Cela molaire de rien

Un grand merci à Mylène Micauton qui vient compléter l’article que je vous ai proposé sur les femmes romaines. Vous fûtes nombreuses à exprimer votre stupéfaction, voire votre dégoût à l’encontre de ces Romains qui pouvaient tuer leurs femmes si elles avaient tâté de l’amphore… Mais Mylène a relevé dans un vieil ouvrage du Docteur Cabanès : « Mœurs intimes du passé » que nos braves matrones Romaines avaient trouvé une parade pour boire un petit coup et ne pas avoir l’haleine chargé au retour de leur mâle.

Je reprends l’extrait que m’a adressé notre charmante lectrice :

Les dames romaines étaient rien moins que réservées sur le chapitre de la boisson : d’où résultait pour elles ce qu’un auteur latin appelle «le plus grand et le plus honteux des inconvénients» (maxime pudendum vitium). Pour y obvier, elles se gargarisaient avec une eau aromatique appelée, du nom de son inventeur, l’Eau de Cosmus ou de Niceros, dont l’essence de safran et de roses de Poestum étaient les ingrédients principaux.

Cosmus qui fut un parfumeur en vogue proposait à sa clientèle de nombreuses eaux dentifrices dont la composition était très variée. Généralement, la base était soit de la pierre-ponce soit de la poudre de marbre. Mais on utilisait aussi de la poudre de corne de cerf, d’os de tête de loup, de souris, de lièvre ou bien des coquilles d’œufs, des cendres, des écailles d’huîtres…

Qu’est ce qu’il faut pas faire pour boire un coup. Pour remercier Mylène : deux verres (elle est facile, mais j’ai pas pu me retenir).

Mona pas de carie. Et vous ?

Quelle chute, dit l’abbé en enlevant sa calotte

Mona vous a livré un magnifique poème libertin et humoristique d’un abbé du XVIII° siècle. Surprenant pour un ecclésiastique ? Pas vraiment, car il faut dire qu’à l’époque le second des familles nobles n’avait pas le choix. Il devait rentrer dans les ordres. Manifestement, le petit Gabriel-Charles n’avait pas une vocation très établie.   

Mona chez l'abbé de Lattaignant

Monsieur de Bachaumont a tenu un journal qui nous fait revivre son siècle. Le 14 janvier 1779, il note :

L’abbé de Lattaignant, le fameux chansonnier, vient de mourir dans un âge très-avancé, malgré ses débauches. Il s’était converti depuis quelques années, et il faut se rappeler que c’était l’abbé Gauthier, le confesseur de M. de Voltaire, envoyé à ce poète par son confrère, qui avait opéré ce miracle. Il était difficile que dans les cours de ses vaudevilles, l’abbé de Lattaignant n’offensât personne. Un des mécontents, voulant lui donner la rétribution ordinaire, se trompa, et s’adressa à un autre, chanoine de Reims comme lui, qui lui ressemblait beaucoup. Le chansonnier en plaisantait depuis, et l’appelait son receveur. On peut juger par ce trait combien l’abbé de Lattaignant, d’une famille honnête et même distinguée dans la robe, avait toute honte bue : il était aussi exclu de la bonne compagnie, dont il aurait pu faire l’amusement par ses saillies et sa gaîté.

Pas vraiment sympa comme éloge funèbre. Il faut dire que sa réputation lui vint plus de ses vers coquins que de ses sermons. Et il fut plus connu comme chansonnier que comme chantre à Notre Dame. Enfin il fréquentait au moins autant les cabarets que les presbytères.

Mais même si son nom a disparu de nos manuels, on pourra saluer sa mémoire en chantant à nos petits : j’ai du bon tabac. Il ajouta à cette chansonnette huit couplets et transforma le refrain.

Bon Mona, il est temps de passer aux choses sérieuses Ce jour, s’il vous agrée, je vous invite à déguster le Bourgogne 2007 des Deux Montille. Prêt à boire, ce vin sera un hôte de choix pour votre prochain repas.

Mots de tête

Au cours d’une de mes promenades livresques, j’ai rencontré la métalepse. Je vous entends dire : La Mona, elle a fumé la moquette ou elle en a de drôles de fréquentations. Aussi je vous dois une explication ou même plutôt une définition.

Cette figure de style est une variété de métonymie[1] qui consiste en la substitution, dans une phrase, de l’effet à la cause (Nous le pleurons pour Il est mort), ou de l’antécédent au conséquent (Ils ont vécu pour Ils sont morts).

Oui, je sais, vous allez dire, elle fait sa crâneuse. Elle étale sa science la Mona. Mais vous me connaissez, mes p’tites cailles, c’est pas le genre de la maison.

Pour illustrer ce cours gratuit de grammaire, je vous livre un poème libertin de l’Abbé Gabriel-Charles de Lattaignant :

Le Mot et la Chose

Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose
Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose
Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J’avouerai que j’aime le mot
J’avouerai que j’aime la chose
Mais c’est la chose avec le mot
Mais c’est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose
Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l’avantage sur la chose
C’est qu’on peut dire encore le mot
Alors qu’on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c’est toujours quelque chose
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu’il ne faut ajouter au mot
Qu’autant que l’on peut quelque chose
Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose
Pour vous je crois qu’avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n’avez pas dit le mot
Qu’on est déjà prêt à la chose
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose
Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose.

Mona pas bu sa bouteille ni même son verre et vous offre ces deux métonymies pour le prix d’une. 


[1] Figure par laquelle on désigne le tout par la partie, le contenu par le contenant…comme par exemple : boire un verre ou lire un Balzac.

Mona incite à goûter ses vins….

Saviez-vous mes petites colombes, que chez les Grecs comme chez les Romains, nous, femmes n’avions pas le droit de boire de vin. Pourquoi ? Parce que ces messieurs étaient persuadés que cette liqueur était la principale cause de tous les excès dans lesquels nous pouvions tomber.

Outre (facile, je sais) le fait que cette loi était absurde, elle fut dure pour les Romaines qui pouvaient être tuées. Je ne peux m’empêcher de vous rappeler la triste histoire de la femme d’Egnatius Mecenius. Ce dernier la surprit en train de boire du vin direct au tonneau. Coléreux, il la tua sur le champ. Et ayant le droit pour lui, il ne fut même pas condamné pour cet homicide.

Quintus Fabius Pictor[1] rapporte qu’une dame Romaine ayant crocheté un coffre où étaient enfermées les clefs de la cave avoua son forfait ; sa famille la laissa mourir de faim.

Contrôle d'alcoolémie à Rome

Pline lui nous indique que les hommes pouvaient embrasser les femmes de leur parenté sur la bouche à tout moment et en tout lieu, moins pour satisfaire aux plaisirs du baiser amoureux (dit French Kiss), que pour sentir, à leur haleine, si elles n’avaient point bu de vin.

Heureusement, par la suite cet usage se perdit insensiblement, puis la loi fut abolie. L’usage du vin ne devint un crime pour les femmes, que quand elles en prenaient outre mesure, et elles risquaient  seulement d’être condamnées à perdre leur dot.

De nos jours, cette discrimination à notre égard a pratiquement disparu. Mais… vous avez remarqué que c’est toujours Lépicurien qui ouvre les bouteilles.

Aujourd’hui Mona ouvert une bouteille du Domaine Marcel Deiss : Engelgarten 2007. Ce Premier Cru Alsacien est une pure merveille. Hé, Lépicurien, si vous voulez goûter, lavez donc deux verres, je vous prie.

Et toc, c’est envoyé…


[1] Homme d’État de la République romaine et historien, vers 200 av. JC

Des coups décès

Ce que j’ai appris, je l’ai oublié ; ce que je sais, je l’ai inventé.

Les femmes n’ont de bon que ce qu’elles ont de meilleur.

Si Ion veut se faire une idée de l’amour-propre des femmes dans leur jeunesse, qu’on en juge par celui qui leur reste après qu’elles ont passé l’âge de plaire.

Qu’est-ce que c’est qu’une maîtresse ? Une femme près de laquelle on ne se souvient plus de ce qu’on sait par cœur, c’est-à-dire, de tous les défauts de son sexe.

L’hymen vient après l’amour, comme la fumée après la flamme.

Ces maximes sont de Sébastien-Roch-Nicolas, dit Chamfort (1741-1794). Cet auteur élu à l’Académie  Française en 1781 est depuis tombé dans l’oubli.

Durant la Révolution, se sachant recherché pour avoir dénoncé les abus du Tribunal Révolutionnaire et risquant la guillotine, il préféra mettre fin à ses jours.
Retiré dans son cabinet, il se tira une balle dans le visage. Mais le pistolet fonctionnait mal. Amputé du nez et la mâchoire bien esquintée, il n’expira pas. Attrapant un stylet, il le plongea à hauteur de la carotide mais ne parvint pas à la trouver. Saisissant un coupe-papier, il visa le cœur sans succès. Il entailla ses mollets et épuisé, il perdit connaissance. Mais son valet le retrouva dans une marre de sang et appela un médecin qui le sauva. Décidément quand çà veut pas, çà veut pas … !

Quelques mois plus tard, il meurt dans son lit de la syphilis qui le rongeait depuis plusieurs années.
Moralité : avec cette maladie, tout commence dans un petit trou et finit patiemment dans le trou.

Bon Mona, boire un Beaujolais 2009 d’Yvon Métras, çà vous dit ? Un vin vraiment too much. Un vin comme on aimerait en boire tous les jours. Chapeau !

Faire un gros coca

En Inde, la firme Coca-Cola connait une fortune contrastée. Des agriculteurs de l’Andhra Pradesh ont accusé l’entreprise de pomper trop d’eau pour produire ses boissons sur place et les autorités ont confirmé que les bouteilles produites en Inde contiennent des quantités inacceptables de résidus de pesticides.

Par contre, des paysans ont abandonné les pesticides vendus à prix d’or par les multinationales de la chimie, et pulvérisent du Coca sur leurs champs de coton ou de légumes.

Alors qu’un litre de pesticide coûte 10.000 roupies, une bouteille de 150 cl de soda américain est vendue 30 roupies. Et çà marche ! Même si aucune étude ne vient expliquer le phénomène, les insectes disparaissent devant la boisson gazeuse.

Nous savions que cette boisson médicamenteuse était efficace pour soigner les maux de ventre, pour nettoyer les cagoinces, les cuivres…

Maintenant, on peut dire que le Cola, ce n’est pas bon dans le verre, mais c’est parfait pour les vers ! 

Mona jamais bu de pesticide. Et vous ?

Adonis est-ailleurs ?

Ma Chère Mona, comme à votre habitude, malgré mes nombreuses recommandations, vous prenez  nos lecteurs pour des lecteurs de magazine people.  Certes, je suis moi-même encore sous le charme de cette soirée que nous passâmes dans le cadre de notre dîner d’entreprise. A vous seule, vous étiez le personnel et moi, seul également, je représentais la direction… Mais, même ému, nous avons le devoir de donner à nos liseurs la becquée journalière qu’ils attendent avec autant d’impatience qu’un oisillon insatiable espère un ver de terre de ses parents épuisés.

En effet, dans cet article dont les lignes enflamment mon cœur, vous avez relevé que j’avais utilisé un de ces mots de la langue française dont l’emploi est aussi rare qu’un  morceau de musique classique dans le lecteur Mp3 d’un jeune coiffé façon Iroquois.

Mais ce mot mérite explication, ma petite Mona, on ne peut juste déverser des sentiments. Nous avons un devoir : divulguer la culture aussi souvent qu’un boulanger enfourne de baguettes nuitamment.

Aussi, pour respecter notre cahier des charges, je reviens sur ce joli mot : « s’adoniser ». Avouez  que son emploi est plus joli que de dire :

-Bon Mona, je pars enfiler un costard et on se rencarde au resto de la Queue de Cochon à 8h45 pétantes.

Mais, comme les plus instruits d’entre vous l’ont deviné, ce mot trouve son origine dans la mythologie grecque.

En quelques mots, il est difficile de résumer la vie de ce mortel. Aussi pour ceux qui voudraient la totale, cliquez sur ce lien.

Pour les autres, retenez qu’Adonis était un mortel aussi beau qu’un Berliet à la sortie de l’usine. Sa beauté était telle qu’Aphrodite, la déesse de l’amour, elle-même, en tomba amoureuse. Vous dire ! Mais Perséphone, qui avait élevé le petit Adonis en avait fait son amant.

Inutile de vous dire que les deux donzelles de l’Olympe se crêpèrent le chignon et demandèrent au big boss, Zeus himself, de décider laquelle des deux garderait le top model dans son pieu. A croire que Zeus était Normand, il offrit Adonis quatre mois à Aphrodite, quatre mois à Perséphone et laissait les quatre derniers mois pour un repos bien mérité après que le petit fut aussi pompé par ces gloutonnes que Pompée à sa sortie d’Egypte.

Mais, vous savez bien Mesdames, ce que vous êtes capable de faire pour conserver un bel hidalgo qui vous broute magnifiquement votre green fraîchement taillé. Aphrodite, qui en connaissait un rayon en matière d’amour, ne respecta pas le jugement olympien. Perséphone qui  attendait avec impatience le retour de son mignon pour se faire récurer la marmite, fut folle de rage.

Elle se rendit, par un joli matin de mars, chez Arès, le dieu de la guerre, qui fricotait depuis longtemps avec Aphrodite. Il ne prit même pas le temps d’un arès-buffet, et envoya un énorme sanglier qui transforma le mortel en marionnette désarticulée.

Inutile de vous dire qu’Aphrodite pleura comme une madeleine qui sait qu’elle va être trempée dans la tasse de Marcel. Une de ses larmes tomba sur une goutte de sang d’Adonis. C’est de là que naquit l’anémone. Snif, snif ! C’est beau, non ? Et c’est pas fini. Figurez-vous que la déesse se piqua sur un rosier. Et pour la première fois les roses prirent la couleur du sang. Quand vous irez chez votre fleuriste pour honorer votre voisine de pajot, ayez une pensée pour ce brave Adonis en achetant vos roses rouges.

Ben, pleurez pas comme çà, ma p’tite Mona. Ce n’est qu’un mythe. Bon pour vous remettre, il faut vous arroser la glotte. Que diriez vous d’un Rioja Reserva 2005 du Baron de Urzande : petits fruits rouges et poivre pour un vin délicat.

CAC et les bourses

Vous vous rappelez que nous vous avons fait rencontrer la Champmeslé il y a quelques jours. Cette actrice, égérie de Jean Racine, peut-être…, sa maîtresse, sans aucun doute, connut un succès fou aussi bien pour son interprétation sur scène que pour son interprétation du Kâma-Sûtra sur sommier en tous genres. En effet, la coquine ne se contenta de prendre racine auprès du dramaturge mais usa tant d’hommes que son agenda aurait facilement rempli le Robert des noms propres.

Vous avez aimé la Champmeslé ? Vous adorerez Lolotte. Quèsaco Lolotte, me direz-vous ?

Hé bien, mes enfants, c’est la nièce de La Champmeslé qui monta sur scène au lendemain de ses seize printemps. Il faut dire que la petite était fille de comédiens et qu’elle fut envoyée chez sa tata pour apprendre l’art de jouer au théâtre. Vite adulée par le public, elle remplaça sa tantine comme sociétaire de la Comédie Française et reprit avec succès  le même répertoire.

Et en plus, la petite avait une frimousse à faire fondre un esquimau au milieu de la banquise et elle avait tout ce qu’il faut là où il faut. Et, est-ce l’éducation de la tante, toujours est-t-il que Christine-Antoinette-Charlotte Desmares (C.A.C) dite la Desmares (respirez, c’est fini) savait s’en servir pour avoir le tout Paris à ses pieds (si j’ose dire). Dotée d’une grande beauté et sachant enlever sa cu-lolotte en moins de temps qu’un pet ne glisse sur une toile cirée, elle partagea la couche de Princes de sang et de plus de cent galants élégants (de toilette ?). Après avoir fait grimper aux rideaux Louis de France[1], elle se glissa dans le plumard à baldaquin de Philippe d’Orléans[2]. Celui qui deviendra le Régent à la mort de Louis XIV, était connu pour sa vie dissolue. Sous son «règne», le Palais Royal deviendra un lupanar de première bourre (si j’ose dire) et ses soupers fins qui se finissaient le plus souvent en orgies dignes des pires bacchanales, ont laissé plus de traces (si j’ose dire) que son action politique.

En 1702, à force de laisser tremper un biscuit dans sa tasse, Christine-Antoinette-Charlotte (fermez la porte après la dernière) s’aperçut qu’elle avait un polichinelle dans le tiroir. Quelques mois plus tard, elle accoucha d’une petite Angélique de Froissy qui épousera Henri François, comte de Ségur. Un de ses arrières petits-enfants se mariera avec Sophie Rostopchine, la fameuse comtesse de Ségur (un vrai roman à l’eau de roses, je vous dis).

Quand à Lolotte, elle quitta le théâtre, dans sa quarantième année et partagea la couche d’un richissime banquier suisse. Ce dernier, domicilié à Paris, acheta une «folie» à Chatillon pour sa belle. Son Suisse ayant fait de mauvaises affaires fut mis en faillite. Expulsée de sa résidence parisienne, C.A.C resta néanmoins fidèlement à ses cotés et finit sa vie ruinée à l’âge de 71 ans.

Mona pas de folie ni à Chatillon ni ailleurs, dommage !


[1] Fils aîné de Louis XIV, Grand Dauphin
[2] Neveu de Louis XIV