Vous avez un peu de Monet ?

En 1915, Sacha Guitry présentait au Théâtre des Variétés un film muet de 22 mn intitulé « Ceux de chez nous« . Le titre a été choisi pour répondre à un manifeste allemand vantant la culture germanique. Le jeune cinéaste y présente des images d’Auguste Rodin, Maître Henri-Robert, Claude Monet, André Antoine, Camille Saint-Saëns, Edgar Degas, Edmond Rostand, Auguste Renoir, Sarah Bernhardt, Anatole France, Octave Mirbeau

En 1939, puis dans sa version définitive de 1952, ce film  fut sonorisé et Guitry y ajouta des images de son père.

Mais, en pleine exposition « Monet », je m’attarderai sur l’extrait consacré au peintre de génie. Sacha Guitry y raconte que Clémenceau, son grand ami,  appelé au chevet du mourant, quitta en toute hâte sa Vendée pour rejoindre Giverny. Il arriva juste à temps pour embrasser son vieil ami… C’était le 5 décembre 1926.

Il assista à la mise en bière et quand l’homme des pompes funèbres voulut recouvrir le cercueil de Monet du voile noir traditionnel, Clémenceau le lui prit des mains : « Non, dit-il », et ayant regardé tout autour de lui, il alla à la fenêtre, arracha l’un des rideaux de toile fleurie, et lui-même, il en recouvrit le cercueil du grand peintre en disant à mi-voix : « Pas de noir pour Monet ! Le noir ce n’est pas une couleur ! ».

Existe-t-il plus bel hommage ? Mona pas sure !

Claude Monet

L’enfer, c’est les hôtes

table-selectNée Euphrasie Héloïse Lydie de Neuville, Madame Aubernon vivait séparée de Georges Aubernon, conseiller d’Etat. A dater de 1874, elle tint un salon littéraire, bourgeois et très discipliné où se retrouvèrent entre autres Alexandre Dumas Fils, Marcel Proust, Anatole France, Guy de Maupassant, Aristide Briand, Alfred de Vigny, Charles Leconte de Lisle, Gabriel Fauré et Camille Saint-Saëns… Excusez du peu. Madame Aubernon de Neuville était appelée dans le tout Paris « la Précieuse Radicale ». Et l’on parlait de ses dîners « débats » qui se déroulaient le mercredi . En effet, autoritaire, cette dame dirigeait tout, même la conversation ! Elle donnait la parole à chacun de ses invités en agitant vivement une précieuse sonnette en porcelaine.

renan
Ernest Renan

L’un de ses hôtes réguliers était Ernest Renan, écrivain et philosophe réputé et âgé alors d’une cinquantaine d’années. Au cours d’un dîner, comme l’exigeait le règlement de Madame Auberton, il leva la main. La maîtresse des lieux lui ordonna :

« Ce n’est pas encore votre tour, vous parlerez plus tard ! »
Lorsqu’un quart d’heure après, elle lui dit :
 » Maintenant, vous avez la parole »
Renan répondit :
« Excusez-moi, mais, tout à l’heure, je voulais simplement redemander des petits pois ! Maintenant, je n’ai rien à dire ».

On ne sait pas ce qui se dit ou se fit après. Il faut dire que Renan avait déjà écrit que « la vie en commun rend commun »…

La mode des salons créait une forte concurrence. Petit à petit, l’influence de Madame Aubernon diminua. Son salon se vida de ses membres les plus prestigieux. Un jour, croisant Anatole France dans la rue, elle l’interpela :
– Il paraît que vous ne viendrez plus chez moi parce que mes dîners vous ennuient.
-Madame, je l’ai peut-être dit, mais ce n’était pas à répéter.

Pour finir, impossible de ne pas évoquer Samuel Pozzi, chirurgien célèbre et homme du monde. Il fit succomber Aubernon pour qui il était « L’amour médecin ». Mari volage et infidèle, il consolait sa femme en lui déclarant : « Je ne vous ai pas trompée, je vous ai complétée ».

Mona son salon toujours ouvert pour vous.