L’ivre de chevet

La petite histoire de France fourmille de nombre d’anecdotes qui valent bien celles de la grande histoire. Dans un ouvrage du XIX° siècle qui relate l’histoire de la table au cours des siècles, on peut lire :

Un ivrogne qui avait bien bu se leva la nuit d’auprès de sa femme, et ouvrit la fenêtre pour se débarrasser « du superflu de la boisson », comme dit Molière. Comme il pleuvait, il entendait l’eau d’une gouttière qui tombait, et, croyant que c’était de lui que provenait ce bruit, il restait toujours dans la même posture. A la fin, sa femme, impatientée de ne le voir pas venir, lui cria :

« – Eh bien, quand donc auras-tu fini?…
– Hélas! repartit l’ivrogne, je finirai quand il plaira à Dieu ! »

Plaise à Dieu, ma chère Mona, que nous buvions un verre de vin ! Merci Gente Dame de sortir deux verres et de tremper vos lèvres dans ce nectar produit par François Chidaine : Les Tuffeaux 2006. Ce vin de Montlouis est à la fois frais et moelleux. Un vin à boire et à pisser… lentement.

En flagrant débit

dessin de Cabu

Regardez donc ce que j’ai trouvé sur le bureau de Lépicurien. Si çà c’est pas de la provocation !

Le courage :

C’est rentrer saoul au milieu de la nuit, de voir ta femme qui t’attend avec un balai à la main et lui demander :
« T’es encore en train de nettoyer à c’t heure là ?… »

Le culot :

C’est rentrer saoul au milieu de la nuit, entouré d’un nuage de parfum, du rouge à lèvres sur les vêtements, de voir ta femme qui t’attend avec un balai à la main, lui taper sur les fesses et lui dire avec un air détaché  :
« T’énerve pas ma Bibiche, c’est ton tour maintenant !… »

Mona pas envie de vivre çà, aussi, elle se mariera pas ...

Laissez les ivres

friedrich_august_der_starkeLa Pologne a la réputation d’être la terre d’élection de l’ébriété. Mais on lui prête peut-être plus de capacité qu’elle n’en a. On prétend que pour choisir un nouveau souverain, on buvait beaucoup et que le plus fort buveur était finalement élu roi.

Quant à Auguste II[ 1], roi de Pologne, qui eut, disent les mauvaises langues, plus de trois cent cinquante bâtards, il buvait tant qu’on disait de lui :
– « Quand Auguste boit, c’est la Pologne qui est ivre ».

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elisabeth_petrovna_par_heinrich_buchholz_vers_1768La liste des buveurs célèbres est trop impressionnante et décourage l’énumération. Retenons seulement une buveuse : Élisabeth de Russie[2]. On prétend qu’elle s’enivrait si fréquemment qu’on ne parvenait pas à la déshabiller le soir. Aussi ses femmes avait-elles imaginé de lui faire porter des robes simplement bâties et non cousues. Quelques coups de ciseau suffisaient donc pour la débarrasser de ses vêtements, et ses femmes la portaient au lit « où elle retrouvait quelques forces dans les bras d’un bel athlète ».

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Balzac, quant à lui, raconte une ivresse mémorable qui le prit un soir de 1822, aux Italiens. Il avait fumé trop de tabac, et bu trop de vin avant la soirée et l’opéra acheva de l’enivrer. Il titubait légèrement à l’entracte.
– « Ce monsieur sent le vin, murmura une dame, dégoûtée.
– Non, madame, s’écria-t-il superbement, je sens la musique! ».

De nos jours, il aurait fini au ballon. Je propose de porter un toast à la mémoire d’Honoré et puis un autre à celle d’Auguste et pi un aut’ à cel’  d’Elisabeth. Mona, sortez les ballons, je vous prie.


[1] Prince électeur de Saxe, puis roi de Pologne de 1697 à 1704, puis de 1709 à 1733.

[2] Fille de Pierre le Grand,  Impératrice de 1742 à 1762 et belle-mère de Catherine II