L’arme de crocodile…

Une fois, je me suis retrouvé sur le dos d’un  crocodile que j’ai frappé de toutes mes forces avec mon tomahawk, sur la partie que je considérais la plus vulnérable de sa tête.
Alors que j’étais debout sur le dos de ce reptile énorme, je retirai mon arme de sa tête, Yamba, ma compagne, accourut et enfonça sans hésitation un couteau dans la gorge de l’animal. Mais, la bête tournant brusquement la tête, elle lâcha immédiatement son emprise et s’éloigna. Comme le monstre essaya de la suivre, je sortis mon couteau et lui crevai les deux yeux. Yamba était très fière de moi après cette séquence, et quand nous sommes retournés sur la terre ferme, elle a relaté mes exploits aux membres de la tribu vantant ma galanterie et ma bravoure.
La partie de pêche dont j’avais ramené deux baleines m’avait déjà assuré l’estime de ces sauvages, mais, après cet épisode avec le crocodile, ils me regardaient comme un demi-dieu. Comme nous n’avions pas ramené le monstre mort dès le lendemain un groupe d’autochtones est allé le chercher avec des catamarans.
A leur retour, après avoir longuement admiré le bestiau que j’avais tué de mes mains, ils le découpèrent en petits morceaux et les distribuèrent (comme reliques, sans doute) à tous les membres des tribus à l’entour.

En lisant ces lignes, Franck Dubosc fait petit joueur et Crocodile Dundee est une guimauve. Mon héros, quel homme ! Et d’ailleurs, les aventures de Louis De Rougemont ont passionné les lecteurs de la revue britannique Magazine World Wide[1] durant de longues années. Chaque mois à dater de 1899, Loulou faisait rêver les abonnés en relatant sa vie en Australie et racontait comment il devint roi d’une tribu d’aborigènes et épousa Yamba, la sauvage belle comme un jour de paie. Il aimait chevaucher les tortues de mer, il participait à des festins anthropophages ; mais il refusa de se faire percer le nez pour porter son bâton de commandement. C’est dans ses cheveux qu’il le mit. Quel homme !!!

Des lectrices s’évanouirent en découvrant que leur héros avait souffert d’une forte fièvre due à la malaria. Pour se soigner, il s’enfouit dans les entrailles d’un buffle qu’il venait de tuer. Yamba, sa femme belle comme un coucher de soleil à Maubeuge le veilla jour et nuit durant sa maladie. Au cours de ces longs mois, elle s’absenta quelques heures, juste le temps de mettre au monde un enfant. Mais ne pouvant s’occuper à la fois d’un bébé et d’un malade, elle dévora sa progéniture…

Les ventes du journal avaient explosé. Son concurrent, le Daily Chronicle enquêta et découvrit que Louis De Rougemont s’appelait en fait Henri Louis Grin et avait été laquais dans diverses fermes de sa Suisse natale. Certes, il alla bien en Australie durant une année, mais comme employé de maison.

Malgré de nombreuses erreurs dans son récit, les accrocs refusaient la réalité et le magazine publia et republia régulièrement ses aventures durant près de 50 ans.

Au cours de la Première Guerre mondiale, Henri ou Loulou, selon votre envie, dit avoir inventé un substitut à la viande. Plouf ! Puis on perdit sa trace.

Il semble mourir en 1921 raide comme un passe lacets et fauché comme les blés. Mais les lectrices se trémoussaient à la seule évocation de son nom et lâchaient des soupirs qui en disaient long sur leur état….

Mona transpiré tellement qu’elle est mouillée de partout. Si, si. Et vous ?


[1] Publication mensuelle illustrée éditée de 1898 à 1965

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