Soir de repas sages

grande_bouffe_hautDurant la Monarchie de Juillet[1], Monsieur de Viel-Castel paria d’expédier en 120 minutes un dîner de 500 francs (ce qui correspondait au revenu annuel d’un manœuvre). Au Café de Paris, à 7 heures précises, on lui servit douze douzaines d’huîtres d’Ostende, si vite avalées, qu’on dût lui en servir autant, arrosant l’ensemble d’une bouteille de Johannisberg (vin blanc du Valais). Mais les huîtres ne comptent pas. Le dîner proprement dit commence avec le potage : des nids d’hirondelles. Ensuite, il dévora, en extra, un bifteck aux pommes de terre. Puis le service reprit avec une belle féra du Lac de Genève qu’il suça jusqu’aux arêtes; un énorme faisan bourré de truffes, un salmis de dix ortolans dont il ne fît que dix bouchées, des asperges et petit pois. En guise de dessert, il se contenta d’un ananas et de fraises. Au cours de ce repas, il but deux bouteilles de Bordeaux, une bouteille de Constance et du Xéres pour le dessert. Après le café, il testa quelques liqueurs. Il paya 518 francs et 50 centimes dépassant à peine son budget et frais comme un gardon, à 9 heures, il s’en alla.

******

honore_de_balzac1A la Belle Epoque, les restaurants se multiplient sur les boulevards parisiens. A la table d’un de ces établissement, Balzac, un jour, commence par un cent d’huîtres, avale douze côtelettes de pré-salé du Mont Saint Michel, un caneton sur lit de navets légèrement caramélisés, deux perdreaux rôtis et un chariot de desserts.
On comprend que Balzac ait eu besoin de beaucoup écrire !!

******

Le Marquis de Saint Cricq, joyeux vivant excentrique, après un repas copieux et bien arrosé au Café Anglais, fit remplir ses bottes de crème glacée pour se rafraîchir : vanille pour la jambe gauche et fraise pour la droite.

******

Le Club des Grands Estomacs, quant à lui, se réunit chaque semaine pour se remplir la panse et sans s’arrêter de six heures du soir au lendemain midi.  Alfred Delvau, journaliste au Figaro, décrit un menu dans ses “Plaisirs de Paris”, livre écrit en 1867 :

“De six heures à minuit, dure le premier acte de ce pantagruélique repas pendant lequel on sert aux membres de ce club : potage à la Crécy, précédé de plusieurs crus : de vin amer, suivi de plusieurs verres de madère, turbot sauce aux câpres, filet de boeuf, gigot braisé, poulardes en caisse, langue de veau au jus, sorbets au marasquin, poulets rôtis, lagrandebouffecrèmes, tourtes et pâtisseries, le tout arrosé de six bouteilles de vieux bourgogne par convive.

De minuit à six heures du matin dure le second acte, pendant lequel on sert : une ou plusieurs tasses de thé, potage à la tortue, cary indien de six poulets, saumon aux ciboules ; côtelettes de chevreuil au piment, filet de sole au coulis de truffes, artichauts au poivre de Java, sorbets au rhum, gélinottes d’Ecosse au whisky, puddings au rhum, pâtisserie anglaise fortement épicée, le tout arrosé de trois bouteilles de bourgogne et de trois bouteilles de bordeaux par tête. Enfin, de six heures du matin à midi, troisième et dernier acte de ce gueuleton monstre : on sert une soupe à l’oignon extrêmement poivrée et une foule de pâtisseries non sucrées, arrosées de quatre bouteilles de champagne pour chaque convive. Puis, on passe au café avec un pousse-café composé d’une bouteille entière de cognac, de kirsch ou de rhum.”

« La Grande Bouffe », quoi…


[1] Régime de monarchie constitutionnelle en France correspondant au règne de Louis-Philippe (1830-1848)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *