Il a fini par nourrir

En cette fin d’année 1878, les héritiers de Félix Durijot sont réunis chez le notaire pour écouter le testament qu’il y a déposé. Et, l’homme était riche. Propriétaire de restaurants à Paris dont le célèbre Frères Provençaux, il avait gagné pas mal d’argent qu’il avait placé avec grand profit à la Bourse. Aussi, les descendants du cuisinier sont attentifs.  
Le notaire décachète l’enveloppe et commence la lecture :

Voulant être utile après ma mort à mes compatriotes, et trouvant que les épitaphes où sont célébrées les vertus du défunt ne servent à rien, j’ordonne que la mienne soit remplacée, sur mon monument funèbre, par un cadre en bronze couvert d’un grillage et fixé en haut d’une colonne de marbre qui portera simplement mon nom.
Chaque jour, par les soins de mes héritiers, une recette de cuisine, très lisiblement écrite, sera glissée dans la rainure du cadre. J’en laisse à cet effet trois cent soixante-cinq, que l’on trouvera dans ma caisse.
Au bout d’un an, on recommencera, et ainsi de suite.
Comme cela, tout en allant visiter les morts, les personnes désireuses de s’instruire pourront rapporter du cimetière d’utiles renseignements. En cas de non-exécution de cette clause par mes héritiers, ma fortune tout entière reviendra à l’Assistance publique.
Ecrit de ma main et signé par moi-même, à Paris, en mon domicile 4, rue des Moines, le 6 avril 1878, étant sain de corps et d’esprit.

Un silence de mort (si j’ose dire) plane sur l’étude notariale.
L’un s’adresse à l’officier public :

-Mais enfin Maître, il était devenu fou ! Nous habitons à plus de 400 km de la capitale et il nous sera impossible de changer le menu chaque jour.
-Possible, mon Cher, mais la rédaction du testament est claire (de notaire, ah, ah…).

Heureusement, les héritiers pour s’assurer le magot se tournent vers l’administration qui rejette la volonté du défunt. Ouf !

Les 365 menus concoctés par le grand chef ne furent jamais affichés au cimetière ; pis, ils ne furent jamais publiés.

Mona préparé 365 articles pour l’au-delà. Mais, comme Francis Blanche, elle préfère le vin d’ici à l’au-delà. 

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