La Champmeslé regardait fixement les scènes

« La Champmeslé  est quelque chose de si extraordinaire qu’en votre vie vous n’avez rien vu de pareil ; c’est  la comédienne que l’on cherche, et non pas  la comédie. J’ai vu Ariane pour la Champmeslé seule ; cette comédie est fade, les comédiens sont maudits, mais quand la Champmeslé arrive, on entend un murmure,  tout le monde est ravi, et l’on pleure de son désespoir. »

C’est Madame de Sévigné, la célèbre épistolière qui écrit cet éloge à sa fille en avril 1671. Qui est cette Champmeslé ?

Actrice née en 1644 à Rouen, Marie Desmares épousa un comédien, Charles Chevillet connu à la scène sous le sobriquet de Champmeslé. Bien que l’ayant largement trompé avec le tout Paris et même le tout français…, elle resta connue sous ce nom. Madame de Sévigné, dont le fils en fera un temps sa maîtresse, la décrit comme une femme ayant :

«plus de grâce que de régularité, quoique sa taille fût avantageuse, et qu’elle eut de la dignité dans son maintien. Ses yeux n’étaient pas assez grands, et leur rondeur nuisait quelquefois à l’expression de sa figure. Sa peau était très brune ; sa voix était enchanteresse autant par sa douceur que par les sons touchants qu’elle en tirait quoiqu’elle fût forte et harmonieuse ; ce qui a fait dire à l’auteur des Anecdotes dramatiques : «Si l’on avait ouvert les portes de la salle, quand Mademoiselle Champmeslé déclamait, sa voix aurait été entendue dans le café Procope. Ce café était situé dans la rue des Fossés-Saint Germain, vis-à-vis la Comédie Française

Mais c’est surtout sa liaison avec Jean Racine qui en fit une actrice inoubliable. Le dramaturge écrivit pour elle les rôles de Bérénice, Bajazet, Mithridate, Iphigénie et Phèdre. Excusez du peu !

Mais la belle ne put se satisfaire d’un seul homme. Ils défilaient dans son lit à un rythme soutenu. Finalement elle quitta Racine pour Le comte de Clermont-Tonnerre, ce qui fit circuler à Paris ces vers :

À la plus tendre amour elle était destinée,
Qui prit longtemps racine dans son cœur ;
Mais par un insigne malheur
Le tonnerre est venu, qui l’a déraciné.

Elle rejoignit la troupe de Molière jusqu’en 1680 date à laquelle Louis XIV fusionna les troupes des deux grands écrivains pour instituer la Comédie Française. Elle en devint une des premières sociétaires.

Mona pas pris racine, tonnerre de Brest !

Il prend Racine

Racine avec son amie boit l'eau

Ici repose le corps de messire Jean Racine, trésorier de France, secrétaire du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, et un des quarante de l’Académie française, qui, après avoir longtemps charmé la France par ses excellentes poésies profanes, consacra ses muscs à Dieu, et les employa uniquement à louer le seul objet digne de louange. Les raisons indispensables qui l’attachaient a la cour l’empêchèrent de quitter le monde ; mais elles ne l’empêchèrent pas de s’acquitter, au milieu du monde, de tous les devoirs de la piété et de la religion. Il fut choisi avec un de ses amis, par le Roi Louis-le-Grand, pour rassembler en un corps d’histoire les merveilles de son règne, et il était occupé à ce grand ouvrage, lorsque tout-à-coup,  il fut attaqué d’une longue et cruelle maladie, qui à la fin l’enleva de ce séjour de misères, en sa cinquante-neuvième année. Bien qu’il eût extrêmement redouté la mort lorsqu’elle était encore loin de lui, il la vit de près sans s’en étonner, et mourut beaucoup plus rempli d’espérance que de crainte, dans une entière résignation à la volonté de Dieu. Sa perte toucha sensiblement ses amis, entre lesquels il pouvait compter les premières personnes du royaume, et il fut regretté du roi même. Son humilité et l’affection particulière qu’il eut toujours pour cette maison de Port-Royal des champs lui firent souhaiter d’être enterré sans aucune pompe dans ce cimetière, avec les serviteurs de Dieu qui y reposent, et auprès desquels il a été mis, selon qu’il l’avait ordonné par son testament. O toi! qui que tu sois, que la piété attire en ce saint lieu, plains dans un si excellent homme la triste destinée de tous les mortels; et quelque grande idée que puisse te donner de lui sa réputation, souviens-toi que ce sont des prières, et non pas de vains éloges, qu’il te demande.

Cette épitaphe de la main de Boileau était sur la tombe du grand écrivain à l’abbaye de Port-Royal où Racine avait demandé à être enterré. Le dramaturge était mort le 21 avril 1699. Mais après la destruction de Port-Royal, le 2 décembre 1711, son corps fut transporté en l’église de Saint Etienne du Mont à Paris et fut inhumé auprès de la tombe de Blaise Pascal.

Jean Racine et Nicolas Boileau furent les meilleurs amis du monde et ce depuis l’âge de 17 ou 18 ans. Ils partageaient leurs moments de bonheur comme leurs chagrins. En un mot, ils étaient inséparables. Sentant sa fin proche, Racine fit ses adieux à Boileau en l’embrassant les yeux baignés de larmes. Il lui dit simplement : « Je regarde comme un bonheur pour moi de mourir avant vous. »

Mona pleuré en lisant çà…. Et vous ?