Ça me la coupe

Quelle coupe !
Quelle coupe !

Utiliser la forme d’un sein pour en faire un buvant ne date pas d’hier. Ne dit-on pas que Madame de Pompadour, la maîtresse de Louis XV prêta son sein pour y mouler la première coupe de Champagne. Ce vin dont la mode fut lancée sous la Régence était considéré comme aphrodisiaque. Quelques années plus tard, la romantique Marie-Antoinette préféra mouler sur son sein un bol pour boire le lait de sa bergerie de Rambouillet.

En 2008, Karl Lagerfeld lança une coupe galbée sur la poitrine de Claudia Schiffer. Pour son quarantième anniversaire, Kate Moss accepta de prêter son sein gauche pour une coupe style art-déco. Le mannequin ayant apposé sa signature au pied de chaque verre, le prix est devenu loufoque. On parle de plus de 2.500€ pour une coupe vendue avec un Dom Pérignon Œnothèque 1995. Un vin de Champagne au nez intense, à la bouche ample et ronde. Mais à ce prix là, c’est Moss…

Éternels… on a le temps

mona-furetiere

Avez-vous eu l’occasion de feuilleter le Furetière ? Ce dictionnaire date de 1690 et a été réédité à de nombreuses reprises. Homme d’Eglise et de littérature, il est admis à l’Académie Française. Il se rendit vite compte qu’au rythme où avance le travail des immortels, le Dictionnaire n’est pas près de sortir. De plus ces messieurs ne souhaitent pas y inclure les mots techniques liés à l’industrialisation naissante. C’en est trop.
Antoine Furetière sollicite Louis XIV qui l’autorise à travailler à son dictionnaire.

Quand il publie un premier extrait, les Académiciens sont furieux, tellement furieux qu’ils se réunissent et votent son exclusion de la docte assemblée. A une voix de majorité, l’abbé Furetière perd son «immortalité» en 1685. Le Roi Soleil ne peut rien contre ce vote. Par contre, il interdit que Furetière ne soit remplacé de son vivant.

Evincé, il écrira quelques pamphlets dont Les Couches de l’Académie pour se moquer de ses ex-collègues. C’est deux ans après sa mort que son dictionnaire sera publié et quatre ans avant la sortie du Dictionnaire de l’Académie…

Ma Chère Mona, je souhaite que nous rendions hommage à un grand homme qui a su se lever contre l’ordre établi et produire un travail colossal au service du savoir. Pour ce rien ne vaut un Champagne rosé de Vincent Laval situé sur les 1ers crus de Cumières. Un effervescent gourmand qui mêle bonbon à la fraise et pâtisserie de fruits rouges. Quel plaisir ! 

Une folle habitée

Théroigne participa activement à la prise des Tuileries
Théroigne participa activement à la prise des Tuileries

Imaginez Diane en galant équipage,
Parcourant les forêts ou battant les halliers,
Cheveux et gorge au vent, s’enivrant de tapage,
Superbe et défiant les meilleurs cavaliers !

Avez-vous vu Théroigne, amante du carnage,
Excitant à l’assaut un peuple sans souliers,
La joue et œil en feu, jouant son personnage,
Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?

Telle la Sisina ! Mais la douce guerrière
À l’âme charitable autant que meurtrière ;
Son courage, affolé de poudre et de tambours,

Devant les suppliants sait mettre bas les armes,
Et son cœur, ravagé par la flamme, a toujours,
Pour qui s’en montre digne, un réservoir de larmes.

Vous savez que Baudelaire est un poète qui compte pour nous. Dans ces vers qui sont un hommage à la femme, Charles évoque Diane, la déesse chasseresse, la Sisina, actrice en vogue et Théroigne.

C’est de cette dernière que je vais vous entretenir. La période révolutionnaire a été la première occasion pour les femmes de s’émanciper. Oh, bien sûr, ce ne sont que quelques pionnières qui osèrent braver l’ordre et la primauté masculine. Elles furent moquées, déshonorées et/ou guillotinées. Si je n’oublie pas Rose Lacombe, l’héroïne par excellence reste Olympe de Gouges.

Aujourd’hui, je souhaite rendre hommage à Anne Josèphe Terwagne dite Théroigne de Méricourt. Née dans un milieu modeste en pays belge (et donc autrichienne de nationalité), elle jouit d’une beauté qui lui permet de mener une vie mondaine et lui donne la richesse. Attirée par la Révolution, elle s’installe à Versailles puis Paris. Le Salon qu’elle ouvre est fréquenté par des députés en vue tels Brissot, Camille Desmoulins… Elle fréquente assidûment l’Assemblée. Arrêtée par les royalistes en 1790, elle est emprisonnée en Autriche durant deux ans.

Quand elle rentre en France, elle est devenue très populaire. Elle affiche de plus en plus ses idées en étant notamment partisane d’une guerre contre l’Autriche et propose même la création de légions d’amazones. Ses propositions sont critiquées aussi bien par la presse royaliste que par la presse révolutionnaire qui pense que la place de la femme est uniquement au foyer, comme disait Henri Désiré Landru.

Soupçonnée de soutenir les Girondins, elle échappe de peu à la guillotine mais des poissardes avinées l’attrapent lui soulèvent ses vêtements et lui donnent une fessée qui ne s’arrête que sur ordre de Marat. L’histoire a retenu quelques noms de ces femmes : Perrette la Douteuse, Margot la mal peignée et Madame Mille Gueules.

Est-ce cela qui la fragilisera ? En tous cas, Théroigne est déclarée folle et enfermée. Elle y restera 23 ans jusqu’à ce 8 juin 1817, date de sa mort. Nous ne souscrivons pas à cette hypothèse souvent rapportée dans les livres d »histoire. Par contre, nous ne pouvons que souligner l’insistance de l’un de ses frères pour la faire interner, ce qui lui donnait des droits sur un héritage confortable laissé par la belle amazone…

Bon Mona, c’est un honneur de déboucher une bouteille à la mémoire des ces femmes héroïques. Buvons un Champagne Laurent Perrier Brut. Une forte proportion de Chardonnay en fait un vin idéal pour s’ouvrir l’appétit. 

Chez Mac Do, c’est dîne et pars…?

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Mac Donald’s a annoncé qu’il vendrait en France dès février 2013, un burger au camembert. Certains s’en émeuvent, d’autres applaudissent. Quant à moi qui ne fréquente pas les fast-food, çà me glisse comme un pet sur une toile cirée. En effet, depuis que nos grands industriels du lait ont transformé la recette ancestrale du camembert et que ce fromage, symbole de la France, est devenu un produit industriel quelconque, je suis affligé et je continue à manger le vrai Camembert de Normandie Et pourtant, seuls 5% des fromages ont le droit à l’appellation et sont issus de lait entier. Tous les autres ne sont que de pâles copies aux mains de grands groupes tels Lactalis et Bongrain. Déjà dans un article, j’avais attiré votre attention sur la mascarade qui consistait à changer si peu la boîte du «faux» Camembert pour tromper le consommateur Et çà marche puisqu’en 2007, la production en AOC était encore de près de 15%.

Françaises, Français, vous assistez à la mort d’un fleuron de notre table sans rien dire. Tant pis pour nous ! Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le groupe américain de mangeaille rapide s’empare d’un médiocre ersatz du fromage, emblème du génie gastronomique français pour le faire ingurgiter à notre jeunesse.

Nous sommes tous coupables. En acceptant de remplir nos assiettes avec des produits toujours moins chers, sans goût et sans odeur, nous n’avons que ce que nous méritons.

Si vous faîtes partie de ces quelques gaulois irréductibles qui refusent le nivellement par le bas, allez sur ce site qui vous donnera en fin de page, le nom des rares fabricants qui continuent, contre vents et marées, à produire de vrais camemberts. En achetant leurs fromages, vous les aiderez à maintenir la qualité qui fit l’orgueil de la France.

Mona, j’ai amené un vrai camembert. Pour l’honorer comme il se doit, je vous propose un Champagne Brut de Pol Roger. Cet accord peut paraître surprenant et pourtant quel plaisir.

La zone du pinard

Le développement de la restauration rapide a modifié les habitudes de nos compatriotes. Pour accompagner la mixture qui est servie dans ces établissements à malbouffe que je ne fréquente pas (en doutiez-vous ?), les consommateurs ingurgitent des boissons genre bière ou plus généralement soda, et ce, soit dans un gobelet, soit en canette. A tel point que le vin dans son emballage de verre n’était pas présent dans les fast-foods jusqu’à une date récente. Mais depuis une petite dizaine d’années pourtant, des vins sont conditionnés en canettes. Après des débuts timides, la commercialisation s’accélère à tel point que des sociétés comme Cacolac s’y sont mises et le leader mondial, Barokes Wine (Australie) démarche de plus en plus de vignerons en France. Car les américains et les asiatiques ont facilement adopté ce contenant. Et le marché mondial du vin en canette augmente de 10 à 15 % par an. Comme la canette commence à se développer rapidement en Europe, les distributeurs croient au marché du vin en boîte sur le vieux continent…

Et pour les jeunes, un nouveau produit apparait : le Champagne en canette.

Pour les romantiques, le coup est rude. Finies les fontaines de champagne, finie la flute ou la coupe. Finis les sabres, vous pouvez les ranger au placard. Tout fout le camp. Vive la canette !

Mona, n’ayez crainte, vous pouvez sortir des verres. Le jour où vous verrez une canette de vin ou pire de champ’ dans ce bureau, considérez que mon cerveau se barre en béchamel et qu’il est temps de me ranger des voitures. En attendant, une flute de Bollinger nous fera le plus grand bien ! 

Ondine, on dîne au Champagne ?

Ben dites donc, Mona, qu’est ce qui vous prend ? Publier un texte sur Marilyn me revient de droit. Comment pouvez-vous écrire cet article sans m’en parler ? Vous retiendrez mon petit que la star c’est pour Bibi. Quand il y a quelque chose qui tourne autour de Monroe, prière de s’adresser à moi. Merci.

J'ai mis deux flutes, ... si vous avez 5 mn ...

Bon heureusement, à Vinexpo, je suis tombé sur la bâche du stand YX 354. Un marchand Norvégien a demandé à la maison Gobillard de lui préparer un Champagne 1er Cru au nom de l’icône  d’Hollywood. Alors que le cinquantenaire de sa mort (5 août 1962) approche, l’idée marketing est forcément bonne…

Certes, la bouteille n’est pas donnée : le prix annoncé est de 65€ et pour le servir dans les flutes qui vont bien (au nom de l’actrice), il vous faudra débourser 159€ pour 6 verres. Mais quand on aime, on ne compte pas…

Bon Mona, buvons à la mémoire de M.M. et à votre santé : je vous propose un effervescent du Domaine Plageoles. Ce Mauzac Nature est léger, fin et frais, comme Marilyn.

Faut bien çà Musset !

Sur les bancs de l’école, beaucoup d’entre nous ont appris des vers de Musset. Et la vie du poète nous était présentée toute lisse. Un écrivain romantique fauché à 47 ans à cause de problèmes pulmonaires…

En lisant la biographie de Gonzague Saint Bris, on découvre un écorché, ivrogne, fumeur, fréquentant assidument bordels et tripots. Un dandy qui dépense l’argent de ses parents et qui papillonne de femme en femme, se lassant de toutes ; mais écrivant de magnifiques textes d’un jet, sans ratures.

Le 12 février1852[1], Alfred de Musset est élu à l’Académie Française. Au mois de mai suivant, il fait son entrée officielle en habit vert et le soir même, il s’en va souper au Palais Royal où son ami, Arsène Houssaye l’aperçoit ainsi :
« Au dessert, grand bruit dans les escaliers. On éclaire la descente funèbrement joyeuse d’un homme ivre mort. On s’informe, c’est Alfred de Musset qui pour fêter son introduction a payé à dîner à un bordel. »

Quelques jours plus tard, Sainte-Beuve l’admoneste. Musset lui répond :
-Mais vous allez bien au bordel, vous aussi !
-Oui, mais, moi, je n’y demeure pas !

Son vice est désormais de notoriété publique, ce qui fait dire à ses collègues du Quai de Conti[2] lorsqu’il est absent de la séance hebdomadaire :
-Monsieur de Musset s’absente
-Vous voulez dire qu’il s’absinthe !

L’homme est un loup pour ses frères, n’est-il point Mona. Bon, ben, nous, on est des adultes, on pourrait p’t-être sans faire un petit. Cà, le fait est. Seulement le tout venant a été piraté par les mômes.

Mais, je vous rassure Mona, on ne va pas se lancer dans le bizarre. Je vous propose un Champagne Jacquesson Avizé Grand Cru 2000. Une explosion de fleurs, de minéralité, une bouche tout en finesse et quelle longueur en bouche.


[1] Soit cinq ans avant son décès le 2 mai 1857
[2]
Adresse de l’Académie

La coupe est pleine de Poisson

Au sein d'une fabrique de coupes

Au début du XIX° siècle, on découvre la flute à Champagne :
« Nous ne pouvons passer ici sous silence l’heureuse innovation que ce convive aimable vient d’introduire dans la philosophie du couvert. Certaines personnes préfèrent le vin mousseux de Champagne à celui qui ne l’est pas : elles pourront boire dorénavant le premier dans des verres de dix-huit pouces de hauteur, dont la capacité favorise l’abondance de la mousse, sans offrir au palais une quantité rebutante de liquide réel. »

C’est sous la Régence que le Champagne est devenu le vin de fête que l’on connaît. Les diners fins exigeaient des mets aphrodisiaques : huîtres, truffes et Champagne… Pour ce on utilisait des coupes qui sont restées en usage dans nos familles jusqu’à ces dernières années. Si la coupe est délaissée aujourd’hui, c’est parce que sa forme évasée conserve mal l’arôme et les bulles, et le vin s’y évente rapidement. La mousse s’y forme mal et ne tient pas, le bouquet se disperse.

On dit que cette coupe fut moulée sur le sein de la Pompadour. La maîtresse de Louis XV était connue comme grande amatrice de champagne. N’aurait-elle pas dit que le « Champagne est le seul vin qui laisse la femme belle après qu’elle l’ait bu. »

Alors, Mona, si la coupe a été moulée sur le sein de Jeanne-Antoinette Poisson, épouse Le Normant d’Étiolles, marquise de Pompadour, pouvez vous me dire sur qui a été moulé la flute ?

Prenez votre temps, réfléchissez… en attendant buvons une flute de Champagne. J’ai retenu le Clos des Goisses 1999 élaboré par la maison Philipponnat. Un vin très puissant et peu dosé.

Dernières coupes moulées artisanalement

Faut pas placenta avec çà

Louis XVI et Marie-Antoinette se marièrent le 16 mai 1770. Ils étaient respectivement âgés de 16 et 14 ans. Bien que le Roi soit un colosse (il mesurait 1,93 m), il dut attendre plus de sept années avant de consommer le mariage. En effet, il souffrait d’un phimosis qui l’empêchait d’accomplir son devoir conjugal au grand dam des Cours de France et d’Autriche.

Enfin, le 11 décembre 1778, la Reine sentit les premières douleurs. La famille royale, les princes du sang et les grandes charges passèrent la nuit dans les pièces proches de la chambre de la reine. Madame[1], fille du roi, vint au monde avant midi le 19 décembre. L’usage de laisser entrer indistinctement toute personne qui se présentait au moment de l’accouchement des reines fut observé avec une telle exagération, qu’à l’instant où l’accoucheur Vermond dit à haute voix : « La Reine va accoucher« , les flots de curieux qui se précipitèrent dans la chambre furent si nombreux que la reine fut incommodée. Le roi avait eu, dans la nuit, la précaution de faire attacher avec des cordes les immenses paravents de tapisserie qui environnaient le lit de sa majesté : sans cette précaution ils auraient à coup sûr été renversés sur elle. Il ne fut plus possible de remuer dans la chambre : elle se trouva remplie d’une foule si mélangée, qu’on pouvait se croire dans une place publique. Deux savoyards montèrent sur des meubles pour voir plus à leur aise la reine placée en face de la cheminée, sur un lit dressé pour le moment de ses couches.

Le bruit, la déception d’avoir une fille[2] ou une faute de l’accoucheur eurent de graves conséquences sur la jeune mère. Elle se pâma ; l’accoucheur cria : « De l’air, de l’eau chaude!  Il faut une saignée au pied! » Les fenêtres avaient été calfeutrées ; c’est le Roi, lui-même qui les ouvrit précipitamment alors qu’elles étaient d’une très grande hauteur et collées avec des bandes de papier pour protéger les appartements du froid.
Le bassin d’eau chaude n’arrivant pas assez vite, l’accoucheur dit au premier chirurgien de la Reine de piquer à sec; il le fit, le sang jaillit avec force, la reine ouvrit les yeux. On avait emporté à travers la foule la princesse de Lamballe sans connaissance.
Les valets de chambre durent évacuer sans ménagement les curieux indiscrets qui, profitant du spectacle, n’étaient pas pressés de sortir de la chambre.

Le Roi décida sur le champ d’abolir l’usage de l’accouchement en public. Les princes et les ministres suffiront pour attester la légitimité d’un prince héréditaire.

La chambre dégagée, la Reine retrouva ses esprits et fut replacée dans son lit. Ouf !

Mais, ma petite Mona, vous tremblez ; vous avez eu peur ? C’est fini, la Reine va bien ; allez on va faire péter une roteuse pour célébrer le premier enfant du Roi : le blanc de blanc de Ruinart est d’une rare élégance.


[1] Ou Madame Royale, prénommée Marie-Thérèse Charlotte
[2] La Reine connut le sexe de l’enfant grâce à un signe convenu avec la princesse de Lamballe

Que votre volonté soit fête

Pendant des siècles, les enfants de la noblesse avaient un chemin tout tracé. L’ainé héritait du titre et embrassait les armes; le second, quand à lui était destiné aux ordres ecclésiastiques.
C’est ce qui arriva à Gabriel-Charles de Lattaignant. Durant plus de vingt ans, bien que décrit par ses contemporains comme laid, il fut connu pour ses vers libertins et ses nombreuses conquêtes féminines.

Ainsi un de ses contemporains le présente ainsi :

Nouvel Anacréon[1], l’abbé de Lattaignant a chanté le vin, l’amitié et l’amour ; ses vers sont les enfants du badinage ; Bacchus a été son Apollon ; la jeune Iris était sa Muse ; et une table environnée d’amis, son cabinet ou son Parnasse. Poète et auteur, mais par un double prodige, poète sans fiel, et auteur sans travail, jamais l’envie, la haine, l’animosité, la vengeance n’ont animé ses écrits ; et si ses vers sont le fruit de ses veilles, c’est qu’il veillait avec les Plaisirs

Si on lui doit la chanson enfantine « J’ai du bon tabac… », il était surtout connu pour ses poèmes chantant l’amour. Libertin mais instruit, il se plait à contourner les règles dues à son statut. Ainsi, il laissera nombre de poèmes employant des métalepses[2]. Ses poésies galantes sont en fait. Son poème galant le plus connu « Le mot et la chose » est une évocation de l’amour, mais sans jamais en prononcer le mot

Le mot et la chose

Madame, quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose ?
On vous a dit souvent le mot,
On vous a souvent fait la chose.
Ainsi, de la chose et du mot
Pouvez-vous dire quelque chose.
Et je gagerai que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose !

Pour moi, voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose.
J’avouerai que j’aime le mot,
J’avouerai que j’aime la chose.
Mais, c’est la chose avec le mot
Et c’est le mot avec la chose ;
Autrement, la chose et le mot
À mes yeux seraient peu de chose.

Je crois même, en faveur du mot,
Pouvoir ajouter quelque chose,
Une chose qui donne au mot
Tout l’avantage sur la chose :
C’est qu’on peut dire encor le mot
Alors qu’on ne peut plus la chose…
Et, si peu que vaille le mot,
Enfin, c’est toujours quelque chose !

De là, je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose,
Que l’on doit n’ajouter un mot
Qu’autant que l’on peut quelque chose
Et que, pour le temps où le mot
Viendra seul, hélas, sans la chose,
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose !

Pour vous, je crois qu’avec le mot
Vous voyez toujours autre chose :
Vous dites si gaiement le mot,
Vous méritez si bien la chose,
Que, pour vous, la chose et le mot
Doivent être la même chose…
Et, vous n’avez pas dit le mot,
Qu’on est déjà prêt à la chose.

Mais, quand je vous dit que le mot
Vaut pour moi bien plus que la chose
Vous devez me croire, à ce mot,
Bien peu connaisseur en la chose !
Eh bien, voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose :
Madame, passez-moi le mot…
Et je vous passerai la chose !

Voltaire, dans sa correspondance, nous laisse un poème en réponse à une lettre de l’abbé de Lattaignant (16 mai 1778) :

Lattaignant chanta les belles ;
Il trouva peu de cruelles,
Car il sut plaire comme elles :
Aujourd’hui plus généreux,
Il fait des chansons nouvelles
Pour un vieillard malheureux.

Je supporte avec constance
Ma longue et triste souffrance,
Sans l’erreur de l’espérance :
Mais vos vers m’ont consolé;
C’est la seule jouissance
De mon esprit accablé.

Mona, mon petit, Lattaignant fut chanoine à Reims. Aussi, nous goûterons un Champagne : le rosé de Bollinger est fruité, long en bouche… du vin, quoi !


[1] Poète grec qui se consacra principalement à la poésie amoureuse et à la poésie de banquet (VI° siècle av JC)

[2] Figure rhétorique qui sert à « taire tout en disant »