Toc, toc … coque

oeuf_a_la_coque-9d6f4Au XVII° siècle, un obscur gastronome adorait les plats en sauce… Ses vêtements maculés faisaient le désespoir de sa femme et la fortune de son blanchisseur. Il expérimenta plusieurs instruments : cuillers à double fond, chalumeaux en verre ou en métal  pour emboucher les sauces sans en mettre partout. Un jour, il eut une fulgurance : il saisit une boulette de mie de pain et épongea le sublime suc dans le fond de l’assiette : Jules Antoine MOUILLET venait d’inventer la « mouillette ». Une dizaine d’années plus tard, en découpant croûte et mie en fins bâtonnets, il rigidifia son invention. La dégustation de l’œuf à la coque en fut durablement modifiée jusqu’à nos jours.

La semaine prochaine, je vous raconterai la vie exaltante de Monsieur JAVEL, inventeur de l’eau du même nom. L’histoire ne dit pas si sa fille se prénommait Aude. Einfirmiere2sft si vous êtes sages, je vous conterai, lors d’une prochaine sortie, la vie trépidante de Madame CUISINE qui inventa la ba tterie….

Bon, c’est pas tout çà, je vous laisse. C’est l’heure de l’apéro…  Mona, servez nous donc un verre de blanc à la santé de ces grands hommes. Mais qui sont ces hommes en blanc qui viennent vers moi ? Que me veut cette infirmière ? Mona ne me laissez pas, au secours !!

Chemin de Sainte Croix … du Mont

messeMonseigneur Gabriel appréhendait toujours un peu le petit séjour annuel qu’il effectuait dans la paroisse du père Vincent. Son inquiétude ne venait pas de l’accueil des paroissiens, de la nature bonhomme du curé …

Non ! Tout cela était très … bien, presque trop et c’est là où le bât blesse … Son statut de Prince de l’Eglise ne le dispensait pas des trois messes matinales. Il redoutait ce pieux et fastidieux exercice qui le laissait dans une coupable euphorie. En effet, le vin de la paroisse était particulièrement agréable.
Un jour, n’y tenant plus, il demanda explication au brave curé :

– « Dites moi, mon ami … quand je viens vous voir, je suppose que vous choisissez un vin spécial pour remplir les burettes ?
– Mais non, le même que d’ordinaire, Monseigneur.
– Et vous vous fournissez où ?
– Le chevalier Haut Brion a la bonté de me tenir une fois l’an quelques barriques de sa vigne « le Carme de Fieuzal » …
– Doux Jésus ! Mais, c’est le meilleur de nos crus de Graves… Père Vincent, honte à vous… Vous utilisez la sainte table pour sacrifier au péché de gourmandise !
– Que nenni, Monseigneur ! Cela n’est que respect : lors de l’offertoire, seul, face mon créateur, je ne veux en aucun cas être en situation de lui faire la grimace… »

Mona pas craché non plus

Soir de repas sages

grande_bouffe_hautDurant la Monarchie de Juillet[1], Monsieur de Viel-Castel paria d’expédier en 120 minutes un dîner de 500 francs (ce qui correspondait au revenu annuel d’un manœuvre). Au Café de Paris, à 7 heures précises, on lui servit douze douzaines d’huîtres d’Ostende, si vite avalées, qu’on dût lui en servir autant, arrosant l’ensemble d’une bouteille de Johannisberg (vin blanc du Valais). Mais les huîtres ne comptent pas. Le dîner proprement dit commence avec le potage : des nids d’hirondelles. Ensuite, il dévora, en extra, un bifteck aux pommes de terre. Puis le service reprit avec une belle féra du Lac de Genève qu’il suça jusqu’aux arêtes; un énorme faisan bourré de truffes, un salmis de dix ortolans dont il ne fît que dix bouchées, des asperges et petit pois. En guise de dessert, il se contenta d’un ananas et de fraises. Au cours de ce repas, il but deux bouteilles de Bordeaux, une bouteille de Constance et du Xéres pour le dessert. Après le café, il testa quelques liqueurs. Il paya 518 francs et 50 centimes dépassant à peine son budget et frais comme un gardon, à 9 heures, il s’en alla.

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honore_de_balzac1A la Belle Epoque, les restaurants se multiplient sur les boulevards parisiens. A la table d’un de ces établissement, Balzac, un jour, commence par un cent d’huîtres, avale douze côtelettes de pré-salé du Mont Saint Michel, un caneton sur lit de navets légèrement caramélisés, deux perdreaux rôtis et un chariot de desserts.
On comprend que Balzac ait eu besoin de beaucoup écrire !!

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Le Marquis de Saint Cricq, joyeux vivant excentrique, après un repas copieux et bien arrosé au Café Anglais, fit remplir ses bottes de crème glacée pour se rafraîchir : vanille pour la jambe gauche et fraise pour la droite.

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Le Club des Grands Estomacs, quant à lui, se réunit chaque semaine pour se remplir la panse et sans s’arrêter de six heures du soir au lendemain midi.  Alfred Delvau, journaliste au Figaro, décrit un menu dans ses “Plaisirs de Paris”, livre écrit en 1867 :

“De six heures à minuit, dure le premier acte de ce pantagruélique repas pendant lequel on sert aux membres de ce club : potage à la Crécy, précédé de plusieurs crus : de vin amer, suivi de plusieurs verres de madère, turbot sauce aux câpres, filet de boeuf, gigot braisé, poulardes en caisse, langue de veau au jus, sorbets au marasquin, poulets rôtis, lagrandebouffecrèmes, tourtes et pâtisseries, le tout arrosé de six bouteilles de vieux bourgogne par convive.

De minuit à six heures du matin dure le second acte, pendant lequel on sert : une ou plusieurs tasses de thé, potage à la tortue, cary indien de six poulets, saumon aux ciboules ; côtelettes de chevreuil au piment, filet de sole au coulis de truffes, artichauts au poivre de Java, sorbets au rhum, gélinottes d’Ecosse au whisky, puddings au rhum, pâtisserie anglaise fortement épicée, le tout arrosé de trois bouteilles de bourgogne et de trois bouteilles de bordeaux par tête. Enfin, de six heures du matin à midi, troisième et dernier acte de ce gueuleton monstre : on sert une soupe à l’oignon extrêmement poivrée et une foule de pâtisseries non sucrées, arrosées de quatre bouteilles de champagne pour chaque convive. Puis, on passe au café avec un pousse-café composé d’une bouteille entière de cognac, de kirsch ou de rhum.”

« La Grande Bouffe », quoi…


[1] Régime de monarchie constitutionnelle en France correspondant au règne de Louis-Philippe (1830-1848)

Une Gourmandise

gourmandiseAvec « L’Elégance du Hérisson », Muriel Barbery est devenue une star de l’édition. Je ne vous parlerai de ce livre pas car je ne l’ai pas lu. Mais des aficionados m’ont laissé entendre que ce n’était pas plus mal : des personnages rencontrés dans « Une Gourmandise » se retrouvent chez le Hérisson.

Une Gourmandise est un premier roman récompensé par le Prix du Meilleur Livre de Littérature Gourmande. De quoi vous mettre l’eau à la bouche. Et bien, je n’ai pas été séduite par ce critique culinaire renommé qui, sur son lit de mort, recherche « la saveur ». De courts chapitres qui laissent la parole au critique bien entendu et à ses proches. Souvent les témoignages de ces derniers apportent peu.

Un petit livre qui se lit vite dans le train ou, mieux, sur la plage pour la beauté de son vocabulaire.
Mais comme nombre de restaurants, il ne vous laissera pas longtemps de souvenir de sa table…  des matières.

Mona qui « lisa » ce livre

Une gourmandise de Muriel Barbery chez Folio

Sauce, hissons notre programme

Jacques Dupont, grand dégustateur et spécialiste des vins au journal Le Point et Philippe Bourguignon, meilleur sommelier de France en 1978 et chef sommelier du prestigieux restaurant Laurent ont fondé un comité qui reste trop ignoré des grands médias alors que son objet est d’une importance capitale.

poulette-copieVous avez évidemment compris que je parle du Comité de Défense des Plats en Sauce qui a pour vocation de dénoncer les agressions répétées du light, du fast, du short et de tout ce qui préfixe le food en rabaissant le repas à une simple nourriture trop vite expédiée. Le CDPS, qui jusqu’à présent n’avait pas souhaité montrer sa puissance lors des précédentes consultations électorales, entend aujourd’hui, devant l’inaction des pouvoirs publics, sortir de la réserve citoyenne qu’il avait jusque-là scrupuleusement respectée. On ne peut rester muet devant les attaques répétées dont est victime le plat en sauce.  Il est accusé de tous les maux qui accablent nos sociétés modernes. Combien de fois de lâches et anonymes délateurs n’ont-ils pas proféré de rumeurs, malveillances, médisances, au passage d’un innocent rondouillard accusé d’abuser des plats en sauce. Est cela la justice ? Aux Etats Unis, pays des gros et des gras si l’on en croit la télé, que mange-t-on ? Toujours de source petit écran (source feuilletons) : du chicken grillé, du pop corn, des hamburgés, des pizzas à peine décongelées. Le tout arrosé de liquide effervescent glucosé dont l’aspect n’est pas sans rappeler la désinfectante Bétadine, qui chez nous est prisée surtout en milieu hospitalier. Mais de boeuf en sauce aux States, nenni. Pas l’ombre d’une crête de coq au vin, pas un soupçon de mironton.

C’est aux mêmes Etats Unis que l’on a découvert que vin rouge et foie gras avaient des vertus insoupçonnées. Quelle tête feront nos Saint-Just de l’allégé, le jour où ils découvriront que le boeuf bourguignon pare à certaines défaillances mieux que le Viagra. D’ailleurs, des recherches très prometteuses sont en cours au sein d’une des nombreuses sous-commissions du CDPS.

LE PROGRAMME DU CDPS

La pratique du plat en sauce agit en matière de :

sauceEnergie et Environnement

La cuisson lente et longue procure une douce chaleur dans la maison. Elle évite ainsi la surnucléarisation de la France et protège la couche d’ozone (le fumêt remplaçant avantageusement les désodorisants : le plat en sauce odorise, lui…)

Economie et social

Pour réaliser ces plats, on utilise généralement les bas morceaux du boeuf, du veau, du cochon; les poules “hors d’usage” ou les coqs de réforme.

Solidarité

Le plat en sauce est un vecteur évident de convivialité. Il réunit les familles déchirées par le tiercé, les matchs de foot. Il rassemble amis et frères autour de valeurs de notre riche passé en compensant la pauvreté de nos programmes télé.

Culture et agriculture

La consommation de plats en sauce permet le maintien de races anciennes qui donnent des morceaux adaptés, géltineux, gras. Sans cette cuisine, seules les races de viande à rôtir subsisteraient. Un monde uniquement peuplé de Charolais et de mangeurs de « hamburgérs » (prononcez à la française), non merci !

COMMENT DEVONS NOUS AGIR ?

cocotte31En créant une cellule chez chaque Epicurien. En effet la difficulté du CDPS est la suivante : le nombre de militants est réduit à huit par section. Au delà de ce nombre, les fondateurs n’ont pas trouvé de cocotte de qualité suffisante.  Aussi, c’est par la réunion de huit convives autour d’un plat longuement mijoté que nous ferons avancer nos idées et rallierons de nouveaux membres. C’est en nombre que nous pèserons lors des prochaines élections. La victoire est au bout de la cocotte.


A vos cocottes, citoyens épicuriens, le jour de gloire n’est pas loin. Marchons, marchons, qu’un joli fumêt parfume nos habitations. Vive “la Sauce Tranquille”.


Ce programme est paru dans « Les vins de l’hiver » de Philippe Bourguignon et Jacques Dupont chez Hatier : un livre hautement recommandable.