Une histoire de gros saouls

Trois des plus grands collectionneurs de prestigieux flacons se réunirent dans un restaurant parisien. Chacun avait extrait de sa cave le flacon le plus fabuleux, le plus ancien, le plus extravagant pour la dégustation la plus onéreuse et la plus médiatisée de l’histoire. Cléopâtre et ses perles dans son vinaigre, allait paraître bien chichiteuse !

Black Appart de Boston, commentait son Lafite 1730 :  » Il est plein de poussières du temps, il a la suavité de la dentelle jaunie … en un mot, il est sublime de vieillosité ».
Il expliqua alors à ses commensaux qu’il avait soufflé cette dive bouteille à la barbe d’un émir et d’une baronne anglaise pour à peine plus de 60.000 $ lors d’une vente aux enchères.

tokaj1Li Vin Jon, dit Ming De Rien, arrivé tout droit de Shanghai, fit cérémonieusement servir un Tokaj 1750 provenant directement de la cave du Tsar Nicolas II. Il avait payé ce flacon un peu plus de 75.000$ à un ancien apparatchik, qui, après avoir siégé au comité central d’une des républiques de l’ex Union Soviétique, s’était reconverti dans les affaires. « Sentez ce nez de fruits blets, de guano sec … sentez vous sous la langue les débris du bouchon d’origine ? « 

« Vous n’avez encore rien vu! Attendez vous à recevoir un coup de pied dans les Pouilles », s’exclame grossièrement Marco Goulo, grand collectionneur napolitain, en brandissant galgr171une amphore de Lacryma-Christi. Il m’a fallu débourser 180.000$ pour goûter ce nectar de plus de 1.500 ans. En effet, j’ai du en acheter deux. Mais, mon chauffeur en a cassé une ! Comme on dit chez nous, une de Padoue, dix de retrouvée, ah, ah, ah ».
Après avoir bien rigolé et goûté l’antique breuvage, les commentaires vont bon train :
« Subtil, dilué d’aromates verdurés … odeurs de térébenthine, le tout rehaussé par une touche de varech décomposé … Et quand je pense qu’elle n’est restée que 10 siècles sous la mer …c’était vraiment une affaire à ce prix là « .

Repus et comblés, ils demandent au sommelier du lieu de leur servir la bouteille de son choix pour les étonner. L’homme de l’art revient avec une carafe contenant un étrange liquide : « rouge sombre, limpide … Comme c’est bizarre, et cela sent les fruits rouges, le bois grillé, et en bouche, cela vous tapisse le palais … et, de plus, cela ne fait même pas mal à la gorge quand on l’avale. Allons, ne faîtes pas durer le suspens, montrez nous l’antique bouteille que vous avez servie « 

– Et bien, il s’agit d’un Médoc, Tour Haut-Caussan 2005, un vin de Médoc vendu sur notre carte à 30 €.

Depuis ce jour, le trio des buveurs de dollars vexé décida de se réunir dans une autre ville.

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