Gardez belle mine même sans aller au pieu

mona-chapeau

Dans son courrier, Jean Filmonslype me confie avoir du mal à maîtriser Popaul qui a tendance à se mettre au beau fixe au plus petit jupon qui passe à ses cotés. Et le petit chou, ça le gêne d’avoir l’Eminence gonflé comme un capot d’Aston Martin. Avoir la baïonnette au slibard, ça lui fait perdre tous ses moyens. Il en rougit comme une jeune fille boutonneuse rentrant par erreur dans une pissotière à six places pleine à craquer. Ce pauv’ Jeannot me demande comment contrôler son antenne télescopique ou si vous préférez, calmer son général massue.

Jean, vous êtes jeune, en pleine forme. Il est normal que votre couleuvre de calbar se sente des fois à l’étroit et cherche une porte de sortie. Tous les hommes, hormis ceux qui ont des difficultés d’allumage  récurrentes au niveau braguette, peuvent avoir ce genre de désagrément à savoir se balader avec un chapiteau style Bouglione sur le futal. Vous savez que j’aime relire Montaigne. Dans les essais, il parle de tout y compris de l’appendice queutal.

On a raison de remarquer l’indocile liberté de ce membre qui se manifeste de façon si inopportune lorsque nous n’en avons que faire, et défaillant de façon tout aussi inopportune lorsque nous en avons le plus grand besoin, contestant si impérieusement l’autorité de notre volonté, et refusant avec tant de fierté et d’obstination nos sollicitations mentales et manuelles.
Si toutefois j’avais été payé pour plaider sa cause, quand on réprimande sa rébellion et qu’on en tire une preuve pour le condamner, je jetterais peut-être la suspicion sur nos autres membres, ses compagnons, d’avoir cherché à lui faire, par jalousie envers l’importance  et la douceur de son usage, cette querelle préméditée, et d’avoir comploté pour armer le monde à son encontre, imputant méchamment à lui seul leur faute commune. Car je vous le demande, y a-t-il une seule partie de notre corps qui ne refuse pas souvent d’obéir à notre volonté, et qui souvent même s’exerce contre elle ? Elles ont chacune des passions qui leur sont propres, qui les éveillent et les endorment sans notre permission. Combien de fois les mouvements involontaires de notre visage ne viennent-ils pas révéler les pensées que nous tenions secrètes, nous trahissant ainsi à l’assistance ?
La cause qui anime ce membre, c’est la même qui, à notre insu, anime notre cœur, nos poumons, notre pouls, la vue d’un objet agréable répandant insensiblement en nous la flamme d’une émotion fiévreuse. N’y a-t-il que ces muscles et ces veines qui s’élèvent et s’abaissent sans l’accord, non seulement de notre volonté, mais même de notre pensée ? Nous ne commandons pas à nos cheveux de se hérisser, non plus qu’à notre peau de frémir de désir ou de crainte.
Notre main se porte bien souvent là où ne l’avons pas envoyée. La langue s’engourdit et la parole se fige à sa guise. Même lorsque nous n’avons pas de quoi faire une friture, et que nous le leur défendrions volontiers, l’appétit et la soif ne manquent pas d’exciter les parties qui leur sont sujettes, ni plus ni moins que cet autre appétit, qui d’ailleurs nous abandonne aussi hors de propos et quand bon lui semble.

Les organes qui servent à décharger le ventre ont leurs propres dilatations et compressions, qui se moquent de notre avis et même s’y opposent, comme ceux qui servent à vider nos glandes. Pour montrer la puissance de notre volonté, saint Augustin prétend avoir vu quelqu’un qui commandait à son derrière autant de pets qu’il en voulait. Vivès renchérit d’un autre exemple de son temps, dans lequel les pets étaient organisés suivant le ton des vers qu’on déclamait. Mais tout cela ne suppose pourtant pas la plus parfaite obéissance de cet organe.
En est-il en effet de plus ordinairement indiscret et désordonné ? Ajoutons à cela que j’en connais un si turbulent et si revêche qu’il y a quarante ans qu’il oblige son maître à péter constamment et sans interruption, et le conduit ainsi vers la mort. Plût à Dieu que je n’eusse appris que par les histoires, combien de fois notre ventre, par le refus d’un seul pet, nous conduit jusqu’aux portes mêmes d’une mort pleine d’angoisse.

Hé ben, Michou, j’aurais jamais pensé trouver un tel texte. Quelle liberté de ton : ça agace surement les pimbêches serrées du fion, les mémères à bigoudis et rosières en fleurs qui ne savent pas éteindre de tels incendies. Chapeau ! On ne feuillette jamais assez les Essais, mon petit Jean Filmonslype.

Mona pas ce problème évidemment !