Prague : des Slaves l’habitent ?

Jan-Zizka-et-sa-compagne ?

A Prague, la colline Vitkov offre une vue magnifique sur la capitale tchèque. La statue[1] de Jan Zizka est élevée sur le site même de sa victoire sur les croisés en 1420. A coté se dresse le Musée de l’histoire du pays. Mais le monument de Vitkov n’a cette destination que depuis 2009.

A l’origine, le site devait célébrer la gloire des légionnaires hussites et le soldat inconnu y fut inhumé.

On proposa à Masaryk, leader de la résistance tchèque à l’Autriche-Hongrie durant la Première Guerre mondiale et président fondateur de la République tchécoslovaque d’être enterré dans ce mausolée. Il déclina cette proposition la trouvant déplacée et immodeste.

Le 11 mars 1953, le Président Klement Gottwald revenait de Moscou où il avait assisté aux obsèques du grand frère soviétique Joseph Staline. A sa descente d’avion, il dit à son entourage qu’il ne se sentait pas en forme. On mit çà sur le compte de l’émotion. Il meurt le 14 mars officiellement d’une rupture d’anévrisme. Il est vrai qu’il était difficile d’annoncer au peuple éploré (?) que le « grand homme» fidèle parmi les fidèles de Joseph était rongé par la syphilis et que son foie était bouffé par l’alcoolisme. Est-ce pour le remercier des nombreuses purges qu’on embaume son corps et après des travaux importants dans la bâtisse afin d’assurer une bonne conservation, on dépose son cadavre momifié au rez-de-chaussée. Mais sa dépouille ne résiste pas. Elle tourne assez vite au vert (et aux vers ?) et malgré de nombreuses interventions, il faudra l’incinérer en 1962.

Je profite de ces lignes pour rendre hommage à Andreï Stavinoha qui passa neuf ans dans les geôles du pouvoir pour avoir plastiqué la statue d’un des grands responsables de la répression en Tchécoslovaquie : le camarade Klement Gottwald.  

Bon ben, çà ne doit pas nous couper la soif. Ma chère Mona, le rouge peut être un symbole de bonheur. Si vous daignez sortir deux verres, vous serez positivement enchantée par le Bourgogne 2006 du Domaine Ferrey Montangerand.


[1] La plus grande statue équestre en Europe

Pour bien dîner, il faut être peu….

Comme dans beaucoup d’entreprises, la fin ou le début d’année sont l’occasion de réunir tout ou partie du personnel autour d’une bonne table et de célébrer les résultats de l’année écoulée et de porter des toasts pour la réussite du nouvel exercice.

Au Journal, vous pensez bien que nous respectons cette tradition quasi religieusement. Et puis comme nous ne sommes que deux, c’est pour moi l’occasion de manger en tête à tête avec Lépicurien, ce grand homme. Vous pensez bien que je suis énervée comme une puce le jour où se tient ce dîner qui restera, comme chaque année, un souvenir si cher à mon cœur qu’il me fera tenir douze mois.

Si je vous raconte tout çà c’est que cette fois, ce repas avait bien mal commencé pour moi. Figurez-vous qu’au terme d’une journée de travail bien remplie, nous avons regagné nos domiciles pour nous changer. Avant de partir le boss me lâcha ces quelques mots :

-Bon Mona, je pars m’adoniser et on se retrouve à la Queue de Cochon[1] à 20h45. Ok ?

Je restais muette et ne pus que secouer la tête pour acquiescer.  Mais je ne me sentais pas bien. Mon chef si vénéré était-il membre actif d’une secte, pis, pratiquait-il l’acte solitaire ? Et pourquoi avait-il besoin de s’adoniser avant d’aller manger. Que de questions frappèrent à la porte de mon cortex au volant de ma voiture sur la route de la maison… L’autoradio crachait une chanson d’Eddy Mitchell :

Je viens vers toi, tu m’attends dans ta robe blanche
L’amour en province ressemble un peu à un dimanche…

De chaudes larmes coulent aussi mollement qu’une fuite sur un bidet. Je suis au désespoir. C’est décidé je n’écouterai plus cette chanson «Sur la route de mes fils» que vient d’annoncer l’animateur…

Arrivée chez moi, je fonce sur un dico et cherche sadoniser : il y a rien. De quoi augmenter le trouble qui m’habite ! Je pleure à nouveau aussi fort que les chutes du Niagara. Mais vous me connaissez, çà ne dure pas longtemps avec moi. Je me reprends et fonce sur Google et tape sadoniser en laissant par mégarde un espace entre le s et le a. Et là tout s’éclaire. Je lis :

S’adoniser, v. réfl.  : S’ajuster avec un trop grand soin. Se dit surtout en parlant des hommes.

La joie déferle sur mes joues aussi vite qu’une descente en bobsleigh sur une piste olympique.

Je jette mon corps de déesse sous une douche et enfile mes plus beaux atours pour rejoindre celui qui illumine quotidiennement ma vie. Ce soir tous les espoirs me sont permis. Mon chef bienaimé s’est adonisé pour moi, rien que pour moi. Youpi !!!

Mona pas envie de vous dire comment çà c’est passé, bande de vieux cochons voyeurs !


[1] C’est un restaurant et non pas un club échangiste.

L’avaleur des mets

Le baron Léon Brisse (1813-1876) est un gastronome célèbre sous le Second Empire. Il avait commencé une carrière au sein de l’office des Eaux et Forêts. Il quitta sa Provence natale pour monter à Paris et devint journaliste. C’est lui qui eut l’idée d’une rubrique gastronomique dans le journal auquel il collaborait, «La Liberté». Chaque jour, il faisait paraître un menu, et cela aboutit tout naturellement à un livre «Les trois cent soixante-cinq menus du baron Brisse», publié en 1867.

Gourmand devant l’Eternel, il était si gros qu’il devait payer double place dans les diligences et son embonpoint était encore accru des victuailles diverses qu’il fourrait dans ses poches. «Son chapeau lui servait même à l’occasion de garde-manger.». A son corps défendant, il faut dire qu’il avait épousé une maîtresse-queux : la cuisinière de Rossini…

Il fut, avec Grimod de la Reynière, Monselet et Joseph Favre, un des premiers journalistes gastronomiques et participa largement à la diffusion de recettes notamment avec un livre de «Cuisine à l’usage des ménages bourgeois et des petits ménages» sorti en 1868.

On lui a souvent reproché de ne pas savoir cuisiner, et ses recettes sont parfois fantaisistes, voire irréalisables, comme la macreuse[1] au chocolat. Je vous laisse juge en reprenant la recette telle qu’il l’a publiée :

Macreuse au chocolat : après avoir vidé la macreuse, la laver dans de l’eau de vie et la faire revenir sur la braise ; la cuire ensuite dans un vase de terre avec addition de vin blanc, sel, poivre, laurier et fines herbes. On a du chocolat préparé à la manière ordinaire ; on le verse sur la macreuse, et on sert.

A la fin de sa vie, il prit pension à Fontenay-aux-Roses, chez l’aubergiste Gigout, et c’est là qu’il mourut, juste avant de se mettre à table le 13 juin 1876, ce qui ne coupa nullement l’appétit aux autres convives, dont Monselet qui, après un moment d’émoi, eut l’horrible sang-froid de déclarer :

« Passons à table tout de même, il n’a jamais aimé les fricots[2]trop cuits. »

Chaque année, à la date anniversaire de sa mort, ses amis faisaient, toujours chez Gigout, un dîner en dressant le couvert du baron Brisse. Son nom est attaché à un certain nombre de recettes qui elles peuvent être cuisinées…

Mona, je pense que Léon aurait aimé nous voir déguster un joli flacon. Soyons fous, je vous verse une Grande Grue Glacée 2009 de François Villard. Ce merlot a des arômes confiturés, une belle harmonie en bouche.


[1] Espèce de canard plongeur marin
[2] Terme populaire pour désigner un ragoût