Acteurs de défunts animés

Ma chère Mona, avec vous, c’est toujours le coté Closer qui l’emporte dans vos articles. La Champmeslé a certes été une tragédienne célèbre mais si elle n’avait partagé la couche de Racine, l’auteur de tant de chefs d’oeuvres aurait-il supporté son manque d’éducation et de culture ? Ne disait-on pas d’elle qu’elle était particulièrement inculte et ignorante. Après avoir lu la pièce Athalie, Mademoiselle Champmeslé demanda à Racine d’où il avait tiré le sujet de cette tragédie :
-De l’ancien Testament, répondit l’auteur.
-De l’Ancien ; répliqua l’actrice d’un air étonné, Pourquoi de l’ancien ! Mais n’avais-je pas ouï dire qu’il y en avait un Nouveau ?

En un mot, sa célébrité d’actrice fut égale à sa réputation de libertine hors-paires.

Mais je voudrais souligner que comme tous les gens de théâtre, elle risquait de ne pouvoir être enterrée selon les rites de l’Eglise. En effet, en France, les acteurs étaient automatiquement excommuniés, considérant que cette profession n’était pas compatible avec la foi catholique.

Afin de bénéficier d’une sépulture religieuse, la Champmeslé signa un acte de renonciation à son métier. Elle fut enterrée à Paris en l’église Saint-Sulpice.

En 1701, trois ans plus tard, son mari, Charles Chevillet, dit Champmeslé, mourut subitement. N’ayant pu signer l’acte de renonciation, il fut enterré dans le jardin de sa maison à Asnières pour ne pas être jeté dans une fosse commune.

Ma Chère Mona, je vous propose de boire un coup à la mémoire de tous ces artistes qui furent jetés de nuit comme des bêtes dans des trous… Le Passetougrains 2009 du domaine Castagnier est un vin digeste et réjouissant. J’aime ces bouteilles où le premier verre servi appelle à en déguster un autre et puis un petit dernier… car comme disent les autorités : à consommer avec mo mo des rations modération 

La Champmeslé regardait fixement les scènes

« La Champmeslé  est quelque chose de si extraordinaire qu’en votre vie vous n’avez rien vu de pareil ; c’est  la comédienne que l’on cherche, et non pas  la comédie. J’ai vu Ariane pour la Champmeslé seule ; cette comédie est fade, les comédiens sont maudits, mais quand la Champmeslé arrive, on entend un murmure,  tout le monde est ravi, et l’on pleure de son désespoir. »

C’est Madame de Sévigné, la célèbre épistolière qui écrit cet éloge à sa fille en avril 1671. Qui est cette Champmeslé ?

Actrice née en 1644 à Rouen, Marie Desmares épousa un comédien, Charles Chevillet connu à la scène sous le sobriquet de Champmeslé. Bien que l’ayant largement trompé avec le tout Paris et même le tout français…, elle resta connue sous ce nom. Madame de Sévigné, dont le fils en fera un temps sa maîtresse, la décrit comme une femme ayant :

«plus de grâce que de régularité, quoique sa taille fût avantageuse, et qu’elle eut de la dignité dans son maintien. Ses yeux n’étaient pas assez grands, et leur rondeur nuisait quelquefois à l’expression de sa figure. Sa peau était très brune ; sa voix était enchanteresse autant par sa douceur que par les sons touchants qu’elle en tirait quoiqu’elle fût forte et harmonieuse ; ce qui a fait dire à l’auteur des Anecdotes dramatiques : «Si l’on avait ouvert les portes de la salle, quand Mademoiselle Champmeslé déclamait, sa voix aurait été entendue dans le café Procope. Ce café était situé dans la rue des Fossés-Saint Germain, vis-à-vis la Comédie Française

Mais c’est surtout sa liaison avec Jean Racine qui en fit une actrice inoubliable. Le dramaturge écrivit pour elle les rôles de Bérénice, Bajazet, Mithridate, Iphigénie et Phèdre. Excusez du peu !

Mais la belle ne put se satisfaire d’un seul homme. Ils défilaient dans son lit à un rythme soutenu. Finalement elle quitta Racine pour Le comte de Clermont-Tonnerre, ce qui fit circuler à Paris ces vers :

À la plus tendre amour elle était destinée,
Qui prit longtemps racine dans son cœur ;
Mais par un insigne malheur
Le tonnerre est venu, qui l’a déraciné.

Elle rejoignit la troupe de Molière jusqu’en 1680 date à laquelle Louis XIV fusionna les troupes des deux grands écrivains pour instituer la Comédie Française. Elle en devint une des premières sociétaires.

Mona pas pris racine, tonnerre de Brest !