Une cote d’or massif

Mona en pèlerinage à Vosne-Romanée

En 1791, les biens de l’Eglise et des nobles émigrés furent vendus comme « bien nationaux ». Dans les archives de la Côte d’Or, on trouve un texte présentant l’un de ses biens : la fameuse Romanée Conti. Habituellement, ces textes administratifs ne sont pas des modèles de poésie. Mais est ce le vin, sont-ce les paysages ? Toujours est-il que vous lirez une belle description d’un vin que peu ont eu la chance de boire.

Nous ne pouvons dissimuler que le vin de la Romanée Conti est le plus excellent de tous ceux de la Côte d’Or et même de tous les vignobles de la République Française pour peu que le temps soit favorable à la maturité du fruit.
Ce vin se distingue toujours de celui provenant des autres vignes des climats de prédilection, sa couleur brillante et veloutée, son feu, son parfum, charment tous les yeux.

La Romanée Conti est la pièce de vigne célèbre par la qualité exquise du vin qu’elle produit. Elle est estimée dans le territoire viticole de Vosne comme étant dans la position la plus avantageuse pour que le fruit obtienne la plus parfaite maturité. Plus élevée à l’occident qu’à l’orient, elle présente son sein aux premiers rayons du soleil, ce qui lui procure les impulsions de la plus douce chaleur du jour.

Le terrain qui nourrit cette vigne est suffisamment profond, de la qualité la plus propre qu’il soit possible de désirer pour opérer la végétation et le soutien de la vigne. On y cultive le pinot noir ; les ceps portent bien leur fruit et ne sont pas susceptibles de coulaison, comme beaucoup d’autres climats. Nous ne pouvons dissimuler que le vin de la Romanée-Conti est le plus excellent de tous ceux de la Côte d’Or et même de tous les vignobles de la République française… Sa couleur brillante et veloutée, son parfum et son feu charment tous les sens.

Ce vin bien entretenu et bien conditionné, arrivant à sa huitième ou dixième année augmente toujours en qualité. Il devient le baume des vieillards, des faibles et des infirmes et rendrait la vie aux mourants.
Louis Capet (14e de ce nom), ayant été traité de la fistule fut réduit dans un état de faiblesse déplorable et inquiétant. Les médecins s’assemblèrent pour lui trouver les moyens de lui ramener ses forces. Ils furent d’avis que les remèdes les plus efficaces étaient de choisir les plus excellents vins vieux de la Côte de Nuits et de Vosne. On en fit emplette, le malade en fit usage, reprit des forces et sa santé fut promptement rétablie.

Celui de la Romanée Conti opérerait sans contredit de plus grandes merveilles sur nos défenseurs les sans culottes.

Mona, j’aurais aimé vous amener une bouteille de ce divin breuvage. Mais à ce prix là, je passe mon tour. Mais pour se faire plaisir, je vous ouvre un Clos Vougeot 2001 de Philippe Engel. Un must à la mémoire d’un vigneron génial parti trop tôt vendanger les vignes du Seigneur…

Espace de vins

David Scott, l’astronaute américain, aime Jules Verne et la Bourgogne Il participera à plusieurs chapitres du Clos Vougeot[1], et notamment en présence de Jean-Jules, le petit-fils de l’écrivain. Lors de la mission Apollo XV[2], Irwin et Scott, à bord de la jeep lunaire, s’approchent d’un magnifique cratère que David, quelques heures avant le décollage, a baptisé « Cratère Saint-Georges[3] ». Il y dépose une étiquette de vin de Nuits Saint Georges en hommage à Jules Verne et Félix Tisserand[4]. Dans le roman Autour de la Lune, il y a, dans la fusée, une cave secrète qui recèle des bouteilles de Vin de Nuits. « Vin généreux, distillé par le soleil sur les coteaux de Bourgogne », dixit Jules Verne.

David Scott est moins terre à terre ; il proclame que le Nuits-Saint-Georges est : « Le meilleur carburant liquide pour propulser les cœurs dans la joie ». Avec sa place du « Cratère Saint-Georges », Nuits-Saint-Georges doit être la seule commune de France jumelée avec la Lune.

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1985 : Discovery décolle. Patrick Baudry emporte dans ses bagages quelques flacons de Lynch-Bages…Il les rapportera sur terre. Le vin du Médoc n’est plus le meilleur vin du monde ;  il est élevé au rang de meilleur vin de l’univers actuellement connu.

Mona, je vous invite à boire un Lynch-Bages 2004, vite deux verres… une belle structure et des arômes de fruits noirs. La classe.



[1]Siège de  la Confrérie des Chevaliers du Tastevin

[2] En Juillet 1971

[3] Nom pas reconnu officiellement par la Nasa

[4]Astronome français (Nuits-Saint-Georges 1845-Paris 1896). Ses principaux travaux concernent la Lune.

Stendhal en Côte d’Or

Alors que la polémique sur les rosés est à peine éteinte (souvenez-vous, ils voulaient autoriser les assemblages de rouge et de blanc), il est toujours intéressant de voir que rien n’est vraiment nouveau sous le soleil. Dans ses Mémoires d’un touriste, Stendhal relate son voyage à travers les régions françaises. En traversant la Bourgogne, il souligne nombre de curiosités et notamment il relève que les vins blancs de Pommard, Volnay et Meursault sont utilisés en assemblage des vins rouges [1].

Le Clos Vougeot
Le Clos Vougeot

Stendhal-consul-bigSans ses vins admirables, je trouverais que rien au monde n’est plus laid que cette fameuse Côte-d’Or. La Côte-d’Or n’est qu’une petite montagne bien sèche et bien laide ; mais on distingue les vignes avec leurs petits piquets, et à chaque instant on trouve un nom immortel : Chambertin, le Clos-Vougeot, Romanée, Saint-Georges, Nuits. A l’aide de tant de gloire, on finit par s’accoutumer à la Côte-d’Or.
Le général Bisson [2], étant colonel, allait à l’armée du Rhin avec son régiment. Passant devant le Clos-Vougeot, il fait faire halte, commande à gauche en bataille, et fait rendre les honneurs militaires.

Comme mon compagnon de voyage me contait cette anecdote honorable, je vois un enclos carré d’environ quatre cents arpents, doucement incliné au midi et clos de murs. Nous arrivons à une porte en bois sur laquelle on lit en gros caractères fort laids : Clos-Vougeot. Ce nom a été fourni par la Vouge, ruisseau qui coule à quelque distance. Ce clos immortel appartenait autrefois aux religieux de l’abbaye de Cîteaux. Les bons pères ne vendaient pas leur vin, ils faisaient des cadeaux de ce qu’ils ne consommaient pas. Donc, aucune ruse de marchand. […]
En général, les vins de ce pays se boivent en Belgique. Le propriétaire du Clos-Vougeot peut tromper ses chalands; il n’aurait qu’à faire répandre sur sa vigne du fumier de cheval, elle produirait beaucoup plus, mais le vin serait d’une qualité inférieure. Une bouteille du Clos-Vougeot, qui se vend dix francs à Paris chez les restaurateurs, ne se vend pas, mais s’obtient sur les lieux, par insigne faveur, au prix de quinze francs. Mais, il faut l’avouer, rien ne lui est comparable. Ce vin n’est pas fort agréable la première et souvent la seconde année; aussi les propriétaires ont-ils toujours une réserve de cent mille bouteilles.
La poésie, avec ses exagérations aimables, s’est emparée de ce sujet si cher aux Bourguignons ; et ce soir, dans son enthousiasme, mon correspondant de Beaune m’a promis de me faire boire une bouteille de vin du Clos-Vougeot provenant encore de l’abbaye de Cîteaux. Mais comment croire à cette vénérable antiquité, si après douze ou quinze ans ce vin commence à perdre ?
[…] Les vins de Nuits sont devenus célèbres depuis la maladie de Louis XIV, en 1680 ; les médecins ordonnèrent au roi, le vieux vin de Nuits pour rétablir ses forces. Cette ordonnance de Fagon [3] a créé la petite ville de Nuits.
[…] Beaune est située sur un sol calcaire ; on a planté une jolie promenade le long des remparts, et la Bourgeoise, petite rivière fort limpide et pleine de grandes herbes vertes qui flottent avec l’eau, traverse la ville. La cour de l’hôpital offre de jolis restes d’architecture gothique. Nicolas Rollin [4], chancelier de Philippe duc de Bourgogne, fonda cet hôpital en 1445. Il est bien juste, dit Louis XI, que Rollin, après avoir fait tant de pauvres, construise un hôpital pour les loger.
En allant à Chaumont, j’avais passé devant Pommard, Volnay et Meursault ; mais j’apprends seulement aujourd’hui la cause secrète de la richesse de ces lieux célèbres ; ils produisent un vin blanc qui a la propriété de se mêler aux vins rouges et de leur donner du feu sans les altérer.

Mona, Stendhal m’a donné soif. Sans vous commander, prenez donc deux verres sur l’évier. Moi, j’attrape un Meursault vinifié par Alix de Montille. Du bonheur assuré.


[1] De nos jours, Pommard et Volnay ne produisent que…  des vins rouges fort réputés.  Meursault produit essentiellement des vins blancs (environ 15 ha de rouge).
[2] Brillat-Savarin dit à son propos:  « C’est ainsi que le général Bisson, qui buvait chaque jour 8 bouteilles de vin à son déjeuner, n’avait pas l’air d’y toucher. Tout en humant ainsi 16 litres de liquide, il n’était pas plus empêché de plaisanter et de donner ses ordres que s’il n’eût dû boire qu’un carafon. »
[3] Archiatre (1er médecin du Roi). Voici comment le décrit St Simon dans ses Mémoires: « Fagon, du fond de sa chambre et du cabinet du roi, voyait tout et savait tout. C’était un homme d’infiniment d’esprit et avec cela un bon et honnête homme. Une figure hideuse, un accoutrement singulier; asthmatique, bossu…. Il était l’ennemi le plus implacable de ce qu’il appelait : charlatans… »
[4] Fondateur, avec sa femme Guigone de Salins, des Hospices de Beaune : « Moi, Nicolas Rolin, chevalier, citoyen d’Autun, seigneur d’Authume et chancelier de Bourgogne, en ce jour de dimanche, le 4 du mois d’août, en l’an de Seigneur 1443… dans l’intérêt de mon salut, désireux d’échanger contre des biens célestes, les biens temporels… je fonde, et dote irrévocablement en la ville de Beaune, un hôpital pour les pauvres malades, avec une chapelle, en l’honneur de Dieu et de sa glorieuse mère… »

http://www.pommard.com/