Quand la bise fut venue…

mona-levres

Annick Paçouvan est inquiète. Elle a 42 ans et n’a jamais connu le loup, pis encore, un garçon ne lui a jamais becqueté les muqueuse linguales. Autant dire qu’elle attend toujours le Prince Charmant. Avis à la gente masculine. Vous pouvez laisser, sur ce blog, un message à Annick que je m’empresserai de lui transmettre, la pauvrette ne peut plus se permettre d’attendre trop. Bon, il faut dire que la belle, si j’en crois la photo qu’elle m’a envoyée, a une bouche vraiment large et des babines franchement massives. Or ce type de goulot un peu trop évasé peut faire peur aux Don Juan de votre quartier et vous laisser dans le même état que Jeanne d’Arc. Il semble qu’une bouche en cul de poule soit plus recherchée par les vendeurs de salive. Octave Uzane, déjà cité dans ce journal, rappelait dans son Calendrier de Vénus que…

La bouche féminine, pour coquettement appeler le baiser et évoquer le désir, doit être plus petite que grande, d’une heureuse harmonie, les lèvres bien tournées, délicates, ni trop écarlates ni trop pâles, colorées d’une pointe de carmin, légèrement retroussée aux commissures et scintillantes sous l’humidité des caresses attendues. Le rire y doit creuser des fossettes friponnes au bas même du visage, et découvrir, comme d’un écrin sort un rang de perles, des dents petites, bien enchâssées également dans le vermeil des gencives et dont l’émail soit d’une blancheur japonaise à peine irisée.

Le plus mince défaut buccal, pour un raffiné, est la mort des baisers d’amour ; il ne faut point qu’une bouche soit ce qu’on appelait au seizième siècle un abreuvoir à mouches, elle doit, au contraire, prendre des airs musqués et affriander les yeux qui la contemplent. Certaines bouches ne sont qu’avaloirs sans expression ; les lèvres grasses y bobandinent (se pavaner, se mirer), les lourdes lippées (bouchées) y entrent, et les caquets (Gloussement particulier de la poule quand elle va pondre) en sortent, ce sont cavernes bien aviandées (repues) où tombent lèche-frions (lèche-frites) de cuisine, mais où ne parviennent point les hautises (bienfaits ?) des gentilles accolades.

Sur les bouches coïntes (gracieuses) et mutines, on peut bailler le Baiser à la pincette qui donne moins d’importance au caprice du moment. Pinçant doucement les deux joues des doigts, il est ainsi loisible de dérober amoureusement un long et sonore attouchement des lèvres, dont on se défend toujours trop tard!

Voilà le travail, ma chère Annick Paçouvan. A votre âge, je ne vois que la chirurgie esthétique pour attirer le chaland. Deux ou trois coups de bistouris et le tour est joué, vous attirerez les gigolos comme une fleur attire les abeilles.

Mona a des ourlets parfaits pour rouler des pelles. Et vous ?

De vigne en bouche

de-vigne-en-bouche1Marcel-E Grancher (1891-1976) est un auteur un peu oublié. Et pourtant, il a plus de 100 ouvrages à son actif : sur Lyon, sur la Grande Guerre, sur la gastronomie. Dans les années cinquante, il publiera nombre de policiers parodiques au titre évocateur : Baisse sur le poulet, Ce mec est contagieux, Marie Trouducoeur, La fin des haricots.
C’est, d’ailleurs, lui qui mit le pied à l’étrier à Frédéric Dard. Ils écrivirent à quatre mains Tartempion en 1953.

J’ai lu « De vigne en bouche » (1956) dans lequel on suit les aventures des membres de l’Académie de Panurge. Parmi eux, Antoine Bétoine, poète, épicurien, cherchant femme à forte dot pour lui apporter les revenus qu’il n’a pas… C’est à Bordeaux, qu’il jettera son dévolu sur la fille d’un vieux notaire habitant près du jardin public. Un portrait caustique de la bourgeoisie bordelaise de 1956…. Heureusement, nous sommes en 2009, les choses ont sûrement changé….C’est l’un de ses amis, Jean de Reyssac, viticulteur, qui l’initiera à la vie de Bordeaux et à ses vins. Alors que les vins de Bordeaux sont attaqués pour leur piètre qualité et traversent une crise, le vigneron lance un appel à tous les amateurs de bons vins : le Renouveau a sonné, les vins de qualité sont de retour[1] :

« Aujourd’hui, il faut que le torrent de vin que nous avons préparé, pour le bonheur des Français en général et des Parisiens en particulier roule et déferle. Qu’on trouve, dans tous les quartiers, pichets et cruches, flacons et tonneaux de celui que nous disons nôtre « Renouveau », parce qu’il est notre résurrection, notre réveil, notre printemps, notre espérance. Il sera tout cela, aussi pour qui boira ce vin béni, ce vin de sagesse, ce vin de courage, ce vin de santé.
Seulement, ce coup, camarades, nous n’entendons pas être dupés. Nous n’accepterons ni qu’on vous trompe, ni qu’on nous assassine. Nous ne laisserons partir ni, de nos vignes ni de nos chais, un seul fût indigne de la marque.
« Renouveau » voudra dire que nous avons réuni de bons compagnons fidèles pour leur confier la mission de vous livrer un vin fier, un vin sans reproche, que ces compagnons ont accepté le contrôle de leurs pairs et ont la volonté commune de servir notre cause et de batailler, tous ensemble, contre les fraudeurs et les tricheurs de tout poil.
Leur serment n’est pas, chose vaine et nous serions durs, à qui l’oublierait. Ils vont avoir leurs étendards, leurs gonfalons qui seront aux armes du « Renouveau. »
Voici venir notre troupe gaillarde. Viens trinquer avec nous, doux peuple de France. Nous pouvons te tendre nos mains de vignerons sans honte et sans crainte, car si d’aucuns te mentirent, nous ne fûmes jamais de ceux-là.
Renouvelle avec nous le pacte de tes pères. Renouveau pour toi. Renouveau pour nos vignes. Renouveau pour notre terre à tous et pour tous. A la bonne tienne !…
Et, prêchant d’exemple, il vida son verre – une sorte de hanap qui tenait comme rien son demi-litre, et non pas l’un de ces dés à coudre qu’ont trop tendance à adopter les constipés d’à présent. »

Dans ce même livre, Jean de Reyssac affirme haut et fort que les vins de Bordeaux sont tellement nombreux et variés qu’il est impossible d’en faire le tour :

« Chacun de ces vins est animé d’un vie perpétuelle, chacun a une adolescence, une jeunesse, un âge mûr, une vieillesse : chaque bouteille est une femme changeante qu’il faudrait fréquenter à tout âge et dans toutes ses humeurs. »

Voilà un homme qui sait parler des femmes….
Un ouvrage épicurien et truculent.

Mona envie de boire un coup


[1] Marcel-E Grancher « de vigne en bouche » Editions Rabelais page 105