de cette marquise qui vécut au 18° siècle. Dame de compagnie de la duchesse de Bourbon, elle devient l’amante du duc de Bourbon, prince de Condé. L’ayant appris, la duchesse s’empressa de la congédier. Qu’à cela ne tienne, elle est placée comme dame d’atour de Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI. Quelques mois plus tard, elle devient la maîtresse du Comte d’Artois, frère de Louis XVI.

Autant vous dire que la petite, elle sait y faire. Il faut dire que ses contemporains la décrivent comme une jolie femme dont la fraîcheur efface les défauts.

Monsieur de Besenval raconte un incident qui se déroula à l’Opéra en 1778 :

Le comte d’Artois donnait le bras à Mme de Canillac, tous deux masqués jusqu’aux dents. La duchesse de Bourbon, née princesse d’Orléans, vient à les rencontrer, et, les ayant reconnus, s’attache à leurs pas, en les poursuivant des mots les plus piquants que la liberté du masque puisse autoriser. La duchesse de Bourbon avait pris on antipathie Mme de Canillac, par le double motif que celle-ci lui avait enlevé le cœur de son mari, et plus tard celui du comte d’Artois, sur lequel elle se trouvait elle-même avoir des prétentions. Mme de Canillac s’esquiva dans la foule, et la duchesse de Bourbon, s’emparant alors du comte d’Artois, prit la barbe de son masque et le leva avec une telle violence que les cordons qui l’attachaient se cassèrent. Hors de lui, furieux, il saisit de la main celui de la duchesse, le lui écrase sur le visage, et la quitte sans proférer un seul mot.

Cette anicroche aurait pu en rester là. Mais au cours d’un dîner, Mme de Bourbon raconta l’histoire et lança que le Comte était le plus insolent des hommes, et qu’elle avait pensé appeler la garde au bal de l’Opéra, pour le faire arrêter.

Ce propos se répandit bientôt et arriva jusqu’aux oreilles du roi. Celui-ci réunit tout ce beau monde à Versailles et demanda que cette affaire se terminât immédiatement.

Cependant, c’est au bois de Boulogne que les princes réglèrent leur différent. Ce duel à l’épée fort théâtral est relaté en détail par Besenval :

En effet, arrivés à la porte des Princes, ils aperçurent M. le duc de Bourbon, à pied, avec assez de monde autour de lui. Dès que M. le comte d’Artois l’eut vu, il sauta à terre, et, allant droit à lui, il lui dit en souriant :
— Monsieur, le public prétend que nous nous cherchons.

Le duc de Bourbon ôta son chapeau.
— Monsieur, répondit-il, je suis ici pour recevoir vos ordres.
— Et moi, pour exécuter les vôtres, répondit Son Altesse Royale.

Aussitôt ils entrèrent dans le bois, où ils firent environ une vingtaine de pas; M. le comte d’Artois mit l’épée à la main; le duc de Bourbon l’imita. Ils allaient commencer, lorsque le duc de Bourbon, adressant la parole à son adversaire, lui dit :
— Vous ne prenez pas garde, monsieur, que le soleil vous donne dans les yeux.

— Vous avez raison, répondit Son Altesse Royale. Allons vers le mur qui est plus loin, nous y trouverons de l’ombre, puisqu’il n y a pas encore de feuilles aux arbres.

Sur cela, chacun mit l’épée nue sous son bras, et les princes s’éloignèrent l’un à côte de l’autre, en causant ensemble. Tout le monde resta à la porte du bois, hormis le chevalier de Crussol, qui accompagnait Son Altesse Royale, et M. de Vibraye, qui suivit le dut de Bourbon.
Arrivés au mur, M. de Vibraye représenta aux deux champions qu’ils avaient gardé leurs éperons, ce qui pourrait les gêner.

— Vous avez raison, dirent les princes.
M. de Crussol enleva ceux du comte d’Artois; M. de Vibraye ôta ceux de M. le duc de Bourbon. Cela pensa coûter cher au premier, car, en se levant, il s’attrapa sous l’œil à la pointe de l’épée que le duc de Bourbon tenait encore sous le bras; un peu plus haut, il avait l’œil crevé.
Les éperons ôtés, M. le duc de Bourbon demanda permission à Mr le comte d’Artois d’ôter son habit, sous prétexte qu’il le gênait. M. le comte d’Artois jeta le sien ; et, la poitrine découverte, ils recommencèrent à se battre.
Ils ferraillèrent longtemps. Tout à coup le rouge monta au visage de Son Altesse Royale; l’impatience le gagnait; il redoubla, et pressa assez M. le duc de Bourbon pour lui faire rompre la mesure. Dans cet instant, M. le duc de Bourbon chancela ; la pointe de l’épée du comte d’Artois lui passa sous le bras; M. de Crussol et M. de Vibraye persuadés que le duc était blessé, s’avancèrent pour prier les princes de suspendre.
— Ce n’est pas à moi à avoir un avis, dit Son Altesse Royale ; c’est à M. le duc de Bourbon à dire ce qu’il veut; je suis à ses ordres.
Alors le duc de Bourbon baissa la pointe de son épée.
— Monsieur, dit-il, je suis pénétré de reconnaissance de vos bontés, et je n’oublierai jamais l’honneur que vous m’avez fait.
Le comte d’Artois ouvrit ses bras et courut l’embrasser. Dès le lendemain il alla faire ses excuses à Mme la duchesse de Bourbon.

Quant au roi, il parut profondément affecté du peu de déférence que l’on avait eue pour son autorité. Le comte d’Artois reçut l’ordre d’aller en exil à Choisy, et M. le duc de Bourbon à Chantilly; ils y restèrent huit jours.

Dois-je vous rappeler que les duels, source de nombreux décès de personnages illustres, étaient interdits depuis longtemps.
Tous les chroniqueurs de l’époque se délectèrent de cet événement. Mais ensuite, plus aucune trace de Madame de Canillac. De nos jours, on ignore même son prénom… vous dire…

Mona jamais eu deux gars qui se sont battus pour elle. Et pourtant c’est tellement romantique…

Encore sein

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Louis XV craignait la vérole aussi toute sa vie, il demanda à Dominique Lebel, premier valet de la chambre du roi, de sélectionner les filles qui devaient rejoindre sa couche. Pour assurer la santé de son maître, Lebel testait les conquêtes afin de voir si elles n’étaient pas poivrées. Mais en 1774, le roi, dit-on, rencontra une fille si jeune qu’il la crût vierge. Et pourtant la fillette lui refila la maladie tant crainte.
Deux ou trois jours avant sa mort, son corps était enflé comme un soufflé au fromage sortant du four, et il était couvert d’horribles pustules tellement suppurantes que les mouches ne voulaient plus s’y poser, si assommé par une fièvre de cheval qui le faisait délirer que dans sa tête il entendait déjà le bourdon de Notre-Dame annoncer sa mort.  Et pourtant même dans cet état pitoyable, Louis manifesta le désir de voir une dernière fois sa maîtresse, Madame du Barry. C’est Laborde, valet remplaçant Lebel décédé en 1768, qui introduisit (si j’ose dire) la Bécu (nom de jeune fille de la comtesse) auprès du monarque agonisant. Le moribond, bien qu’aussi frais qu’une morue ayant traîné un mois sur la plage de Saint-Tropez, eut la force de saisir les mains et un sein de la jeune femme en l’assurant du regret qu’il avait de perdre tant de beautés.

Ainsi, même à l’article de la mort, Loulou, expert et grand amateur de donzelles, pensait encore à explorer gorges et corsages comme au bon vieux temps.

Ma chère Mona, quelle époque, quel souverain !  Reprenons nos esprits et buvons ce rosé de Provence : Château Minuty 2013, cuvée Prestige. Un vin riche, velouté et frais. 

Appâts toucher

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Tous les témoins de l’époque sont d’accord, Virginia Oldoïni, Comtesse de Castiglione était la plus belle femme du Second Empire.

Horace de Viel Castel décrit dans ses mémoires la tenue que portait la maîtresse de Napoléon III au bal de la Marine du 18 février 1857 :

Quant à la Comtesse de Castiglione, elle portait avec insolence le poids de sa beauté, elle en étalait les preuves avec ostentation, nous ne saurions dire qu’elle était décolletée, mais nous pouvons affirmer la nudité de sa gorge qu’entourait à peine une gaze zéphir, l’œil en suivait le contour et les moindres détails, enfin la partie que la gaze elle-même laissait complètement à découvert s’étendait jusqu’au bout du sein.
La fière comtesse n’a pas de corset ; sa gorge est vraiment admirable, elle se dresse fièrement comme la gorge des jeunes Mauresques : les attaches n’ont pas un pli, en un mot les deux seins semblent jeter un défi à toutes les femmes.

La Castiglione est une courtisane comme les Aspasie[1], elle est fière de sa beauté et ne la voile qu’autant qu’il le faut pour être reçu dans un salon.

Un homme lui a dit en fixant sa gorge :
Je les connais maintenant les deux superbes rebelles à tout frein ; prenez garde, Comtesse, tout à l’heure les vêtements des hommes vont devenir trop étroits !

Cela est plus que leste, cependant le propos n’a pas déplu à la comtesse. Il faut dire qu’elle goûtait les plaisanteries graveleuses. Ainsi un soir, chez Mme de Pourtalès, Vimercati lui tendit un drageoir rempli de bonbons à la fleur d’oranger, en lui disant :
– Comtesse, aimez-vous sucer ?…
– Sucer quoi ? répondit Virginia en éclatant d’un rire égrillard. Les témoins, pourtant habitués à une certaine licence, demeurèrent pantois…

Mona, lorsque j’écrirais mes mémoires, je décrirai les tenues insolentes mais que vous portez avec tant de grâce et je chanterai votre beauté tel un ménestrel. Mais en attendant, il temps de boire un coup : Château Belle Garde blanc 2012 est un Bordeaux idéal pour un apéro. Frais, fruité, il vous mettra en appétit.

[1] Femme intelligente et libre à une époque où les femmes étaient confinées au gynécée. On retient surtout d’elle qu’elle fut la maîtresse de Périclès.

Peau lisse

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En 2009, je rappelais qu’Arsène Houssaye était tombé dans l’oubli et que peu de ses ouvrages étaient encore lus. Et pourtant depuis quelques jours, les articles le citant fleurissent. Mais ils ne parlent pas de la qualité littéraire de l’auteur mais de la couverture d’un de ses ouvrages conservé à la bibliothèque d’Harvard.

Une note manuscrite de la fin du XIX° siècle insérée dans le livre explique :

Ce livre est relié en peau humaine parcheminée, c’est pour lui laisser tout son cachet qu’a dessein on n’y a point appliqué d’ornement. En le regardant attentivement on distingue facilement les pores de la peau. Un livre sur l’Ame humaine méritait bien qu’on lui donnait un vêtement humain : aussi lui avais je réservé depuis longtemps ce morceau de peau humaine pris sur le dos d’une femme… ».

Des études viennent de  prouver que l’auteur disait vrai. On sait maintenant que le Docteur Ludovic Bouland (1839-1932), ami de Houssaye avait bien utilisé la peau d’une femme pour relier Des Destinées de l’âme publié en 1879.

On sait même qu’il s’agit d’une malade internée en psychiatrie décédée d’un arrêt cardiaque dont le corps n’avait pas été réclamé.

Si aujourd’hui ce comportement nous semble inhumain, du XVI° au XIX° siècle, cette pratique ne choquait pas. Bouland, bibliophile réputé y voit une façon d’honorer les écrits de son ami.

Et ces ouvrages reliés de la sorte ont une grande valeur pour les collectionneurs et on peut même trouver des livres à caractère érotique recouverts avec de la peau de seins où on distingue les mamelons. La peau des criminels était souvent utilisée pour couvrir des ouvrages d’anatomie ou des dossiers criminels. On considérait que c’était une continuation de leur punition au-delà de la mort.

Mais plus fort, c’était une preuve d’amour que d’offrir un morceau de sa peau à un être cher. On dit qu’une jeune Comtesse mourant de tuberculose céda une bande de sa peau pour relier le livre d’un astronome qu’elle admirait.

On attendit qu’elle expirât. Ouf, c’est mieux que dans l’antiquité où les prisonniers étaient souvent écorchés vifs.

Bon Mona, ça fait froid dans le dos, si j’ose dire. Je pense que boire un gorgeon nous fera le plus grand bien. Et je vous invite à déguster le vin d’un grand domaine  bourguignon : le Hautes Côtes de Nuits Clos Saint-Philibert Blanc 2006 de Méo-Camuzet. Un vin frais aux arômes séduisants de fruits exotiques et d’épices douces.