A vue de né

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On est jamais trop prudents

Vous savez combien ce qui touche à la Bretagne ne nous laisse pas indifférents au Journal Epicurien. Pourquoi me direz-vous alors que ni l’un ni l’autre n’avez la moindre goutte de sang celtique ? Certes, c’est vrai mais à chaque fois que nous étranglons une chopine nous nous rapprochons de l’Armorique et dans notre sang coule autant d’alcool que dans celui d’un Rennais se levant à jeun (spécimen rare). Et nous on a du respect pour tous ces gens qui éclusent chaque jour les surplus de production de vinasse avec détermination, fidélité et perspicacité.

Bien cet hommage rendu à la patrie des buveurs poivrots celtes (en vieillissant poivre et celte), il est temps de nous intéresser à Hyvarnion. Qui c’est celui-là, me demande vivement Yves Remord qui comme son nom l’indique a des origines morbihannaises ?
Hyvarnion était barde au VI° siècle. Excellent compositeur, il demeura à la cour du roi durant quatre années. Mais son pays lui manquait. Le souverain l’autorisa à rejoindre la Basse Bretagne et le recommanda à un des se lieutenants dénommé Jugduval. Le trouvère y fut bien reçu.
Deux nuits de suite, il rêva qu’il se mariait avec une fille du pays. Intrigué il jeûna toute la journée et demanda à Dieu si cette vision était inspirée par Lui ou par Satan. En effet le chanteur était fort pieux et voulait vivre chastement. La nuit suivante, en un rêve il vit entrer en sa chambre un jeune homme, environné d’une grande lumière, lequel, l’ayant humblement salué, lui dit : Qu’il ne doutât pas de prendre à femme celle qu’il avait vue en son songe les nuits précédentes, laquelle, aussi-bien que lui, eût bien voulu garder sa chasteté ; mais que Dieu en avait autrement disposé et voulait que d’eux naquît un Enfant, lequel serait un grand Saint et Serviteur de Dieu.
L’ange lui annonça qu’il rencontrerait dès le lendemain la jeune fille en question près d’une fontaine. Elle répondait au joli nom de Rivananone.

Le lendemain, Hyvarnion raconta au Lieutenant la vision qu’il avait eue, lequel en fut fort joyeux. Ils  montèrent tous deux à cheval pour aller vers la Mer et ils n’attendirent pas longtemps avant de rencontrer la fille prés d’une fontaine, laquelle, interrogée de son patronyme, répondit fort courtoisement qu’elle avait nom Rivannone.

Ils lui relatèrent leurs visions nocturnes. Or la jouvencelle en avait eu une en tout point semblable.

Il ne fallut pas longtemps pour que mariage fut conclu. La jeune épousée pria pour que le rejeton annoncé ne connût rien des fallacieuses jouissances du monde. Quelques mois plus tard, Rivannone accoucha d’un Enfant mâle, mais il vint au monde aveugle. Dur, dur ! 

Et pourtant cet enfant deviendra un des plus grands saints bretons accomplissant nombre de miracles : il se prénommait Hervé.

Ma chère Mona, les voies du Seigneur sont impénétrables… et radicales. C’est curieux, en parlant de la Bretagne, j’ai comme une vieille soif qui se déclenche ! Que diriez-vous d’un Riesling alsacien ? Je vous propose un Grand Cru 2011 Pfingstberg de Valentin Zusslin. Bien sec, minéral, un nez d’agrumes et une bouche puissante. Un vin qui pourra vieillir une quinzaine d’années…

Fesses Noces en Bretagne

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Je viens de passer deux jours en pays Breton. Il y avait longtemps que je n’avais pas posé mes valoches en terre buveuse. Et c’est avec plaisir que j’ai pu constater de mes yeux que la consommation de tout type de boissons contenant au moins un soupçon d’alcool n’avait pas périclité. Il faut dire que j’étais invité à un mariage et que dans ces circonstances, les Armoricains éclusent en une journée ce que d’autres boiraient en une année. Après avoir mangé et bu au-delà du raisonnable, ils se mettent à danser. N’étant pas familier de leurs coutumes folkloriques, je pensais que dans l’état où ils étaient, ils ne pouvaient que danser une bourrée (je n’ai même pas honte). J’interrogeais des invités du cru qui bien que déjà plutôt cuits, nièrent que la bourrée était un hommage anticipé à la nuit de noces de la jeune fille promise (cuitée, comme dirait Coluche). Réunissant les quelques neurones disponibles pas encore imbibés, ces autochtones affirmaient également que cette  danse n’avait pas de lien non plus avec l’état d’ébriété qui régnait en maître au cours de ce dîner fortement arrosé. Mais un homme coiffé d’un large chapeau noir et véritable puits de science encore peu aviné me dit que j’insultais la Bretagne en parlant de Bourrée. En effet, me dit-il cette danse vient du centre de la France et se danse en couple alors que traditionnellement les Bretons dansent en groupe comme dans l’an-dro. Moi-même fatigué par une absorption inhabituelle de chouchen, je le remerciais en ajoutant : je comprends que vous ayez choisi une chorégraphie de groupe. Ça vous permet de tenir debout plus facilement qu’à deux. L’homme s’éloigna de moi, le regard aussi noir que son costume.

Mona, vous connaissez la Bretagne ? Non ? Je pense qu’ils seraient contents de vous initier les Bretons ! Bon en attendant, je vous présente ce Pécharmant, le Domaine des Costes 2010 cuvée Tradition.
Un très joli vin rouge (agriculture biologique) et tellement digeste que Mona en a repris un second verre…     

Je prends les rennes de la Bretagne

Charles VIII signe le contrat de mariage
Charles VIII signe le contrat de mariage

La Bretagne fait l’actualité ces temps-ci. Moi, je préfère me plonger dans le passé et revenir au XV° siècle alors que le Duché de Bretagne se lia au royaume de France.
Et ce ne fut pas de la tarte. Les relations entre les deux états furent difficiles et guerroyeuses.

En 1486, François II de Bretagne promit sa fille Anne à Maximilien d’Autriche. En 1490, le mariage fut célébré entre un représentant du futur empereur romain germanique et la duchesse âgée de 13 ans. Pour que le mariage soit considéré comme consommé, le plénipotentiaire se coucha dans le lit conjugal et colla une de ses jambes dénudées contre celle de la fillette. Et hop, j’t’embrouille, le tour est joué.  La p’tiote est marida.
Le roi de France Charles VIII, fou de rage, fit le siège de Rennes.  La ville se rendit et la fillette dut se fiancer au roi de France.  

II fut stipulé dans le contrat de mariage que les deux parties ayant des prétentions égales au duché de Bretagne, voulant mettre fin à la guerre qui depuis longues années désolait ce pays, avaient résolu de contracter mariage ; que la duchesse Anne, en considération de l’honneur que lui faisait Charles VIII en l’épousant, lui abandonnait la propriété entière du duché, sans pouvoir jamais révoquer cette donation par testament, dans le cas où elle ne survivrait pas au seigneur roi. De son côté Charles VIII, s’il mourait avant la duchesse, sans avoir d’elle aucun héritier vivant, lui cédait tous les droits qu’il prétendait avoir sur le duché de Bretagne; seulement, pour éviter que les guerres et sinistres fortunes qui venaient de prendre fin, ne se renouvellassent encore, la duchesse s’engageait à ne convoler en secondes noces qu’avec le successeur du roi son mari, ou l’héritier de ce successeur. Ce contrat fut signé le 6 décembre 1491 ; le même jour avait lieu la cérémonie de mariage.
Mardi dernier à Langeais furent faites les épousailles du roi et de la reine, notre souveraine dame, et cette nuit-là, audit Langeais, ils couchèrent ensemble et la reine laissa là son pucelage. (Chronique de l’époque)

Crac, crac, vite fait bien fait. Pas de temps à perdre, il faut faire des mômes. Et des gosses, ils en firent. En effet, ils eurent six enfants. Bravo champion ; longue vie aux têtards et félicitations aux parents. Mais tous calanchèrent en bas âge. Dur, dur ! Aussi quand Charlot avala son bulletin de naissance, Anne retrouva son duché de Bretagne avant d’épouser Louis XII comme l’y engageait le contrat signé avec Charles VIII. Ouf !

Et il faudra attendre le 21 septembre 1532 pour que l’union de la Bretagne et de la France soit enfin consacrée. Bevet Breiz et vive la France. Cocorico.

Mona fini son far avec un peu de chouchen. Kenavo.

Un temps plouc-vieux

N'en jetez plou

Pendant la première guerre mondiale, les hommes de toutes les régions de France furent mobilisés. Pour nombre d’entre eux, c’était la première fois qu’ils quittaient leur terre d’origine et se frottaient à leurs compatriotes d’autres régions.

La Bretagne a donné nombre de ses enfants. Pour la plupart, paysans, ils débarquaient vêtus de blouse et chaussés de sabots, parlant peu français[1]. Quand on leur demandait leur commune d’origine, l’un disait  de Plouagat; un autre disait de Plouaret, un autre de Plouarzel, … ou de Plouasne, Plouay, Ploubalay, Ploubazlanec, Ploubezre, Ploudalmezeau, Ploudaniel, Ploudiry, Plouec-Du-Trieux, Plouedern, Plouegat-Guerand, Plouegat-Moysan, Plouenan, Plouer-Sur-Rance, Plouescat, Plouezec, Plouezoc’h, Ploufragan, Plougar, Plougasnou, Plougastel-Daoulas, Plougonvelin, Plougonven, Plougonver, Plougoulm, Plougoumelen, Plougourvest, Plougras, Plougrescant, Plouguenast, Plouguerneau, Plouguernevel, Plouguiel, Plouguin, Plouha, Plouharnel, Plouhinec, Plouhinec, Plouider, Plouigneau, Plouisy, Ploulec’h, Ploumagoar, Ploumilliau, Ploumoguer, Plouneour-Menez, Plouneour-Trez, Plounerin, Plouneventer, Plounevez-Lochrist, Plounevez-Moedec, Plounevez-Quintin, Plounevezel, Plourac’h, Plouray, Plourhan, Plourin, Plourin-Les-Morlaix, Plourivo, Plouvara, Plouvien, Plouvorn, Plouye, Plouzane, Plouzelambre, Plouzevede.

– Oh, mais ils vont nous embrouiller, ces gars là, dit un gradé. Bon à partir de maintenant, on dira les ploucs. C’est clair pour tout le monde.

Les ploucs bretons étaient nés. Si j’ai oublié une commune « plou », faîtes le savoir…

Mona plou de coiffe pour aller danser !


[1] On disait qu’ils baragouinaient, mot venant peut-être du breton bara (pain) et gwin (vin)