La mouche des goûts

çà m'en mouche un coin
çà m’en mouche un coin

Monique Tamaire m’a remplie d’effroi avec la lettre qu’elle m’a envoyée. Trouvant que son bonhomme est moins vaillant qu’il ne le fut et qu’il devenait fané du calcif, elle lui fait ingurgiter à son insu de la cantharidine. Quèsaco me direz-vous ? Cette molécule se trouve dans le cadavre séché puis broyé d’une famille de coléoptères. L’insecte le plus connu est la Lytta vesicatoria, communément appelée Mouche espagnole ou cantharide. Nous y voilà.

En cas d’agression, la bèbête secrète la fameuse cantharidine qui est un poison très agressif tant pour la peau que les yeux. Aussi, les prédateurs de cette petite bestiole sont rares.

Et pourtant, cette substance dangereuse est utilisée depuis la nuit des temps en pharmacopée notamment en dermatologie.   

Mais ce qui intéresse Monique, ce n’est pas l’effet de la cantharidine sur les verrues de son mari ; oh non ! Mais cette substance, depuis l’antiquité, est appréciée comme développeur de popaul. Hippocrate la préconisait, La Montespan en versait dans la nourriture de Louis XIV, le Marquis de Sade en fourrait (si j’ose dire) des bonbons.

Mais le problème ma chère Monique, c’est que c’est un poison violent qui irrite l’urètre, ce qui peut déclencher un fort développement de la personnalité d’un Julot, certes, mais en réponse à l’inflammation des muqueuses urinaires et donc une bandaison douloureuse.

Je me dois de vous avertir également qu’une erreur de dosage peut entraîner la mort. Ainsi le Marquis de Sade dut fuir après avoir fait absorber ses dragées d’Hercule à des jeunes filles qui partageaient temporairement sa couche. Prises de fortes douleurs, l’une se jeta par la fenêtre pendant que les deux autres calanchaient au milieu d’immenses souffrances.   

Vous voyez Monique Tamaire, votre voisin de plumard, en continuant à lui faire bouffer des moucherons espingouins, vous risquez de lui faire avaler son bulletin de naissance. Alors, soit vous lui réservez une place au Père Lachaise, soit vous arrêtez vos bêtises (pour rester polie). Je ne sais pas quelle mouche, vous a piquée, mais vous jouez avec sa vie au lieu de jouer avec son v…
A la vue de la photo agrafée à votre missive, je suis sure que vous avez les moyens de lui redonner une vigueur amoureuse si forte que la faïence de votre bidet paraîtra bien fragile à coté de son cornet à piston. Allez, jouez de votre physique de pin-up pour lui chauffer les turbines, et vous le verrez entretenir votre fourneau comme un mécanicien fourrait de charbon sa locomotive.

Mona pas envie de se moucher même en Espagne !

Un médicament qui fait mouche

En avril, j’avais écrit sur la mort de ce cher Président Félix Faure. Un lecteur (décidément, vous êtes formidables) m’a transmis un texte qui vient compléter l’article. Merci à Jaime Mabit, notre lecteur d’origine espagnole.

Au lendemain de la mort du Président Félix Faure (17 février 1899), la presse annonçait que le Chef d’Etat était décédé au travail entouré des siens. Un journal titrait même :

« Le Président de la République a succombé alors qu’il était penché sur les affaires de l’Etat…. »

La formule est belle, mais à de quoi faire rire quand on se rappelle les circonstances de cette mort.

Heureusement, plusieurs années après, Monsieur Le Gall qui était le chef de cabinet du Président défunt racontera les derniers instants de Félix. Ces propos furent repris dans la presse :

« Le président râlait sur un canapé-divan. Son visage était noir. L’explication de ce phénomène s’offrit tout de suite: il avait gardé son faux-col qui l’étranglait. .. On le fit sauter.
Mme Steinheil avait le torse nu, les cheveux épars. Elle portait son jupon, ses bottines. Sa chemise, ses bas, son pantalon étaient sur le tapis. Son corset sur un fauteuil.
Elle natta ses cheveux et les enfouit sous son chapeau. Elle fit un paquet de son linge, passa sa jupe et son corsage et, enveloppée dans un manteau de garde, la poitrine nue sous le corsage dégrafé, fut conduite jusqu’à une voiture. On reprit le manteau. On jeta l’adresse. Elle partit.

On s’empressait autour du président. Il n’y avait pas grand-chose à faire disparaître, mais on dut attendre plus d’une heure avant de pouvoir compléter sa toilette par suite d’un phénomène bien connu et que Pétrone décrit dans le Satiricon au sujet d’une aventure semblable.
Il faut savoir que la cantharidine[1] continue ses effets jusque dans l’agonie. »

Or Félix avait avalé deux doses de « Bonbons du Vert Galant »[2]  à cause des visiteurs qui se présentèrent à l’Elysée avant qu’il ne puisse rejoindre sa maîtresse. Or le vieil homme voulait être performant et vaillant. La mouche lui fut fatale.

Bon Mona, pas besoin d’avaler des mouches, nous on a le pinard. Et quand on boit les Raisins Gaulois 2009 de Marcel Lapierre, on se régale. Un jus de fruits pareil, çà donne la pêche. Et de plus, c’est l’occasion de rendre hommage à ce grand vigneron  de Morgon.


[1]  Substance produite par la cantharide ou mouche espagnole. Ce coléoptère est connu depuis l’Antiquité pour ses propriétés aphrodisiaques supposées.  Si elle peut déclencher une forte érection, elle n’est pas sans danger pour les reins et peut s’avérer mortelle.
[2] Marque de médicaments contenant de la cantharidine : çà ne s’invente pas !