Je suis pas fiole

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Vous savez combien je suis amateur de vins. Ce plaisir que je partage avec Mona éclaire nos journées et la dégustation d’un flacon est un rayon de soleil même lorsque le ciel est bas et que la pluie tombe averse. Tout ce qui tourne autour de la dive bouteille nous intéresse.
Récemment Mona me demandait de lui conter la fabuleuse histoire de la bouteille. Ce que je m’empressais de faire. Et pourtant ma joie fut contrariée car il fallait se rendre à l’évidence ; sans les Rosbeef, il n’y aurait pas eu de bouteilles en verre épais, ni de bouchons. Oh que ça fait mal de savoir et de dire que ces buveurs de thé, bouffeurs de fish & chips nous ont fourni ces flacons indispensables au bon vieillissement du vin.

Pourquoi ces insulaires, avaleurs de Jell-o, ont-ils été les créateurs de la bouteille ? La raison essentielle, c’est que les Anglais ne produisent plus de vin depuis le XVII° siècle période de la «petite glaciation» qui frappa l’Europe. Leurs vignes ne résistèrent pas à ce froid sibérien. Pour se fournir, ils durent se tourner vers le Sud et acheter dans les vignobles de Bordeaux, du Douro, de Jerez…

Mais le transport du vin était mal aisé et les vins étaient trop vite piqués. Les négociants londoniens ajoutaient souvent du sucre pour améliorer leur breuvage. Ils découvrirent à cette occasion que le vin réagissait en moussant. Ce breuvage eut vite la réputation de ranimer rapidement les amants languissants. Il n’en fallait pas plus pour assurer le succès du Champagne. Mais pour garder les bienfaits de ces effervescents, il est indispensable de l’enfermer dans un flacon. En 1632, Sir Kenelm Digby ouvre une verrerie près de Gloucester pour y fabriquer des bouteilles. En parallèle, les apothicaires anglais ont redécouvert les qualités du liège oubliées depuis la disparition de l’Empire Romain. Ils bouchent ainsi leurs flacons de sirop. Petit à petit, les marchands de vin utilisent le bouchon. Les débuts sont difficiles et le Champagne devient le vin «saute-bouchon». Les bouteilles résistent mal et le bouchage de même. Que de bouteilles se videront seules dans les caves avant d’avoir titillé les amoureux. Mais rapidement la bouteille s’imposa et permit la conservation du vin en cave.

Bon Mona, si on dépucelait une bouterolle ! Mais un vin blanc très vieux du Château Haut-Brion des années 1950 (millésime partiellement illisible compte tenu de l’état de l’étiquette). Malgré un état satisfaisant du bouchon, un bon niveau dans la bouteille, le vin est oxydé. On croirait boire un Fino de Jerez. Mais un vin donne souvent une échappatoire. Je vais le mette pour déglacer une côte de veau crémée. Je suis certain qu’avec quelques champignons, ce sera un repas princier. Et puis je me vois pas jeter à l’évier un vin qui m’a attendu durant 60 ans…

Bouchon né

Encore une fois et, de plus en plus souvent (en tout cas, il me semble), j’ai été brutalement foudroyé en pleine attente de plaisir. En portant le verre à mon nez puis à ma bouche : pas de doute, un goût de bouchon. Un vin bichonné par un bon vigneron, longuement gardé dans une cave de qualité, qui finira sa vie dans un évier. Dur, dur, dur !
Cette impression que le phénomène se reproduit souvent est-elle liée à une forte augmentation de ma consommation ou à une baisse de la qualité du liège, peu m’importe… C’est une sensation de frustration, une douleur telle celle d’un oiseau touché en plein vol.

Depuis quelques années, ont fleuri les bouchons synthétiques, les capsules à vis. Encore récemment, un copain vigneron m’a montré un bouchon révolutionnaire mis au point par des Italiens.
Certes, ces modes de bouchage ne permettent (peut être) pas de conserver des vins longtemps en cave ; mais, si comme moi, vous aimez les vins jeunes, le bouchage avec autre chose que du liège ne peut être écarté.

Or, si en Australie, 30% des vins sont bouchés avec un bouchon synthétique, en Suisse 80% des vins sont habillés de capsules à vis… en France 90% des flacons sont munis d’un bouchon de liège.

Selon des études en cours, l’utilité du bouchon en liège, qui permet au vin de respirer pour développer son bouquet, serait remise en cause. Quand un ami me dit que sa bouteille de Haut-Brion était bouchonnée, quand un magnum de La Tour Martillac 2000 est touché par le mal, je me dis qu’il va falloir accepter de changer nos habitudes.

Je sais que les Gaulois que nous sommes sont de drôles de conservateurs… mais accepterons nous encore la frustration d’une belle bouteille longtemps attendue et fusillée en un instant par la faute d’un bouchon de liège.
Et si la capsule à vis, inventée par des Français, de l’ex-groupe Péchiney, s’imposait chez nous ?…
Nous sommes des conservateurs nés, mais, à la suite des incendies répétés au Portugal, il faudra bien abandonner un jour ce bouchon… de gré ou de force.

Allez Mona, buvons un verre de vin blanc du Château Rochemorin 2006. André Lurton fut un des pionniers à utiliser des capsules à vis.

Tire-bouchon

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Pour un bon tire-bouchon, combien d’objets niaiseux ? De gadgets ? ! !..Vrilles faisant forets taraudant le bouchon, le découpant ; les qui pincent les doigts, massacrent les phalanges, endolorissent la paume de la main…

  1. Le bon couteau sommelier, outil de professionnel (faisons leur confiance) : il fait levier, il doit faire 6 cm de long et avoir 5 spires.
  2. Le “ screw-pull ” est d’emploi facile mais perçant le miroir, de légers débris de bouchon sont à craindre.
  3. Les injecteurs de gaz qui expulsent le bouchon sont remarquables pour… traumatiser les vins vieux !tire bouchon6
  4. Les bi-lames demandent un petit coup de main… mais laissent le bouchon intact et pas de dépôt dans le flacon.

TIRE-BOUCHON002Qui fut inventé en premier ?
Le bouchon ou le tire-bouchon ?
L’œuf ou la poule… air bien connu !

Un simple T en acier torsadé apparaît en Angleterre vers 1680. Cet objet, dérivé des tires-balles de l’armée, a un usage plus pacifique. Le tire-bouchon est né et il est bien anglais : la vrille est dextrogire (qui tourne à droite)… cette forme ne survit plus que chez les marchands de farces et attrapes. Devenu objet culte ; Chablis, Rouen, Ménerbes possèdent leur musée du tire-bouchon. Certaines  pièces de collection coûtent plus cher qu’une caisse de grand vin ! A tout choisir…préférons l’essentiel à l’accessoire.

En allant sur cette adresse, vous trouverez quelques jolies pièces de collection (en anglais) et sur ce site, une magnifique collection (en espagnol).

Bon, Mona, puisque vous avez un tire-bouchon, sortez donc deux verres…

Etang à boire

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La seule véritable carte d’identité d’une bouteille, c’est … son bouchon : un viticulteur digne de ce nom y indique l’A.O.C., le nom du cru et le millésime.

Le Marquis d’Havrincourt, dans le Pas de Calais, disposait d’une cave merveilleuse. Lors de la première guerre mondiale, l’état major ennemi vint s’installer chez lui. Le maître des lieux, pris de court, afin de préserver ses bouteilles, les fit toutes immerger dans l’étang.

Imaginez la surprise du général allemand qui, au petit matin, découvrit le magnifique plan d’eau tout blanc, alors qu’il était encore bleu-vert la veille au soir ! Des milliers d’étiquettes flottaient à sa surface…

Le Marquis perdit sa cave, et l’occupant sacrifia les flacons au petit bonheur, la chance car peu de bouteilles avaient des mentions sur leur bouchon.

Quand on songe aux difficultés que l’on a parfois pour décoller les étiquettes modernes, je me dis que tout çà, c’est pas juste.