La bourse ou la vie

Mona en plein congrès

Dans le livre de la Genèse, le premier chapitre raconte la création et on peut lire : Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et multipliez-vous.

L’Eglise, durant des lustres, respecta au pied de la lettre cette sentence. Malheur aux époux qui n’avaient pas d’enfants. Ils pouvaient passer devant un tribunal pour prouver leur puissance. De nombreux ouvrages relatent ces procès ignobles.  Permettez moi de vous conter la mésaventure du baron Charles d’Argenton.

En 1595, il épousa Magdeleine de La Chastre,(avec un nom comme çà, je me serais méfiée à sa place) «Damoiselle de grande et ancienne maison». Comme le voulait la coutume, le drap taché de sang fut livré au public, ce qui prouva la consommation du mariage.

Tout allait bien durant quatre ans. Les époux semblaient heureux. Mais point d’enfant…

Magdeleine, encouragée par sa mère, fut persuadée de l’impuissance de son mari. L’affaire fut soumise à l’officiaI[1] de Sens qui ordonna promptement l’inspection des parties génitales du baron. Le constat mentionne que d’Argenton «n’avait point de témoins[2] extérieurement, mais comme une bourse sans boulettes, laquelle se retirait au dedans quand il se renversait, de manière qu’il n’avait autre chose qu’une verge, encore était-elle beaucoup plus courte que l’ordinaire des autres hommes».

Le baron proteste. Ses testicules existent, mais «cachées au dedans». Il réclame le congrès[3]. L’official refuse : l’absence de testicules est une preuve suffisante qui permet d’épargner la pudeur de Magdeleine de La Chastre.

Malgré son intervention auprès des autorités religieuses, la sentence fut confirmée. Il demanda au Saint-Père de prendre les choses en main (si j’ose dire).

S’en suivit une bagarre d’experts et d’avocats. Le défenseur du baron cita des chirurgiens qui affirmaient que les «testicules apparents» ne sont point nécessaires au «labourage d’amour» (amis poètes, bonsoir). «Je ne suis point châtré, s’exclame d’Argenton, j’ai de la barbe au menton, et ma voix n’est point grêle, mais semblable à celle des autres mâles, forte et virile

Mais malgré ses arguments, le baron perdit ce procès.

Le 3 février 1604, le baron d’Argenton mourut sans avoir été réhabilité. L’autopsie du cadavre fit courir tout Paris et se déroula en présence de médecins et chirurgiens et même de spectateurs.  Et les testicules cachés furent analysés : ils se trouvèrent pleins comme ceux des autres hommes.
D’Argenton fut déclaré puissant à titre posthume et la faculté de médecine de Paris décida, par décret, «qu’il n’est pas besoin, pour être capable d’engendrer, de trouver les testicules dans la bourse d’un homme, pourvu, toutefois, qu’il ait d’autres marques suffisantes de virilité».

Cette décision fit jurisprudence pour nombre de malheureux.

Mona dit que çà lui a fait une belle jambe à Charlot !


[1] Vicaire judiciaire est un juge ecclésiastique.
[2] Testicules
[3] Au Moyen Age, le congrès était une épreuve judiciaire destinée à prouver l’impuissance d’un mari en vue d’une annulation de mariage. Les époux étaient réunis dans un lit, en présence de juges, avocats, greffiers, médecins, experts judiciaire, et il s’agissait pour la Cour d’être témoins de l’impossibilité de la conjonction entre les époux.